On l’imagine souvent comme un « simple » désagrément psychologique, une intrusion agaçante dans la vie privée. Mais selon une étude américaine publiée dans la prestigieuse revue médicale Circulation, le stalking — ces comportements répétés de surveillance, de filature, d’appels ou de messages non désirés — est en réalité un facteur de risque mortel pour la santé cardiovasculaire des femmes.
Le suivi de 66 000 femmes pendant vingt ans a révélé des chiffres glaçants : celles qui ont été victimes de harcèlement obsessionnel présentent un risque accru de 41 % de développer une maladie cardiaque ou de subir un accident vasculaire cérébral. Pour celles qui ont dû demander un ordre d’éloignement judiciaire, ce risque bondit à 70 %. Autrement dit, derrière le traumatisme psychologique évident, se cache une bombe physiologique qui mine littéralement le cœur et les artères.
Le mécanisme est désormais clair : le stress chronique. « Lorsque l’on vit en permanence avec la sensation d’être épiée ou menacée, le corps active sans cesse son mode d’urgence — le fameux “fuite ou combat” », explique le Dr Ofer Grosbard, psychologue clinicien. Résultat : tension artérielle élevée, sécrétion continue d’adrénaline et de cortisol, accélération du rythme cardiaque. Sur le long terme, ce cocktail épuise l’organisme, favorise l’athérosclérose et augmente la coagulation du sang. Bref, le stalking use le cœur comme une machine qui tourne sans répit.
Le Dr Iren Krutchin, cardiologue en Israël, rappelle que cette réaction extrême du corps est connue sous le nom de « syndrome du cœur brisé ». Des patients sans antécédents cardiaques peuvent développer brutalement des spasmes coronariens ou une insuffisance cardiaque sévère, uniquement sous l’effet du stress. « Dans un contexte d’angoisse répétée, les victimes finissent par souffrir d’insomnie, d’anxiété et de comportements compensatoires comme le tabagisme ou l’alimentation compulsive, ce qui aggrave encore le risque », ajoute-t-elle.
Cette étude donne aussi une dimension sociale : dans l’Union européenne, près de 18,5 % des femmes déclarent avoir subi du stalking au cours de leur vie. En Slovaquie, près d’une femme sur trois. Aux États-Unis, le chiffre grimpe à une sur trois, et même un homme sur six. Pourtant, la recherche médicale sur le sujet reste marginale. On continue trop souvent à considérer le stalking comme une « nuisance relationnelle », alors qu’il s’agit d’un véritable problème de santé publique.
À ce constat scientifique s’ajoute une réflexion plus politique : combien de temps les institutions continueront-elles à minimiser la violence psychologique ? La société a appris, non sans mal, à reconnaître les violences conjugales, mais les violences « invisibles », comme le harcèlement obsessionnel, sont encore banalisées. Or, l’étude de Harvard est catégorique : le stalking tue. Pas seulement l’âme. Pas seulement la joie de vivre. Il tue le corps, le cœur, les artères.
Dans ce combat, Israël comme la France sont confrontés à une double urgence : protéger les victimes au niveau légal et adapter les soins médicaux pour intégrer la santé mentale au suivi cardiovasculaire. Car il ne suffit pas d’opérer des pontages coronariens ou de prescrire des bêtabloquants : si le cœur bat toujours sous la peur, le risque reste intact.
L’ironie amère, c’est que dans une Europe où l’on manifeste bruyamment pour « la paix au Proche-Orient », des milliers de femmes vivent une guerre intime, silencieuse, chaque jour dans leurs foyers et leurs rues. Une guerre qui, elle aussi, fait des victimes. Peut-être moins visibles, mais tout aussi réelles.
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