L’élimination d’« Abou Obeida », porte-parole charismatique et figure médiatique du Hamas, constitue bien plus qu’une victoire symbolique. Ce commandant, connu pour ses discours enflammés et sa capacité à galvaniser non seulement les partisans du Hamas à Gaza mais aussi l’opinion publique arabe au-delà, incarnait une part essentielle de la machine de propagande de l’organisation islamiste. Son aura allait jusqu’à susciter une forme de culte de la personnalité, rare dans la hiérarchie terroriste de Gaza.
Avec sa mort, survenue à un moment charnière, le Hamas se retrouve brutalement affaibli sur le plan psychologique et organisationnel. Son successeur sera certes nommé – un mouvement qui s’appuie sur une propagande aussi sophistiquée ne peut laisser vacant un poste aussi central – mais le vide laissé est immense. Les connaissances accumulées, les codes internes et l’expérience opérationnelle s’envolent avec lui, créant une rupture difficile à combler. Plus encore, le coup est porté au moral des combattants de terrain : perdre un symbole équivaut souvent à une fissure dans la cohésion d’ensemble.
Ce qui rend l’opération israélienne particulièrement stratégique, c’est son timing. Alors que Tsahal se prépare à une possible offensive terrestre majeure – évoquée sous le nom de « Merkavot Gid’on B » – l’affaiblissement du dispositif de communication du Hamas est une arme à part entière. La guerre psychologique, depuis le 7 octobre, n’est pas un front secondaire : elle conditionne la mobilité des civils, l’efficacité de la guérilla et la légitimité des acteurs sur la scène internationale.
Israël a tout intérêt à réduire au maximum la friction avec la population civile de Gaza avant un assaut terrestre. Pour cela, l’armée multiplie les appels à l’évacuation volontaire des zones de combat, une stratégie qui vise à vider le terrain et isoler les combattants du Hamas. À l’inverse, le Hamas use de la contrainte : menaces de mort à l’égard des civils qui fuient, intimidations directes, et diffusion de vidéos destinées à créer l’illusion d’une « vie normale » à Gaza – restaurants ouverts, cafés animés, glaceries bondées. Ces images, loin d’être spontanées, s’inscrivent dans une campagne calculée pour retenir la population comme bouclier humain.
La disparition d’Abou Obeida complique sérieusement ce plan. Privée de sa figure la plus influente, la branche armée doit réorienter ses ressources vers la reconstruction hiérarchique et la transmission des rôles, plutôt que de concentrer ses efforts sur la manipulation de l’opinion. Résultat : la pression israélienne gagne en efficacité. Les hésitations des familles gazaouies – rester dans leurs maisons ou se diriger vers les sites de regroupement – se jouent désormais sans l’emprise psychologique de la voix la plus écoutée du Hamas.
En somme, ce ciblage ne relève pas uniquement de l’élimination d’un ennemi militaire. Il s’agit d’une frappe chirurgicale contre le cœur idéologique du Hamas. En affaiblissant son moteur de propagande, Israël se donne un avantage direct sur le terrain. Car dans une guerre où la communication est une arme aussi redoutable que les roquettes, faire taire le principal porte-voix du Hamas revient à briser un pilier stratégique de l’organisation.
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