La mort de Simone Veil relance le dĂ©bat sur la loi de l’avortement….mais surtout l’antisĂ©mitisme

Depuis la mort de Simone Veil, la loi Veil sur l’avortement fait de nouveau dĂ©bat sur les rĂ©seaux sociaux, entre ceux qui souhaitent Ă  cette rescapĂ©e, de dĂ©couvrir « l’enfer », (VĂ©ritable dĂ©fenseur du foetus ou antisĂ©mitisme cachĂ© ? ) et ceux qui veulent ne pas oublier son histoire, son identitĂ© Juive et son soutien pour IsraĂ«l.

Peut-on ĂȘtre une personne respectĂ©e et honorĂ©e au nom d’une loi qui a Ă©tĂ© promulguĂ©e pour cesser les grossesses entraĂźnant la mort d’un fƓtus, qui n’a rien demandĂ© ? Une mĂȘme loi qui n’est pas permise selon la loi juive* ?

Peut on se permettre de juger une femme comme Simone Veil qui a connu la Shoah et la haine gratuite de l’Europe  sous l’empire nazi ?

Mais n’est-ce pas aussi le bon moment pour cracher son antisĂ©mitisme, en se faisant passer pour une fervente anti-IVG? Vous risquez d’en rencontrer plus d’un dans ce cas sur les rĂ©seaux sociaux !

Comme cet article sur le site « democratieparticipative.biz » avec le titre  à propos de la mort de Simone Veil : « L’immonde avorteuse de millions d’enfants blancs a enfin dĂ©cidĂ© de crever »

Revenons Ă  Simone Veil, et sa riche carriĂšre qui l’a notamment conduite Ă  occuper les postes de premiĂšre prĂ©sidente du Parlement europĂ©en, de 1979 Ă  1982, ou de membre du Conseil constitutionnel, de 1998 Ă  2007.

Simone Veil a Ă©tĂ© ministre de la SantĂ©, portefeuille qu’elle a dĂ©tenu Ă  deux reprises, de 1974 Ă  1979 et de 1993 Ă  1995, qu’elle restera avant tout dans la mĂ©moire collective. Et notamment pour un discours : celui introduisant devant l’AssemblĂ©e nationale le dĂ©bat sur la lĂ©galisation de l’interruption volontaire de grossesse, le 26 novembre 1974.

«Monsieur le prĂ©sident, mesdames, messieurs, si j’interviens aujourd’hui Ă  cette tribune, ministre de la SantĂ©, femme et non-parlementaire, pour proposer aux Ă©lus de la nation une profonde modification de la lĂ©gislation sur l’avortement, croyez bien que c’est avec un profond sentiment d’humilitĂ© devant la difficultĂ© du problĂšme, comme devant l’ampleur des rĂ©sonances qu’il suscite au plus intime de chacun des Français et des Françaises, et en pleine conscience de la gravitĂ© des responsabilitĂ©s que nous allons assumer ensemble», lance ce jour-lĂ  cette magistrate qui, six mois plus tĂŽt, Ă©tait encore secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale du Conseil supĂ©rieur de la magistrature
.


. Parce que si des mĂ©decins, si des personnels sociaux, si mĂȘme un certain nombre de citoyens participent Ă  ces actions illĂ©gales, c’est bien qu’ils s’y sentent contraints; en opposition parfois avec leurs convictions personnelles, ils se trouvent confrontĂ©s Ă  des situations de fait qu’ils ne peuvent mĂ©connaĂźtre. Parce qu’en face d’une femme dĂ©cidĂ©e Ă  interrompre sa grossesse, ils savent qu’en refusant leur conseil et leur soutien, ils la rejettent dans la solitude et l’angoisse d’un acte perpĂ©trĂ© dans les pires conditions, qui risque de la laisser mutilĂ©e Ă  jamais. Ils savent que la mĂȘme femme, si elle a de l’argent, si elle sait s’informer, se rendra dans un pays voisin ou mĂȘme France dans certaines cliniques et pourra, sans encourir aucun risque ni aucune pĂ©nalitĂ©, mettre fin Ă  sa grossesse. Et ces femmes, ce ne sont pas nĂ©cessairement les plus immorales ou les plus inconscientes. Elles sont 300.000 chaque annĂ©e. Ce sont celles que nous cĂŽtoyons chaque jour et dont nous ignorons la plupart du temps la dĂ©tresse et les drames
.


.Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme –je m’excuse de le faire devant cette AssemblĂ©e presque exclusivement composĂ©e d’hommes: aucune femme ne recourt de gaietĂ© de cƓur Ă  l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. [
] Parmi ceux qui combattent aujourd’hui une Ă©ventuelle modification de la loi rĂ©pressive, combien sont-ils ceux qui [se sont prĂ©occupĂ©s d’aider ces femmes dans leur dĂ©tresse ? Combien sont-ils ceux qui, au-delĂ  de ce qu’ils jugent comme une faute, ont su manifester aux jeunes mĂšres cĂ©libataires la comprĂ©hension et l’appui moral dont elles avaient grand besoin ? »

Le 29 novembre 1974, au petit matin, le texte est adopté par 284 voix contre 189, avec une majorité à front renversé : seulement un tiers des députés de la majorité présidentielle (gaullistes, giscardiens, réformateurs) votent pour, et le plus gros des troupes vient des rangs des socialistes et des communistes.

Simone Veil a Ă©tĂ© aussi une femme sans langue de bois face au FN quand elle leur dit : « VOUS N’ÊTES QUE DES SS AUX PETITS PIEDS »

Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a aussi exprimĂ© sa profonde tristesse suite au dĂ©cĂšs de Simone Veil : « Une survivante de la Shoah arrivĂ©e au sommet de la politique europĂ©enne, qui a servi en tant que ministre au sein du gouvernent de la France. Simone Veil n’a jamais oubliĂ© ses racines juives, le devoir de mĂ©moire ainsi que celui de veiller Ă  ce que les Ă©vĂ©nements de la Shoah ne se rĂ©pĂštent jamais. »

* L’optique juive traditionnelle ne s’accorde pas facilement avec les positions classiques du dĂ©bat sur l’avortement.

 L’optique juive traditionnelle ne s’accorde pas facilement avec les positions classiques du dĂ©bat sur l’avortement. Nous n’interdisons pas radicalement l’avortement, ni ne le permettons sur demande de maniĂšre indiscriminĂ©e.

Une femme peut avoir l’impression que jusqu’à la naissance, le fƓtus fait partie intĂ©grante de son corps, et que pour cette raison elle conserve le droit d’avorter en cas de grossesse non dĂ©sirĂ©e.

Le judaĂŻsme reconnaĂźt-il un droit Ă  « choisir » l’avortement ? Dans quelle situation le judaĂŻsme sanctionne-t-il l’avortement ?

AcquĂ©rir une meilleure comprĂ©hension des cas oĂč l’avortement est permis (ou mĂȘme requis) et des cas oĂč il est interdit, requiert l’apprĂ©ciation de certaines nuances de la halakha (loi juive) qui rĂ©gissent le statut du fƓtus. (1)

La maniĂšre la plus simple de concevoir le statut du fƓtus d’aprĂšs la halakha est de considĂ©rer que c’est un ĂȘtre humain Ă  part entiĂšre – mais pas tout Ă  fait. (2)

 Dans la plupart des cas, le fƓtus est traitĂ© comme n’importe quelle autre »personne ».  En gĂ©nĂ©ral, on ne peut dĂ©libĂ©rĂ©ment faire du mal Ă  un fƓtus. Mais s’il semble Ă©vident que la loi juive tient pour responsable celui qui provoque volontairement une fausse-couche chez une femme, des sanctions sont mĂȘme requises pour celui qui porte la main sur une femme enceinte et provoque inintentionnellement une fausse-couche. (3)
 
Cela ne veut pas dire que toutes les autoritĂ©s rabbiniques considĂšrent l’avortement comme un meurtre. Le fait que la Torah requiert un dĂ©dommagement financier pour avoir provoquĂ© une fausse-couche, est interprĂ©tĂ© par certains rabbins comme une indication que l’avortement n’est pas un crime majeur. (4)
 
D’autres font remarquer que bien qu’il soit une forme de meurtre, l’avortement ne requiert pas la peine de mort. (5)
 

