Quiconque a connu de près le président à la retraite de la Cour suprême, Aharon Barak, au cours de ses nombreuses années en tant que juge, sait qu’il veillait à ne pas montrer ses émotions en public. Il considérait la maîtrise de soi comme faisant partie des devoirs imposés à un juge. Malgré cela, il y a eu une expérience qui a toujours fait tomber le mur de contrôle qu’il avait construit autour de lui. Ce fut l’expérience de la rencontre d’Eric Beric, le garçon de 8 ans qui venait d’être sauvé des griffes des nazis, avec les soldats de la Brigade juive à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
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Bien que ces jours soient appelés « après la fin de la guerre », la persécution des réfugiés juifs n’a pas cessé. Barak et sa mère ont fui d’une ville détruite à l’autre, passant de la Roumanie à la Hongrie et de là à l’Autriche. C’est là, au poste frontière de la zone d’occupation britannique, que le garçon rencontra pour la première fois les soldats de la Brigade juive. Ce fut le moment déterminant de sa vie : il se tenait devant des guerriers juifs qui non seulement choisissaient de porter courageusement l’étoile de David jaune sur leurs manches, mais qui se précipitaient également d’Israël vers l’Europe pour sauver leurs frères.
Chaque fois qu’il me racontait ce moment, j’avais l’impression qu’il parlait de fils de dieux descendus du ciel. À juste titre. Les hommes de la brigade ont sauvé Barak et sa mère et les ont transportés en pleine nuit en Italie, où l’enfant effrayé a enfin pu réguler sa respiration. Il a été sauvé.
À la fin de son mandat de président de la Cour suprême, une conférence internationale s’est tenue en son honneur à Jérusalem. Dans ses remarques finales, Barak a choisi de revenir sur ce moment où les combattants venus d’Israël l’ont sauvé. Il y voyait une preuve de l’importance de l’existence de l’État d’Israël en tant qu’État juif, estimant que si l’État avait existé en 1939, l’Holocauste aurait été évité ou, malheureusement, se serait développé d’une manière moins horrible. Je pense qu’il avait raison sur ce point aussi.
Depuis qu’on a appris que Barak avait accepté de servir de juge au nom de l’État d’Israël à La Haye , je ne peux m’empêcher d’être enthousiasmé pour lui et pour nous tous. A 87 ans, il fait comme ces guerriers : il quitte sa famille et sa maison en Israël et part en Europe pour protéger ses frères juifs. Comme ces soldats de la Terre d’Israël, il porte également un uniforme – l’uniforme de la cour – et avec lui de précieuses munitions juridiques sous la forme de sa réputation d’un des grands de la loi, ce qui contribuera au travail de défendre les combattants juifs de notre temps et les victimes de l’Holocauste qui nous a frappé le 7 octobre.
Outre une image personnelle de victoire, le moment de l’investiture de Barak à La Haye a également fourni une image nationale de victoire, pour le peuple d’Israël et le projet sioniste de création de l’État. Depuis qu’on a appris en janvier 1942 que les Alliés avaient l’intention de poursuivre les criminels de guerre nazis une fois le traité terminé, les organisations juives ont demandé que le peuple juif soit représenté dans ces procès. Le juge Robert Jackson, procureur principal du procès de Nuremberg, s’est opposé au motif que la participation de représentants du peuple juif n’est pas appropriée pour les procès internationaux parce que « d’autres groupes peuvent demander la même considération, ce qui peut compliquer l’affaire ».
Ce n’est qu’après beaucoup de persuasion que Jackson a accepté la demande d’envoyer un représentant du peuple juif comme « ami de la cour » qui soulignerait « la puissance de la tragédie qui surpasse la souffrance des autres peuples ».
Aujourd’hui, cette idée a également été abandonnée, apparemment en raison de l’opposition du parquet britannique qui craignait que ce représentant n’utilise la scène pour argumenter contre la règle du mandat en Terre d’Israël.
Et là aussi, la prestation de serment du juge Barak a donné une image de victoire : cette fois, de droit et non de grâce, le peuple juif envoie un juge en son nom. Et pas n’importe quel juge, mais l’un des grands du droit actuel, qui sera à jamais l’enfant de 8 ans qui trembla à la vue des guerriers juifs venus du ciel pour le sauver.
Yuval Albashan est professeur de droit