La procureure militaire sortante de Tsahal, Yifat Tomer-Yerushalmi, a été hospitalisée à l’hôpital Ichilov de Tel-Aviv après avoir avalé une forte dose de médicaments. Son état est stable, mais les psychiatres qui l’évaluent parlent d’un risque élevé de récidive. Au-delà du drame personnel, l’affaire soulève des questions sur la pression exercée sur les hauts responsables militaires en temps de guerre et sur la virulence des attaques publiques dont elle a été la cible.
Selon Maariv et Ynet, la procureure militaire générale (פצ״ר), récemment remplacée, a été retrouvée chez elle inconsciente après avoir ingéré une quantité importante de somnifères. Transférée d’urgence à l’hôpital Ichilov, elle a été placée en unité de soins intensifs, puis isolée et surveillée 24 heures sur 24. Son état a depuis été jugé “stable mais préoccupant”.
Les équipes médicales procèdent actuellement à des évaluations psychiatriques approfondies, fondées sur les critères du DSM-5, afin d’estimer le degré de dangerosité pour elle-même et la probabilité d’un nouveau passage à l’acte. (ynetnews.com)
Cette tentative intervient dans un climat de forte tension politique et médiatique. Depuis plusieurs semaines, la magistrate était la cible d’une campagne virulente, notamment de la chaîne 14 et de certains membres de la coalition, qui l’accusaient de “manquements dans la poursuite des soldats” et de “faiblesse face aux ONG internationales”.
Le Premier ministre Netanyahou avait lui-même déclaré que “les responsables militaires doivent aussi répondre de leurs décisions”. D’autres ministres, dont Israël Katz, avaient tenu des propos perçus comme des pressions directes.
Selon Haaretz, la procureure est désormais soumise à une observation constante. Les psychiatres évaluent les facteurs de risque : antécédents dépressifs, épuisement professionnel, sentiment de persécution, sur-exposition médiatique et isolement.
Les traitements initiaux reposent sur une combinaison d’antidépresseurs (type SSRI) et d’un suivi psychothérapeutique intensif. L’hôpital Ichilov a indiqué qu’“une amélioration psychologique nécessite plusieurs semaines de stabilité”.
Le protocole prévoit également la présence continue d’un proche, surtout la nuit et durant les week-ends, période jugée la plus critique.
Au-delà du cas personnel, la tentative de suicide met en lumière le poids émotionnel et moral porté par les officiers supérieurs de Tsahal depuis le 7 octobre. Plus de 1 200 soldats blessés ou traumatisés ont été recensés comme souffrant de stress post-traumatique, selon les chiffres communiqués par le service médical de l’armée.
Un officier psychiatre, interrogé par Israel Hayom, estime que “la culture militaire valorise la résilience mais ignore parfois la détresse”. Il ajoute : “Les officiers supérieurs n’ont souvent pas le droit d’exprimer leur fatigue. Quand la société les accuse publiquement, il n’y a plus d’espace pour la vulnérabilité.”
L’affaire Yifat Tomer-Yerushalmi agit comme un révélateur : celui d’une société en guerre, épuisée, où la frontière entre responsabilité publique et lynchage médiatique s’efface.
Pour beaucoup d’observateurs, la procureure paie le prix d’une double exposition : celle d’une femme en position d’autorité dans un environnement militaire encore très masculin, et celle d’une juriste confrontée aux dilemmes moraux des opérations à Gaza.
Les psychiatres soulignent qu’un tel geste n’est pas un signe de faiblesse mais d’une détresse extrême : “Une tentative de suicide traduit la rupture du lien entre la personne et le monde ; ce n’est pas une fuite, c’est un appel à la sauvegarde.”
Les réactions à sa tentative ont été contrastées. Le ministre de la Défense Yoav Katz a exprimé “un vœu de prompt rétablissement et un profond respect pour son engagement”. Des associations féministes et juridiques ont dénoncé la violence verbale dont elle a été victime.
Sur les réseaux sociaux, certains militants extrémistes ont continué à l’attaquer, tandis qu’une vague de soutien s’est formée autour du hashtag #תמיכה_ביפעת (Soutien à Yifat).
Dans la presse israélienne, plusieurs éditorialistes appellent à une introspection collective sur la responsabilité du discours public.
L’armée, consciente du risque de contagion psychologique, renforce ses protocoles internes. Tsahal prévoit la création d’un “centre de soutien moral” pour les juristes militaires et commandants en situation de crise.
Le ministère de la Santé a par ailleurs rappelé que le suicide reste la première cause de mortalité non naturelle chez les officiers israéliens de 30 à 50 ans.
L’épreuve de la procureure militaire dépasse le drame individuel : elle reflète un épuisement collectif, celui d’une nation en guerre prolongée et d’une armée soumise à une pression morale sans précédent.
Entre justice, politique et santé mentale, le cas de Yifat Tomer-Yerushalmi pourrait marquer un tournant dans la manière dont Israël traite ses serviteurs publics : non plus comme des symboles d’invincibilité, mais comme des êtres humains confrontés à la limite du supportable.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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