L’information est passée presque inaperçue, mais elle en dit long sur l’état d’esprit qui règne à Paris. Le ministère de la Santé a demandé aux hôpitaux français de se préparer à un scénario catastrophe : accueillir des milliers de soldats blessés en cas de conflit armé généralisé en Europe. Une instruction datée du 18 juillet, révélée par Le Canard enchaîné, a confirmé que les CHU et centres hospitaliers devaient établir des plans pour faire face à un afflux massif de victimes, comme en cas d’attentat, de catastrophe naturelle ou de guerre.
« Cela fait partie de l’anticipation, comme les stocks stratégiques, comme les épidémies », a justifié la ministre de la Santé, Catherine Vautrin. Officiellement, il ne s’agit pas d’une alerte immédiate, mais d’une planification. Pourtant, cette révélation a provoqué une émotion légitime : la France, puissance européenne, imagine désormais ouvertement l’hypothèse d’un affrontement majeur sur son sol ou à ses frontières.
Les hôpitaux ne sont pas novices en matière de crises. Après les vagues d’attentats islamistes de 2015, la pandémie de Covid-19 ou encore les épisodes climatiques extrêmes, les plans d’urgence hospitaliers ont été rodés. Mais cette fois, la logique change d’échelle. Il s’agit d’anticiper non pas quelques dizaines ou centaines de blessés, mais plusieurs milliers, dont une large part de militaires. À Rennes, Lyon, Marseille, Paris, les CHU ont été invités à simuler des situations de guerre : mobilisation de lits, redéploiement des équipes, constitution de stocks de sang et de matériel chirurgical.
Ce tournant n’est pas anodin. Il traduit une inquiétude croissante face au contexte international : guerre en Ukraine, tensions avec la Russie, instabilité au Moyen-Orient. Les armées occidentales, épuisées par des décennies de sous-investissement, pourraient se retrouver à devoir gérer un choc brutal. « Les hôpitaux sont le maillon invisible de la défense nationale », rappelle un haut fonctionnaire cité par Ouest-France.
Les réactions politiques n’ont pas tardé. L’opposition a dénoncé une « panique organisée » et un aveu d’impréparation stratégique. Pour la majorité, au contraire, cette démarche est une preuve de lucidité. « Ne pas se préparer, ce serait irresponsable », affirme un député de la majorité. Le débat reflète une fracture plus profonde : la France se pense-t-elle encore protégée par son statut nucléaire et son éloignement relatif des zones de conflit ?
À l’étranger, cette préparation rappelle des pratiques bien connues en Israël. Depuis sa création, l’État hébreu vit avec l’idée de la guerre totale toujours possible. Ses hôpitaux — Tel HaShomer à Ramat Gan, Rambam à Haïfa, Hadassah à Jérusalem — disposent de structures souterraines capables d’accueillir des milliers de blessés en cas de conflit massif. Le parallèle est saisissant : la France découvre aujourd’hui ce que les Israéliens vivent depuis des décennies. « Ici, chaque hôpital est pensé comme une extension de l’armée », confiait récemment un responsable médical israélien à Infos-Israel.News (infos-israel.news).
Le document ministériel français ne se limite pas au cas de la guerre. Il évoque aussi les attentats terroristes de grande ampleur, les catastrophes climatiques ou technologiques. Mais le mot « conflit armé » change la donne : il installe dans l’imaginaire collectif la possibilité d’un retour de la guerre sur le continent européen. Une idée qui, il y a encore dix ans, paraissait impensable.
Pour Israël, cette mutation européenne a un goût de déjà-vu. Le pays a toujours alerté ses alliés sur la nécessité de préparer leurs infrastructures civiles aux scénarios les plus sombres. Mais en Europe, la culture de paix issue de l’après-1945 a longtemps anesthésié les consciences. Ce réveil tardif traduit la brutalité du monde actuel : montée des puissances autoritaires, attaques hybrides, menaces cyber et terroristes.
Les enjeux sont immenses. Comment la France organisera-t-elle la répartition des blessés ? Quels moyens supplémentaires seront débloqués pour un système hospitalier déjà en tension chronique ? Et surtout, quelle articulation sera mise en place entre les forces armées, la sécurité civile et la santé publique ? Autant de questions qui renvoient à une problématique centrale : la résilience d’un pays face au chaos.
Cette révélation, en somme, met en lumière une Europe qui se prépare malgré elle à un basculement historique. Alors que la guerre est redevenue une possibilité tangible, la France rejoint Israël et d’autres nations en admettant que la protection des civils et la survie nationale passent aussi par les hôpitaux. Mais entre la théorie et la pratique, il reste un gouffre. Et ce gouffre pourrait se refermer brutalement le jour où l’inimaginable frappera aux portes de l’Europe.
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