Si la guerre dans le Caucase a provoquĂ© la brouille entre IsraĂ«l et la GĂ©orgie, le tournant dans les relations dâIsraĂ«l avec lâUkraine est survenu en 2015, lorsque la Russie a dĂ©ployĂ© ses forces en Syrie et construit une grande base navale sur la bande cĂŽtiĂšre syrienne, rejoignant lâIran, le Hezbollah, et des milices chiites dâIrak, du YĂ©men et dâAfghanistan dans leurs efforts pour sauver le rĂ©gime du prĂ©sident Bashar Assad.
La dĂ©pendance dâIsraĂ«l vis-Ă -vis de la Russie sâest trop accrue depuis lâentrĂ©e de cette derniĂšre en Syrie en 2015. Toute sanction contre Moscou en cas dâinvasion obligera IsraĂ«l Ă se plier Ă la ligne occidentale.
En 2008, aprĂšs la brĂšve guerre entre la Russie et la GĂ©orgie, IsraĂ«l a compris quâil nâĂ©tait pas dans son intĂ©rĂȘt de jouer avec Moscou. Des entrepreneurs, des entreprises et des conseillers en sĂ©curitĂ© â notamment le gĂ©nĂ©ral de brigade (Ă la retraite) Gal Hirsch â avaient vendu des armes et fourni des services Ă lâarmĂ©e gĂ©orgienne avant le dĂ©but des hostilitĂ©s, et IsraĂ«l a ignorĂ© les protestations de Moscou. Ă la veille de ce conflit, le ministĂšre israĂ©lien de la DĂ©fense sâest finalement rĂ©veillĂ© et a bloquĂ© une vente importante de chars Ă la GĂ©orgie, lâun des principaux courtiers de lâaccord Ă©tant un ancien directeur gĂ©nĂ©ral de ce ministĂšre, Amos Yaron.
AprĂšs ces tension dans le Caucase, les ventes dâarmes entre IsraĂ«l et la GĂ©orgie ont considĂ©rablement diminuĂ© et ce qui a Ă©tĂ© vendu Ă©tait principalement de nature dĂ©fensive. IsraĂ«l a Ă©galement Ă©tĂ© contraint, au grand dam de Washington, de vendre des drones fabriquĂ©s par IsraĂ«l Aerospace Industries Ă la Russie en guise de « compensation ». Les industries militaires russes ont Ă©tudiĂ© la technologie israĂ©lienne avancĂ©e et ont commencĂ© Ă fabriquer elles-mĂȘmes les drones.
Les communautĂ©s de la dĂ©fense et du renseignement dâIsraĂ«l ont Ă©galement nouĂ© des relations Ă©troites avec lâUkraine aprĂšs le dĂ©mantĂšlement de lâUnion soviĂ©tique au dĂ©but des annĂ©es 1990. Ă la fin de cette dĂ©cennie, lâUkraine a accĂ©dĂ© aux demandes israĂ©liennes et a cessĂ© de vendre des composants iraniens pour ses programmes de missiles et nuclĂ©aires. En retour, IsraĂ«l a promis une compensation monĂ©taire et une augmentation des Ă©changes entre les deux pays. Au fil du temps, Kiev a dĂ©couvert quâIsraĂ«l Ă©tait trĂšs douĂ© pour faire des promesses grandioses mais vides de sens.
MalgrĂ© sa dĂ©ception, lâUkraine a continuĂ© dâentretenir des relations avec IsraĂ«l. Comme dâautres pays qui croient au mythe antisĂ©mite de lâinfluence juive, Kiev considĂ©rait IsraĂ«l comme une porte dâentrĂ©e vers la politique amĂ©ricaine. Il espĂ©rait pouvoir compter sur lui pour trouver des solutions Ă ses inquiĂ©tudes concernant la Russie, et poursuivre ses efforts pour rejoindre lâOTAN, alliance militaire occidentale.
LâUkraine a fourni Ă IsraĂ«l des connaissances, des technologies, des modĂšles de systĂšmes de dĂ©fense aĂ©rienne, des avions de combat et des Ă©quipements de renseignement, ce qui a permis Ă lâarmĂ©e de lâair israĂ©lienne et Ă dâautres unitĂ©s des Forces de dĂ©fense israĂ©liennes dâĂ©tudier les capacitĂ©s et la qualitĂ© des Ă©quipements russes et lui a permis de dĂ©velopper des contre-mesures adĂ©quates.