Il existe mĂȘme un dĂ©saccord pour savoir si la prohibition concernant l’avortement est biblique ou rabbinique. NĂ©anmoins, il est universellement admis que le fƓtus est normalement destinĂ© Ă  devenir un vĂ©ritable ĂȘtre humain et qu’il doit y avoir une raison trĂšs sĂ©rieuse pour permettre l’avortement. En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, l’avortement n’est permis par la loi juive que si l’accouchement ou le fait de porter le fƓtus Ă  terme constitue une menace directe pour la vie de la mĂšre. En de telles circonstances, le bĂ©bĂ© est considĂ©rĂ© l’équivalent d’un rodef, un poursuivant, (6) qui pourchasserait sa mĂšre dans l’intention de la tuer. NĂ©anmoins, comme l’explique la Mishna (7) s’il est possible de sauver la mĂšre en causant une malformation au fƓtus, par exemple en l’amputant d’un membre, l’avortement devient interdit. MalgrĂ© la classification du fƓtus comme poursuivant, une fois que la tĂȘte du bĂ©bĂ© ou la majoritĂ© de son corps est sortie du ventre de la mĂšre, la vie du bĂ©bĂ© devient Ă©gale Ă  celle de la mĂšre ; on ne peut plus faire de prĂ©fĂ©rence, parce que l’on considĂšre Ă  prĂ©sent qu’ils se poursuivent l’un l’autre.Il est important de relever que la raison pour laquelle la vie du fƓtus est subordonnĂ©e Ă  celle de la mĂšre, est parce que le fƓtus est la cause premiĂšre de la condition qui menace la vie de la mĂšre, que ce soit directement (dans le cas d’une toxĂ©mie, d’un placenta praevia ou d’une position de siĂšge) ou indirectement (ex. exacerbation d’un diabĂšte sous-jacent, maladie des reins ou hypertension). (8) Un fƓtus ne peut ĂȘtre avortĂ© pour sauver une autre personne dont la vie n’est pas directement menacĂ©e par le fƓtus, par ex. en utilisant les organes fƓtaux pour une transplantation.

Le judaĂŻsme tient compte des facteurs psychiatriques autant que physiques dans l’évaluation de la menace potentielle que le fƓtus reprĂ©sente pour la mĂšre. Toutefois, le danger posĂ© par le fƓtus (qu’il soit physique ou Ă©motionnel) doit ĂȘtre autant probable que substantiel pour justifier un avortement. (9)

 Le degrĂ© de maladie mentale nĂ©cessaire pour justifier de mettre un terme Ă  la grossesse, a Ă©tĂ© largement dĂ©battu par les dĂ©cisionnaires rabbiniques (10) sans que ceux-ci soient parvenus Ă  un consensus clair sur les critĂšres exacts permettant l’avortement dans un tel cas. (11)

NĂ©anmoins, tous s’accordent Ă  dire que si une grossesse devait occasionner de vĂ©ritables envies suicidaires chez une femme, ce serait suffisant pour permettre l’avortement. (12)

Toutefois, plusieurs experts rabbiniques contemporains ont tranchĂ© que, puisque les dĂ©pressions dues Ă  la grossesse et au post-partum peuvent ĂȘtre traitĂ©es, l’avortement n’est pas justifiable. (13)

En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, la loi juive n’attribue pas de valeur relative Ă  des vies diffĂ©rentes. C’est pourquoi, la plupart des grands poskim (rabbins qualifiĂ©s pour rendre des dĂ©cisions dans la loi juive) interdisent l’avortement en cas de malformations ou de difformitĂ©s dĂ©couvertes chez le fƓtus.

Rav Moshe Feinstein, l’un des plus grands dĂ©cisionnaires du siĂšcle passĂ©, tranche d’ailleurs que l’amniocentĂšse est interdite, si elle est accomplie dans le seul but de dĂ©tecter des malformations et conduirait les parents Ă  demander l’avortement. NĂ©anmoins, si un tel test (amniocentĂšse ou taux d’alpha fƓto-protĂ©ine) est effectuĂ© afin d’amĂ©liorer la prise en charge mĂ©dicale du pĂ©ri-partum ou du post-partum, il est permis.

