La diplomatie française vient d’annoncer que Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne (AP), s’était engagé à conduire une série de réformes au sein de ses institutions. Si la déclaration a été saluée par certains comme un pas vers une meilleure gouvernance palestinienne, elle suscite aussi de profondes interrogations, tant à Jérusalem qu’au sein de la population palestinienne elle-même. Les intentions réformistes du dirigeant octogénaire sont-elles sincères ou relèvent-elles d’un simple geste diplomatique pour amadouer ses partenaires occidentaux ?
Un engagement de façade ?
La France, qui entretient des relations anciennes avec l’Autorité palestinienne, a présenté cette annonce comme le fruit d’un dialogue « constructif ». Le Quai d’Orsay insiste sur la nécessité de réformes structurelles, notamment dans le domaine de la transparence financière, du renouvellement politique, et de l’organisation d’élections libres. Mahmoud Abbas, à la tête de l’AP depuis 2005 sans jamais avoir été reconduit par les urnes, aurait assuré être prêt à « entamer une nouvelle phase de gestion moderne et démocratique ».
Cependant, à Ramallah comme à Jérusalem, nombreux sont ceux qui accueillent ces déclarations avec scepticisme. Cela fait plus de dix ans que de telles promesses sont faites à chaque visite de diplomates européens. Et rien n’a réellement changé.
L’Autorité palestinienne : une structure fragilisée
Aujourd’hui, l’AP est perçue comme une institution vieillissante, corrompue et largement déconnectée des réalités du terrain. Son autorité ne s’exerce plus qu’en Cisjordanie, et encore, de manière partielle, tandis que la bande de Gaza est entièrement contrôlée par le Hamas depuis 2007.
Les dons sont la bienvenue en cette situation particulièrement difficile :
Les critiques sont nombreuses, même au sein de la population palestinienne : absence de renouvellement des élites, népotisme, abus de pouvoir, répression de la liberté d’expression et gestion opaque des fonds internationaux. Selon plusieurs sondages palestiniens récents, plus de 75 % des habitants des Territoires estiment que l’AP ne les représente pas.
Dans ce contexte, les engagements d’Abbas envers la France paraissent bien tardifs, voire opportunistes. D’autant plus que son autorité personnelle est affaiblie et que son successeur n’est pas encore désigné, ce qui laisse planer un flou inquiétant sur l’avenir politique de la Cisjordanie.
Un enjeu stratégique pour l’Occident
Si Paris met en avant ces engagements, c’est aussi pour justifier son soutien financier continu à l’AP. Chaque année, la France – comme l’Union européenne – verse des millions d’euros à l’Autorité palestinienne, censés financer des projets de développement, l’administration publique, et la formation des forces de sécurité.
Mais face aux critiques de plus en plus nombreuses sur la destination de ces fonds – certains étant détournés pour rémunérer les familles de terroristes ou alimenter un système clientéliste – les gouvernements occidentaux se retrouvent sous pression. En affichant un « engagement réformiste » de Mahmoud Abbas, Paris tente probablement de maintenir ce fragile équilibre : soutenir sans cautionner.
Pour Israël, ces aides posent un vrai dilemme. D’un côté, une Autorité palestinienne stable est perçue comme préférable au chaos ou à la montée en puissance du Hamas. De l’autre, tolérer l’immobilisme politique et la duplicité diplomatique de Ramallah revient à entretenir une illusion qui nuit à toute solution de long terme.
Israël demande des actes, pas des promesses
Côté israélien, la réaction officielle est mesurée mais claire : Israël attend des actes concrets. La réforme de l’AP doit passer par :
L’arrêt immédiat des incitations à la haine dans les manuels scolaires,
La fin des paiements aux prisonniers pour actes de terrorisme,
L’organisation d’élections démocratiques,
Une collaboration sincère sur le plan sécuritaire.
Des sources proches du gouvernement israélien ont confié que Jérusalem n’avait « aucune attente réelle » de la part d’Abbas, qu’elle considère comme « un homme du passé ». Pour autant, Israël ne s’opposera pas frontalement à l’initiative française, dans la mesure où elle peut favoriser la stabilité régionale – à condition qu’elle soit suivie d’effets.
Une population palestinienne en attente de changement
Ce qui frappe le plus dans cette affaire, c’est le décalage entre les élites politiques et les aspirations de la population palestinienne. Les jeunes générations, en particulier, sont en quête d’un changement profond. Elles ne se reconnaissent ni dans l’Autorité palestinienne, ni dans le Hamas. Elles souhaitent davantage de libertés, de développement économique, et un avenir moins marqué par le conflit.
Les tentatives de révolte interne, comme celles avortées de 2021, montrent que la tension est forte. Mais la peur de la répression et l’absence d’alternative crédible paralysent toute initiative citoyenne. C’est pourquoi les réformes annoncées par Abbas, si elles se concrétisent réellement, pourraient marquer un tournant – mais cela reste très hypothétique.
Une opportunité pour un partenariat régional ?
Certains diplomates suggèrent qu’une réforme de l’AP pourrait permettre une relance de la coopération régionale, notamment avec les pays arabes signataires des accords d’Abraham. Le Maroc, les Émirats arabes unis ou Bahreïn pourraient jouer un rôle dans la reconstruction institutionnelle palestinienne, à condition que Ramallah montre des signes tangibles de changement.
Israël, qui a toujours plaidé pour une approche régionale du conflit, verrait d’un bon œil cette évolution. Une Autorité palestinienne modernisée, soutenue par ses voisins arabes, pourrait devenir un interlocuteur plus crédible – à la fois pour les négociations et pour la gestion des affaires courantes sur le terrain.
En conclusion : entre espoir et méfiance
L’annonce française sur les engagements de Mahmoud Abbas est accueillie avec une prudente méfiance. Elle soulève des questions légitimes : s’agit-il d’un réel changement de cap ou d’une manœuvre de survie politique ? Peut-on réformer une institution aussi enracinée dans ses pratiques ? Et surtout : la communauté internationale aura-t-elle le courage de conditionner son aide à des réformes réelles ?
Pour Israël, le message est simple : seule une Autorité palestinienne responsable, transparente et désireuse de coexister pacifiquement a sa place dans la région. Les promesses ne suffisent plus. L’avenir dira si Ramallah saura saisir cette ultime chance de se réinventer – ou s’il faudra, une fois encore, en tirer les conséquences.
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