Deux ans après le massacre du 7 octobre, une nouvelle révélation secoue le débat public : selon un document interne rendu public, le Mossad estimait, à peine deux semaines avant l’attaque, que la haute direction du Hamas « ne cherchait pas » une confrontation militaire mais visait plutôt une forme d’« arrangement » civil. L’échec de cette appréciation — et la décision politique qui en a découlé — ouvre une double interrogation : failles opérationnelles et responsabilité stratégique du renseignement dans la préparation de l’État à la pire attaque de son histoire récente. (Times of Israel)
Les faits — Les publications israéliennes rapportent qu’un « papier d’analyse » du Mossad évaluait que la direction du Hamas, malgré des incidents localisés (ballons incendiaires, tirs sporadiques), privilégiait une stratégie de pression civile afin d’obtenir concessions et assouplissements, et n’entendait pas déclencher une vaste offensive. Le document soulignait toutefois que l’organisation maintenait un haut degré de permanence opérationnelle, prête à riposter en cas d’« action forcée ». Quelques semaines plus tard, le 7 octobre, le Hamas a lancé l’attaque massive qui a conduit au déclenchement de la guerre. (Times of Israel)
Réactions au sein de l’appareil sécuritaire et politique — L’événement ranime les accusations d’échec d’alerte visant plusieurs organes : critiques publiques, mises en cause médiatiques et demandes d’enquête. Des anciens responsables du renseignement et de la sécurité — ainsi qu’un nombre croissant d’officiers à la retraite — ont déjà souligné des déficits de coordination entre services et une mauvaise répartition des responsabilités opérationnelles sur la file Gaza. La révélation selon laquelle le Mossad lui-même aurait jugé le risque d’une vaste opération « faible » alimente une colère sociale légitime : comment un État préparé n’a-t-il pas converti ces observations en mesures préventives suffisantes ? (The Guardian)
Analyse : erreur d’appréciation ou problème institutionnel ? — Plusieurs explications se dessinent. D’un côté, l’erreur paraît, en surface, être une mauvaise lecture de l’intentionnalité des dirigeants ennemis — un classique du renseignement : intentions ≠ capacités. De l’autre, l’affaire révèle des fragilités institutionnelles plus profondes : partage inégal de responsabilités entre agences depuis 2005, choix politiques sur ce que chaque service doit prioriser, et décisions qui limitent l’autonomie opérationnelle du Mossad dans la bande de Gaza. Enfin, la tension entre analyses stratégiques (préférence proclamée pour la « régulation ») et indices tactiques (montée en préparatifs, flux logistiques, coordination extérieure) semble n’avoir pas trouvé, au sommet décisionnel, de traduction opérationnelle appropriée. Ces décalages expliquent en partie pourquoi un avertissement n’a pas suffi à empêcher la catastrophe. (ProPublica)
Dimension externe : opérations récentes et divergences publiques — Les mois et années qui ont suivi le 7-octobre ont mis en lumière d’autres lignes de fracture : dans des débats récents, la direction du Mossad a publiquement expliqué des opérations antérieures (notamment les actions contre les réseaux d’approvisionnement au Liban) et a parfois opté pour la retenue opérationnelle — avis que l’on sait avoir divergé avec des choix politiques ultérieurs (comme l’attaque aérienne rapportée au Qatar, menée sans la participation active du Mossad selon plusieurs sources). Ces épisodes nourrissent l’idée d’un appareil de renseignement compétent mais contraint — par des arbitrages politiques, des risques diplomatiques et des mécanismes de responsabilité — à des choix qui peuvent, a posteriori, paraître insuffisants. (The Washington Post)
Conséquences et enjeux pour l’avenir — La révélation oblige à trois décisions concrètes si Israël veut restaurer confiance et efficacité : 1) une commission d’enquête publique, indépendante et opérationnelle, pour reconstituer le fil des responsabilités et livrer des recommandations claires ; 2) une redéfinition pragmatique du rôle respectif des services — Shin Bet, Mossad, AMAN — sur les volets collecte, prévention et action en zone palestinienne ; 3) un renforcement immédiat des mécanismes de contre-analyse et d’alerte, pour réduire la vulnérabilité aux décalages entre signaux stratégiques et signaux tactiques. Sans ces mesures, le risque n’est pas seulement institutionnel : il est politique et humain. (Tandfonline)
Conclusion — L’histoire retiendra que la surprise du 7-octobre n’a pas seulement été une faillite militaire : elle a été, aussi, une insuffisance du jugement collectif — où une appréciation erronée du comportement ennemi s’est trouvée amplifiée par des structures de décision inadaptées. Si la création d’un État juif s’est appuyée historiquement sur la supériorité du renseignement autant que sur la force, la leçon aujourd’hui est simple et exigeante : reconquérir l’efficacité du renseignement implique d’assumer transparence, responsabilité et réforme — sans quoi l’État paiera, à nouveau, le prix de l’impréparation. (Times of Israel)
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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