Les enregistrements de la version du général (rés.) Aharon Haliva, qui était le chef de la Direction du renseignement militaire (AMAN) au matin du 7 octobre 2023, sont un document journalistique impressionnant et captivant. Certes, la plupart du contenu qui apparaît dans ces enregistrements avait déjà été divulguée d’une manière ou d’une autre, notamment dans les enquêtes de base de Tsahal ainsi que dans des conversations avec divers acteurs du système sécuritaire et du système politique israéliens. Mais il y a quelque chose, dans les enregistrements entendus dans la nuit de samedi, qui a donné un coup de poing au ventre de chacune et chacun en Israël.
L’ancien chef d’état-major, le général (rés.) Herzi Halevi, ainsi que plusieurs hauts responsables de l’état-major du 7 octobre 2023, ont déclaré à plusieurs reprises, à l’issue de la série d’enquêtes de base, ceci : « Si nous avions trouvé une seule chose qui a échoué, un élément qui n’a pas fonctionné, s’il était possible de désigner un seul facteur qui n’a pas agi correctement et n’a pas vu les choses correctement – il aurait été facile de corriger. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé ici. »
Ces enregistrements et les enquêtes de Tsahal et du Shin Bet tentent de remettre de l’ordre.
Premièrement, pour tous les amateurs de complots – les enregistrements et les enquêtes écartent les drames érotiques dans la chambre à coucher du chef de l’AMAN et de la chanteuse Keren Peles. La fantaisie maladive et malveillante de la « machine à poison » a tenté de créer un récit cynique sans limite.
Deuxièmement, il est clair comme le jour que le complot sur des traîtres au sein des hauts responsables du système sécuritaire n’est qu’un autre délire maladif de la machine à poison. Et, surtout – et il convient de le répéter – même si l’on avait réveillé le Premier ministre à deux heures du matin, à quatre heures ou à cinq heures, il n’aurait rien changé du tout. Le fait de base est qu’on a réveillé le Premier ministre à six heures et demie du matin, et il n’a pas réussi à influer sur la prévention des massacres qui se sont déroulés pour l’essentiel dans les localités de l’enveloppe de Gaza et sur le site du festival Nova, de 7 h 30 à 12 h 30.
Le grand problème d’Israël en ce moment est que nous n’avons rien appris du tout de l’échec d’octobre 73, tout comme nous ne voulons rien apprendre de l’échec d’octobre 2023. Dans les deux cas, l’État d’Israël est arrivé à la catastrophe dans l’arrogance, avec une direction politique déconnectée de la réalité sécuritaire, diplomatique et sociale. L’échelon militaire n’a pas su lire les processus qui se construisaient sous son nez. En bref, Israël a fonctionné selon une conception erronée, sans capacité de créer des mécanismes d’alerte.
Sur plusieurs sujets, la situation d’Israël après le 7 octobre est bien plus difficile qu’avant la catastrophe, et les enregistrements du général Haliva le montrent.
Premièrement, les coupables de la « conception » sont les gens de l’armée, du Shin Bet, du Mossad et du Conseil de sécurité nationale. Tous ont partagé l’idée que le Hamas était dissuadé et que l’argent qatari achèterait le calme. Mais le Hamas n’était pas dissuadé, et l’argent qatari n’a servi qu’à une chose : l’armement du Hamas. Dans son aveuglement, Israël n’a pas vu le Hamas se transformer d’une organisation terroriste en une armée du terrorisme, et elle a même aidé à financer cela.
L’échelon politique, et à sa tête le Premier ministre Benjamin Netanyahou, porte une responsabilité centrale dans l’échec – pas moins que les militaires et les services de sécurité, et même davantage. La responsabilité globale des démarches politiques et militaires incombe au gouvernement et à son chef, tant dans la doctrine défensive que dans la doctrine offensive.
Le fait que Benjamin Netanyahou et son gouvernement soient dans une posture de déni quant à leur part dans l’échec est un comportement falot d’hommes lâches. Mais plus grave encore, c’est qu’une grande partie du public, pour des raisons non pertinentes, cautionne cette faiblesse. Et c’est là le problème crucial d’Israël : le refus de reconnaître les choses qui ont conduit à l’échec, et le refus de mettre en place une commission d’enquête d’État qui les examine.
Pour éviter tout cela et d’assumer la responsabilité de la plus grande catastrophe du peuple juif depuis la Shoah, le système qui a failli continue, après la catastrophe, de démanteler les institutions d’application de la loi, la justice, l’armée et le renseignement, d’une manière qui produit un ordre de dissolution de l’État.
Israël est très vite revenu à la fracture interne, exactement comme à l’époque des « Panthères noires » en 1973 et comme durant les jours de la « révolution judiciaire ». Il est revenu à l’arrogance comme après la guerre des Six Jours en 1967. Et maintenant, après la victoire sur le Hezbollah, l’effondrement du régime en Syrie et l’opération réussie en Iran – Israël continue de se conduire avec un échelon politique défaillant et négligent.
Le ministre de la Défense empêche des réunions avec son chef d’état-major, exactement comme le Premier ministre Netanyahou s’est abstenu, avant le 7 octobre, d’entendre les alertes des hauts responsables de la sécurité et s’est abstenu de les rencontrer.
Le général Haliva a dit clairement et nettement qu’il est coupable de la catastrophe. Mais la catastrophe qui s’est abattue sur nous le 7 octobre est d’ampleur biblique. Dans ce cas, l’échec a de nombreux pères et mères, et il y a de la place pour beaucoup de coupables aux côtés d’Aharon Haliva, Yaron Finkelman, Ronen Bar et Herzi Halevi.
Il est temps que l’État d’Israël tienne compte des signaux d’alarme, mûrisse et assume ses responsabilités.
Premièrement, il doit s’unir tout entier dans l’objectif d’établir ici une commission d’enquête d’État, présidée par un juge de la Cour suprême choisi par le président de la Cour suprême. Ensuite, il restera encore beaucoup à corriger ici – et pas seulement dans la conduite de l’armée et du renseignement.
.