Le livre de Ruth – Par Rony Akrich

Le livre de Ruth nous introduit dĂšs son dĂ©but dans l’antichambre du rĂ©cit: l’action se situe Ă  l’époque de la judicature, une famine oblige une cĂ©lĂšbre famille de BethlĂ©em Ă  Ă©migrer vers le pays de Moav. Le pĂšre, Elimelech, se morfond  de douleurs lorsque ses deux fils lui annoncent leur intention d’épouser des filles moabites. Cette tragĂ©die familiale coutera non seulement la vie Ă  Elimelech, mais sera suivi trĂšs rapidement aussi par la disparition de ses deux garçonsen terre Ă©trangĂšre. Nos sages s’interrogent sur les raisons d’un tel drame : leur rĂ©ponse est sans appel, ils ont abandonnĂ© la terre d’IsraĂ«l ! L’introduction de ce livre cĂ©lĂšbre met face Ă  face IsraĂ«l et sa responsabilitĂ© unique de mettre en valeur et de faire valoir la terre offerte par l’Eternel D.ieu d’IsraĂ«l. Le midrash explicite le sujet et raconte que jamais au grand jamais l’Eternel de misĂ©ricorde n’exige de ses enfants une prise de conscience immĂ©diate. Elimelech et ces deux garçons, Mahlon et Kahlon avaient reçu un certain nombre de signes avant-coureurs, leurs chevaux avaient pĂ©ri, puis leurs chameaux, leurs Ăąnes, ce n’est qu’ensuite que la mort survint et encorepas tous ensemble mais bien l’un aprĂšs l’autre. Certes notre maĂźtre Maimonide enseigne qu’en cas de famine il est permis de quitter Eretz IsraĂ«l, nĂ©anmoins il faut y rĂ©flĂ©chir avec droiture avant de prendre une telle dĂ©cision. GrĂące Ă  D.ieu, aujourd’hui, ce n’est plus un cas de figure et qui plus est le Rambam termine son propos en dĂ©clarant que si jamais cela se devait d’ĂȘtre, ce ne serait pas une ‘attitude noble’. Certains individus s’imposent toutes sortes de rigueur rigoureuse bien au-delĂ  de ce que la loi, pure et dure, leur demande, toutefois il serait de bon aloi d’appliquer cette rĂšgle Ă  l’ensemble des prescriptions toraniques, comme celle de rĂ©sider en terre d’IsraĂ«l, coute que coute. Le Rambam, toujours lui, avertis les dirigeants de ne point dĂ©laisser la terre envers et contre tous les alĂ©as possibles, sinon cela rĂ©vĂšlerait une mĂ©connaissance et une inconsistance quant Ă  l’alliance Ă©tablie par D.ieu avec les HĂ©breux. Le rĂ©cit commence donc par une critique acerbe du comportement de cette famille et va peu Ă  peu se recentrer grĂące Ă  NoĂ©mie, la mĂšre veuve, qui dĂ©cide de rentrer vers son foyer ancestrale. L’une de ses brus, Orpa, prĂ©fĂšre retourner chez ses parents, l’autre, Ruth, insiste pour la suivre et la soutenir dans son deuil et sa misĂšre : « oĂč tu iras, j’irai, oĂč tu demeureras, je demeurerai. Ton peuple sera mon peuple et ton D.ieu sera mon D.ieu, seule la mort nous sĂ©parera. » DĂ©claration d’un amour Ă  tout prix, une histoire d’amour qui va se dĂ©rouler Ă  la lumiĂšre et Ă  la chaleur du pays d’IsraĂ«l. Le regard est Ă©mu, les gestes tendres se consacrent au labeur de la terre, empli d’une espĂ©rance oĂč la conjugaison de l’hĂ©breu avec sa terre sera porteuse des fruits de leur passion. Toutes les rencontres n’engendrent pas les attentes souhaitĂ©es pour IsraĂ«l, seule sa conjugalitĂ© avec sa terre promise promet les vrais lendemains. ArrivĂ©s a BethlĂ©em, pauvres