Comment est-il possible d’accepter d’être séparé de soi-même, coupé d’une part de nous-mêmes? Le Juif ne serait-il pas la portion congrue de l’Hébreu, l’identité fraction de celui qui fut le nombre entier? C’est pourquoi, une véritable rencontre avec soi, vers soi, n’aura d’autre finalité que nous permettre une réelle prise de conscience, quant aux raisons d’une telle déchirure, mais non point d’y découvrir l’identité absolue. L’avoir humain se laisse souvent manger la laine sur son dos par une image sociale bien fâcheuse, un attrape-nigaud pour les faibles bipèdes. Les voilà persuadés que seule l’accumulation de biens leur permettra d’être!
Comment pouvoir ainsi envisager un mouvement quel qu’il soit ?
Les uns sont trop pieux et donc inamovibles, les autres embourbés dans le consumérisme et donc inextricables. Le décorum est inébranlable, factice, il est la devanture par laquelle nous nous exhibons aux yeux du monde
L’Hébreu, lui, aspire, se refuse aux situations données, tire les leçons du passé pour mieux traverser les méandres d’une Histoire, qui, si elle n’est pas la sienne, ne mérite aucun attardement. De cette manière, uniquement, il renaît de ses cendres et pourfend l’ensemble de ses détracteurs.
C’est face à l’adversité qu’il se révèle capable de l’impossible! Rien ne lui résiste, tout peut être changé, transformé.
En quelques années, à peine sorti d’un enfer que Dante n’aurait pu imaginer, il se métamorphose et évolue, pour peu qu’on l’autorise à s’épanouir, sans regret ni nostalgie aucune pour un passé révolu.
Cependant, l’œuvre n’est guère aisée et l’épreuve demeure omniprésente, les hommes prouvent trop souvent leur incapacité à se mesurer au péril de leur demeure. S’il était possible et si facile de rencontrer son être le plus cher, c’est-à-dire : soi-même, pour un devenir des plus vrais, nul ne tolèrerait autant de tourments sur les chemins sinueux de son identité.
Or, cette dernière est loin, bien loin de nous, enfouie au profond de notre mémoire collective, une vaste part de nous-mêmes nous étant dissimulée, échappant ainsi à notre contrôle.
L’exil provoqua une perte substantielle du Patrimoine hébraïque, l’Hébreu n’était plus le maître des lieux, il venait d’échouer sur son propre terrain. Il avait été inlassablement troublé et traqué par ses désirs et ses pulsions. Sa personnalité devenue retorse, exigeait encore et toujours plus de plaisir et de jouissance, elle le tentait et réussissait à détourner notre Hébreu des impératifs de sa réalité.
Attention, tout pourrait recommencer !
Gardons-nous de crier victoire avant l’heure !
Les fanatismes de tous bords sont toujours parmi nous, et lorsqu’ils décident de nous conquérir, ils n’abandonnent pas facilement.
Je pense qu’il nous faut, dès à présent, négocier une sacrée dose d’être biophile, d’amour de sa propre existence, d’une recherche sans fin de dénominateurs communs pour réussir à annihiler les maux qui perdurent.
Cet Hébreu, que nous retrouvons pas à pas aujourd’hui, pénètre lui aussi progressivement. Il insuffle des vérités nouvelles-anciennes qui bousculent nos habitudes, vieilles de deux mille ans. Il est lui-même une identité complexe, composée d’aspirations qui ne s’accordent pas forcément et toujours les unes avec les autres.
Durant l’exil, il nous fallait apprendre à survivre et voici que, soudain, il nous fallut apprendre à vivre!
Quel souvenir concret avions-nous lorsque nous parlions du ‘Peuple’ ?
Que savions-nous du sens réel de la ‘Nation’?
Depuis des lustres nous étions des bannis, poursuivis, violés et assassinés. Les mots comme souveraineté ou indépendance avaient-ils une résonance?!
«Une Nation de prêtres et un Peuple saint» est un verset en Hébreu, mais pas nécessairement compris dans l’harmonie du collectif Israël. Une telle réalité ne peut se résoudre au manque de sa vérité, il est évident que rien ne se produira dans l’instant, tout sera dans l’élaboration et dans la construction progressive à partir de modèles illustrés dans le Texte biblique. Il s’agira d’un modèle de société adapté et remodelé selon le temps et l’espace du moment. Si nous essayons de ressembler à celui qui nous sert d’idéal, c’est afin d’appréhender concrètement Sa force, Son talent et surtout Ses attributs. L’Éternel, D.ieu d’Israël, demeure notre référant envers et contre tous les aléas de notre Histoire. Au fil des jours, au hasard ou non de nos rencontres, face à l’adversité, ce fil de la vie ne s’est jamais interrompu. Des profondeurs des multiples gouffres où l’on nous précipita, nous gardions, grâce à notre mémoire collective et malgré un vécu souvent dramatique, l’espoir ineffable de notre renaissance et de notre éternité.
Le retour des Juifs sur le terroir ancestral provoquera un grand nombre de bouleversements, notamment cette question cardinale de «qui est Juif ?» sans encore oser poser la véritable question: «qui et que sera l’Hébreu?»
Durant des siècles nous ne faisions que ‘séjourner’ sur des terres étrangères et dans un même temps nous aspirions et espérions pouvoir être de retour pour ‘habiter’ de nouveau la Terre promise.
Tout du long, notre Histoire et notre culture demeurèrent à nos côtés, après que notre Terre nous fut dérobée et notre Verbe hébraïque relégué aux oubliettes.
C’est bien cet environnement omniprésent, pour ceux demeurés fidèles à la tradition, qui joua un rôle essentiel dans la préservation et la survie de notre moi collectif, d’une identité ébréchée mais inéluctablement d’actualité.
Notre culture thoranique et biblique fut pourvoyeuse de repères permettant à tout un chacun de se retrouver au sein de cette identité juive en mal d’être Hébraïque.
Par Rony Ackrich pour Alyaexpress-News