En outre, les services de renseignement israĂ©liens ont reçu une aide occasionnelle de leurs homologues ukrainiens. En fĂ©vrier 2011, avec le soutien du service de sĂ©curitĂ© intĂ©rieure ukrainien, le service de sĂ©curitĂ© du Shin Bet et le Mossad ont arrĂȘtĂ© lâingĂ©nieur palestinien Dr Dirar Abu Sisi, accusĂ© dâavoir aidĂ© le Hamas Ă dĂ©velopper et Ă amĂ©liorer la portĂ©e de ses missiles. Un tribunal israĂ©lien a par la suite condamnĂ© Abu Sisi Ă 21 ans de prison, quâil purge toujours.
Depuis quâEphraĂŻm Halevy est Ă la tĂȘte du Mossad, les directeurs de lâagence rencontrent rĂ©guliĂšrement leurs homologues ukrainiens. Ils parlent de la guerre contre le terrorisme et sâentraident avec diverses faveurs.
Les industries de dĂ©fense israĂ©liennes, dirigĂ©es par Rafael Advanced Defence Systems, Israel Aerospace Industries, Elbit Systems et IMI Systems, tentent depuis la fin des annĂ©es 1990 de vendre des connaissances et des systĂšmes dâarmes Ă lâUkraine. Entre autres choses, Israel Aerospace Industries a modernisĂ© lâavion de transport de lâarmĂ©e de lâair ukrainienne, ainsi que son avion dâentraĂźnement L-39 (qui est vendu Ă des pays tiers). Certaines des entreprises ci-dessus ont participĂ© Ă un projet commun visant Ă amĂ©liorer les chars ukrainiens. Il y avait aussi dâautres propositions de collaboration sur le dĂ©veloppement conjoint de systĂšmes dâarmes, mais elles nâont pas abouti en raison des difficultĂ©s financiĂšres de lâUkraine.
Si la guerre dans le Caucase a provoquĂ© la brouille entre IsraĂ«l et la GĂ©orgie, le tournant dans les relations dâIsraĂ«l avec lâUkraine est survenu en 2015, lorsque la Russie a dĂ©ployĂ© ses forces en Syrie et construit une grande base navale sur la bande cĂŽtiĂšre syrienne, rejoignant lâIran, le Hezbollah, et des milices chiites dâIrak, du YĂ©men et dâAfghanistan dans leurs efforts pour sauver le rĂ©gime du prĂ©sident Bashar Assad. Plus lâimplication de la Russie dans la guerre civile syrienne sâintensifiait (avec Moscou fermant les yeux sur les frappes aĂ©riennes israĂ©liennes, et mĂȘme les encourageant), plus la dĂ©pendance dâIsraĂ«l vis-Ă -vis de la Russie augmentait. Cela signifiait un Ă©loignement de lâUkraine.
En fait, la tendance avait commencĂ© plus tĂŽt, en fĂ©vrier 2014, quand IsraĂ«l Ă©tait le seul Ătat occidental Ă refuser de condamner la conquĂȘte de la pĂ©ninsule de CrimĂ©e par lâarmĂ©e russe. JĂ©rusalem nâa pas non plus adhĂ©rĂ© aux sanctions, dirigĂ©es par les Ătats-Unis, qui ont Ă©tĂ© imposĂ©es au rĂ©gime de Vladimir Poutine. CâĂ©tait une indication claire que les prioritĂ©s dâIsraĂ«l avaient changĂ© et quâil avait acceptĂ© le fait quâil devait se garder de pousser lâours russe.
Pendant les mandats de Benjamin Netanyahu et de Naftali Bennett, IsraĂ«l a rejetĂ© les propositions ukrainiennes de mĂ©diation entre lâUkraine et la Russie et de tenir une rĂ©union sur son territoire. « Câest tout ce dont nous avons besoin », mâa dit une source diplomatique de haut rang. « Nous ne voulons aucune implication dans les tensions entre la Russie et lâUkraine. Rien de bon nâen sortira ; Cela ne fera que compliquer les choses pour nous.
Dans le contexte de lâescalade des tensions entre la Russie et lâOccident au sujet de lâUkraine, le ministre ukrainien de la DĂ©fense, Oleksii Reznikov, sâest rendu en IsraĂ«l en novembre dernier. Le ministre de la DĂ©fense, Benny Gantz, lui a accordĂ© une pause pour tout ce qui concerne lâachat dâĂ©quipements de renseignement ou de nouvelles technologies, y compris le systĂšme de dĂ©fense antimissile Dome de fer. En fait, lâUkraine a essayĂ© de convaincre IsraĂ«l de lui vendre de tels systĂšmes jusquâĂ rĂ©cemment, en plus dâessayer de le persuader de le soutenir dans la crise actuelle. IsraĂ«l a ignorĂ© ces demandes et sâest abstenu de faire des dĂ©clarations claires sur la situation.