et abandonnĂ©es, NoĂ©mie et Ruth sont protĂ©gĂ©es et secourues par un de leurs parents, Boaz, un riche notable aussi Juge d’IsraĂ«l. La personnalitĂ© de ce dernier est emblĂ©matique, il ne peut rĂ©sister aux commandements liĂ©s au terroir malgrĂ© ses responsabilitĂ©s politiques, et c’est donc la nuit Ă  la lueur de la lune et des Ă©toiles qu’il sort ensemencer ses terres. Certains individus pensent impossible le mariage du corps et du Moi ou si vous prĂ©fĂ©rez l’union de la matiĂšre avec l’esprit. Concernant la nation d’IsraĂ«l, cela est vrai lorsque le peuple est dĂ©chu de sa souverainetĂ© et qu’il  se retrouve mis en exil et dispersĂ©, mais en aucun cas quand la terre et le peuple se rejoignent, bien au contraire ! Un jeune juif arrivĂ© de France me posa une question originale : « comment est-ce possible de dĂ©laisser la torah et de travailler en IsraĂ«l ?! Peut-ĂȘtre bien, alors, que les seconds servent aux premiers! » Il est clair que de tels propos sont d’abord et avant tout le fruit d’une Ă©ducation exilique et fourvoyante, l’expression d’une ignorance totale des textes fondamentaux et en particulier d’une mĂ©connaissance maladive du livre des livres, c’est-Ă -dire du Tanach’ (la bible). Il existe lĂ  un manquement d’apprĂ©ciation quant Ă  l’évĂšnement et l’avĂšnement du peuple et de l’état HĂ©breu, mais peut ĂȘtre une volontĂ© insidieuse de prĂ©server les acquis communautaires face aux exigences de la nation d’IsraĂ«l. Durant plus de 1800 ans il nous fallut prĂ©server notre identitĂ© spirituelle, survivre et rĂ©ussir Ă  traverser le temps et l’espace d’un exil maudit, ‘on ne peut rentrer chez le tanneur et ressortir sans odeur’. De retour au pays, la matiĂšre, le corps, le sĂ©culier recouvraient leurs lettres de noblesse grĂące aux enfants revenant  Ă  la maison et consacrant, par leurs efforts, une rĂ©alitĂ© profane en un sanctuaire pour un Eternel  D.ieu d’IsraĂ«l, languissant son peuple et sa terre. Rien de comparable avec nos pĂ©rĂ©grinations  galoutiques qui nous salirent, nous dĂ©pravĂšrent et nous souillĂšrent, ici sur cette terre choisie par D.ieu, travailler son sol, nous rend gracieux, agrĂ©able et attentif Ă  l’ĂȘtre prochain. Boaz le juge, le paysan, se nourrissait des produits de son fermage et devenait plus dĂ©bonnaire, son bon cƓur n’était que le reflet de son ĂȘtre vivant et vibrant. En Eretz IsraĂ«l aucune divergence ni mĂȘme antinomie entre la matiĂšre et l’esprit, nul besoin d’éliminer l’un au soit disant profit de l’autre, il est possible de demeurer le noble et l’idĂ©aliste de cette osmose.

Le rayonnement moral de Ruth, sa bontĂ© et sa puretĂ© forcent l’admiration de Boaz qui, rĂ©alisant l’institution du rachat et du lĂ©virat, restitue a NoĂ©mie son patrimoine et Ă©pouse Ruth. ProsĂ©lyte venue du dehors « s’abriter sous les ailes du D.ieu d’IsraĂ«l », Ruth dĂ©passe par le prestige moral de sa personne tous les HĂ©breux de naissance. Comme autrefois Tamar la bru de Yehuda et l’aĂŻeule de Boaz, Ruth permet Ă  l’histoire providentielle de se continuer. Elle est comme un relais sur la route qui de yehuda mĂšne messianiquement Ă  David.


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