Alors que la plupart des dĂ©cisionnaires interdisent l’avortement lorsque le fƓtus est  « dĂ©fectueux », Rav EliĂ©zer YĂ©houda Waldenberg est une exception notable. Rav Waldenberg autorise l’avortement au premier trimestre dans le cas oĂč le fƓtus aurait Ă  souffrir de sa difformitĂ© aprĂšs la naissance et, jusqu’au septiĂšme mois, s’il s’agit d’un dĂ©faut lĂ©tal comme la maladie de Tay Sachs.  (14)

 Les experts rabbiniques discutent aussi de la permissivitĂ© de l’avortement pour des mĂšres ayant contractĂ© la rubĂ©ole ou pour des bĂ©bĂ©s avec un syndrome de Down avĂ©rĂ©. Il existe une divergence d’opinion concernant l’avortement en cas d’adultĂšre ou en d’autres cas de relations interdites d’aprĂšs la Bible. En cas de viol ou d’inceste, le problĂšme se pose sur la souffrance Ă©motionnelle que subira la mĂšre si elle porte le fƓtus Ă  terme. En cas de viol, Rav Shlomo Zalman Auerbach recommande l’utilisation de mĂ©thodes pour empĂȘcher une grossesse aprĂšs des rapports. (15)
La mĂȘme analyse que celle dĂ©jĂ  utilisĂ©e dans d’autres cas de souffrance Ă©motionnelle, peut ĂȘtre employĂ©e ici.

Les cas d’adultĂšre introduisent des considĂ©rations supplĂ©mentaires au dĂ©bat, avec des dĂ©cisions allant de l’interdiction Ă  la considĂ©ration de l’avortement comme Ă©tant une mitsvah. (16)

J’ai tentĂ© de distiller l’essence de l’approche juive traditionnelle sur l’avortement. NĂ©anmoins, chaque cas est unique et particulier, et les paramĂštres dĂ©terminant l’autorisation de l’avortement dans la halakha sont subtils et complexes. Il est crucial de se rappeler que lorsque l’on est confrontĂ© Ă  un patient dans une telle situation, une autoritĂ© halakhique compĂ©tente doit ĂȘtre consultĂ©e pour chaque cas.

Traduction et Adaptation de Tsiporah Trom

Notes:

(1)S’il existe un dĂ©bat parmi les rabbanim pour dĂ©terminer si l’avortement est une interdiction biblique ou rabbinique, tous s’accordent sur ce complexe fondamental selon lequel l’avortement n’est permis que pour protĂ©ger la vie de la mĂšre ou en des situations exceptionnelles. La loi juive ne permet pas l’avortement Ă  la demande sans raison sĂ©rieuse.
(2) Igrot Moche, ‘Hochen Michpat II : 69B
(3) Choul’han Aroukh, ‘Hochen michpat 423 : 1
(4) Rabbi YĂ©houda Achkenazi, BĂ©er Hetiv, ‘Hochen Michpat 425 : 2
(5) Igrot Moche, ibid
(6) Maïmonide, Michné Torah, Lois sur le meurtre 1 : 9, Talmud Sanhédrin 72B
(7) Ohalot 7 : 6
(8) Voir Dr. Abraham Steinberg; Encyclopedia of Jewish Medical Ethics, « Abortion and Miscarriage », pour une discussion poussĂ©e sur les indications maternelles de l’avortement.
(9) Igrot moche, ibid
(10) Voir Encyclopedia of Jewish Medical Ethics, p. 10, pour références.
(11) Voir Moshe Spero, Judaism and Psychology, p. 168-180.
(12) Rav Yitzchak Zilberstein, Emek Halacha, Assia, Vol. 1, 1986, p. 205-209.
(13) Rav Shlomo Zalman Auerbach et Rav Yehoshua Neuwirth citĂ© dans la version en anglais de Nishmat Avraham, ‘Hochen Michpat, 425 : 11, p.288.
(14) Tzitz Eliézer, Volume 13 : 102.
(15) Rav Shlomo Zalman Auerbach et Rav Yehoshua Neuwirth citĂ© dans la version en anglais de Nishmat Avraham, ‘Hochen Michpat, 425 : 23, p.294.
(16) Voir l’excellent chapitre dans la version en anglais de Nishmat Avraham, ‘Hochen Michpat, 425 par le Dr. Abraham Abraham, en particulier p. 293.

 


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2 Commentaires

  1. Tu es imagine toutes les sƓurs et tous les frĂšres que tu aurais pu avoir si ta mĂšre ne les avait pas avaler Elle aussi c’est une criminelle Ă  sa façon

  2. Il faut mieux avorter que de tuer Ă  la naissance ou congeler combien le sont encore?Combien d’enfants vont encore mourir sous les coups de leur parent il faut mieux avorter que de torturer