« Le général de la torture » d’Assad caché en Europe : comment le Mossad l’a piégé après des années de cavale

Pendant plus d’une décennie, il a réussi à se fondre dans le paysage européen, changeant de pays, d’identité, disparaissant des radars dès que l’étau se resserrait. Aujourd’hui, Khaled al-Halabi, ancien général des services secrets syriens surnommé « le général de la torture », se retrouve face à la justice autrichienne. Son acte d’accusation a été dévoilé hier à Vienne, levant le voile sur une affaire explosive qui mêle crimes de guerre, manipulations de services secrets… et l’implication directe du Mossad.

Selon les informations publiées par le New York Times et confirmées par la justice autrichienne, al-Halabi — officier druze, ex-dirigeant du tristement célèbre bureau 335 du renseignement syrien — aurait vécu plusieurs années à Vienne dans un appartement payé… par le Mossad. Une situation inédite, fruit d’un accord discret entre les services israéliens et les services de renseignement autrichiens, conclu lors d’une visite officielle de la direction de l’agence BVT en Israël en 2015.

Un tortionnaire du régime Assad devenu « déserteur modèle » en Europe

Pour comprendre l’ampleur de l’affaire, il faut revenir aux premières heures du soulèvement contre Assad en 2011. À Raqqa, dont il dirige les opérations répressives, al-Halabi joue un rôle central dans la chasse aux manifestants, les arrestations massives, les interrogatoires violents et les tortures systématiques.
Selon l’acte d’accusation autrichien, au moins 21 victimes directes ont été identifiées, certaines soumises à des sévices incluant coups, électrocutions et humiliations.

L’une des voix les plus marquantes est celle du Dr Oubada al-Hamda, médecin arrêté en février 2012 :
« Il m’a torturé toute la nuit dans son bureau, affirme-t-il au Times. Quand le garde a retiré mon bandeau, j’ai vu la plaque portant son nom. »
Le médecin survivra, mais selon lui, les méthodes d’al-Halabi « semaient la terreur dans toute la ville ».

Face à l’avancée de la guerre civile, al-Halabi fuit la Syrie en 2013. Il transite par la Turquie, puis la Jordanie et finit par obtenir refuge provisoire en France. Les autorités européennes pensent alors tenir un officier dissident prêt à témoigner contre le régime Assad.
Mais rapidement, des éléments contradictoires émergent. Des ONG spécialisées dans les crimes de guerre, comme le Commission for International Justice and Accountability ou l’organisation Open Society, commencent à remonter sa trace et découvrent son rôle direct dans la répression meurtrière de Raqqa.

La disparition de Paris : un exfiltration orchestrée par le Mossad

En 2015, au moment même où la justice française s’apprête à l’arrêter, al-Halabi disparaît de Paris sans laisser la moindre trace.
Selon la justice autrichienne, ce sont des agents du Mossad qui l’aident à franchir la frontière.
Ils le prennent en charge, le conduisent en voiture hors de France, puis le remettent discrètement à des officiers du renseignement autrichien à la frontière.

Un haut responsable de l’agence autrichienne BVT est accusé d’avoir facilité son installation à Vienne.
L’accord aurait été conclu lors d’une visite officielle en Israël, où un « arrangement spécial » est trouvé autour de l’ex-général syrien.

Al-Halabi reçoit ensuite :

  • un statut de demandeur d’asile ;
  • une assistance administrative ;
  • un appartement payé par le Mossad ;
  • et une protection implicite des services autrichiens.

Pendant des années, il vivra dans la capitale autrichienne sans attirer l’attention, malgré une mobilisation croissante des ONG traquant les agents d’Assad ayant trouvé refuge en Europe.

Une photo à Budapest fait tout basculer

L’erreur d’al-Halabi ?
Une simple photo publiée sur les réseaux sociaux.
On le voit sur un pont de Budapest, sourire aux lèvres.
L’image parvient aux organisations civiques qui le recherchent.
Elles identifient le lieu, alertent la justice autrichienne et remettent en main propre les preuves lors d’une rencontre en janvier 2016.

C’est à partir de ce moment que s’effrite la couverture dont il bénéficiait.
En avril 2023, cinq responsables autrichiens sont jugés pour avoir facilité sa fuite.
Quatre d’entre eux sont acquittés faute de preuve d’intentionnalité, mais l’affaire expose au grand jour l’embarras des institutions autrichiennes.

Al-Halabi apparaît comme témoin dans le procès… mais selon le NYT, il est officiellement détenu seulement depuis décembre 2024. Aujourd’hui, il est le premier suspect jugé en Autriche pour crimes contre l’humanité commis en Syrie.

Le témoignage des survivants : “Rien que son nom nous terrifiait”

Les descriptions de l’époque du soulèvement à Raqqa sont terrifiantes.
Les opposants rapportent que les services de renseignement syriens traquaient les organisateurs des manifestations, confisquaient les téléphones pour empêcher la diffusion d’images à la presse internationale, et utilisaient la torture comme outil central de dissuasion.

Abdallah al-Sham, lui-même activiste, se souvient :
« Quand nous courions dans les rues et que nous entendions ‘al-Halabi arrive’, tout le monde paniquait. Son nom seul suffisait. »

Les victimes décrivent :

  • des passages à tabac répétés ;
  • des interrogatoires sous électrocution ;
  • des détentions prolongées sans contact avec l’extérieur ;
  • et des menaces constantes contre les familles.

Une affaire qui embarrasse l’Europe… et révèle le rôle du Mossad

Cette affaire explosive soulève plusieurs questions majeures pour les capitales européennes.

  • Comment un criminel de guerre identifié a-t-il pu échapper à la justice pendant plus de dix ans ?
  • Pourquoi la France ne l’a-t-elle pas arrêté à temps ?
  • Pourquoi l’Autriche lui a-t-elle déroulé le tapis rouge ?

Le rôle du Mossad, lui, reste enveloppé d’ambiguïtés.
Rien dans l’article ne précise les motivations israéliennes, mais l’histoire du renseignement montre que certains transfuges, même problématiques, peuvent avoir fourni des informations sensibles utiles à la sécurité régionale.

Aujourd’hui, al-Halabi n’est plus un « dissident protégé » ni un « atout secret ».
Il est un criminel accusé de torture, livré à la justice autrichienne, premier maillon d’un long processus visant à juger les bourreaux d’Assad réfugiés en Europe.

Et pour les survivants, une question demeure :
justice sera-t-elle enfin rendue ?


Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
© 2025 – Tous droits réservés

Publicité & Partenariats – Infos-Israel.News

📢Voir nos formats & tarifs publicitaires📢