Le ministĂšre de la DĂ©fense a dĂ©menti lâaffirmation selon laquelle lâUkraine lâaurait contactĂ© pour acheter des batteries Dome de fer.
Si Poutine ordonne Ă ses forces dâentrer en Ukraine, IsraĂ«l pourrait ĂȘtre lĂ©sĂ© de plusieurs maniĂšres. Lâinvasion entraĂźnera des sanctions extrĂȘmement sĂ©vĂšres contre la Russie depuis lâOccident, notamment lâarrĂȘt de lâachat de gaz naturel, des sanctions contre les entreprises et les oligarques, et la coupure par la Russie du systĂšme bancaire SWIFT qui permet de transfĂ©rer de lâargent dans le monde entier. IsraĂ«l sera obligĂ© de se joindre Ă ces sanctions.
Contrairement Ă la passivitĂ© dont il a fait preuve aprĂšs lâannexion de la pĂ©ninsule de CrimĂ©e, cette fois IsraĂ«l ne sera pas en mesure de maintenir une ligne fine entre les deux parties. Si la guerre Ă©clate, elle ne pourra Ă©viter de rejoindre lâOccident sans nuire Ă son alliance stratĂ©gique avec les Ătats-Unis. Cela sera perçu par Washington comme une trahison impardonnable.
Il ne fait aucun doute que Poutine verrait dâun mauvais Ćil lâadhĂ©sion dâIsraĂ«l Ă un front occidental contre la Russie. Il a de nombreuses façons de se venger froidement. Par exemple, cela pourrait permettre Ă Assad de commencer Ă utiliser son systĂšme sophistiquĂ© de missiles anti-aĂ©riens S-400, privant lâarmĂ©e de lâair israĂ©lienne de sa libertĂ© dâaction dans le ciel syrien. JusquâĂ prĂ©sent, il lâa empĂȘchĂ©.
Poutine pourrait Ă©galement permettre Ă lâIran et au Hezbollah dâaugmenter leurs livraisons dâarmes, principalement celles liĂ©es Ă lâamĂ©lioration de la prĂ©cision des missiles.
Une autre option pourrait ĂȘtre que Poutine signale Ă lâIran quâil peut accĂ©lĂ©rer son programme nuclĂ©aire, Ă©vitant ainsi toute chance â en supposant quâil y en ait eu une en premier lieu â dâun nouvel accord entre lâIran et les puissances mondiales.
Cela, bien sĂ»r, causerait des dommages stratĂ©giques importants Ă IsraĂ«l. Il est douteux que le Premier ministre Bennett, qui a du mal Ă formuler des stratĂ©gies claires, ait conçu un plan diplomatique et dĂ©fensif pour faire face Ă un scĂ©nario aussi extrĂȘme.
Le tableau est encore compliquĂ© par le fait que des milliers dâIsraĂ©liens restent en Ukraine, ayant choisi de ne pas rejoindre le pont aĂ©rien vers IsraĂ«l. La plupart dâentre eux ont la double nationalitĂ©, et parmi eux se trouvent des centaines dâhommes dâaffaires, des centaines de hassidim de Breslov et des centaines dâĂ©tudiants israĂ©lo-arabes. De plus, il y a entre 20 000 et 25 000 Juifs en Ukraine. Le prĂ©sident Volodymyr Zelenskyy et le ministre de la DĂ©fense Reznikov sont Ă©galement juifs.
La fermeture de lâespace aĂ©rien ukrainien obligera IsraĂ«l Ă demander la permission Ă la Russie si elle veut transporter quiconque veut venir ici. Cela sâest Ă©galement produit pendant la guerre de GĂ©orgie, augmentant la dĂ©pendance dâIsraĂ«l vis-Ă -vis de la Russie.
Le commerce dâIsraĂ«l avec lâUkraine, qui nâa pas une grande composante militaire, est actuellement estimĂ© Ă 1 milliard de dollars par an. Les deux tiers sont constituĂ©s dâimportations israĂ©liennes, principalement de cĂ©rĂ©ales. LâUkraine est un Ă©norme « grenier Ă blĂ© » et, de toute Ă©vidence, lâendommager perturbera les importations de denrĂ©es alimentaires et dâaliments pour animaux, entraĂźnant de nouvelles hausses de prix sans rapport avec les prix mondiaux du pĂ©trole, qui atteignent dĂ©jĂ des sommets en huit ans. Dâautres qui pourraient ĂȘtre affectĂ©es sont les entreprises de haute technologie israĂ©liennes, qui utilisent actuellement les services de milliers dâingĂ©nieurs en logiciel ukrainiens.
RĂ©daction francophone Infos Israel News pour lâactualitĂ© israĂ©lienne
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