La libération — inestimable — des otages n’est pas « gratuite ». Le plan en vingt points auquel Israël a adhéré comporte des concessions lourdes : reconnaissance du rôle de l’Autorité palestinienne à Gaza, horizon politique à deux États et mécanismes de transfert du territoire à des acteurs étrangers. Résultat : un pacte qui sauve des vies aujourd’hui mais enferme Israël dans des choix politiques dangereux pour demain.
L’argument est simple et dérangeant : pour arracher les otages à la nuit du Hamas, Israël a accepté des clauses qu’il aurait jadis rejetées. Dans une mise au point lucide relayée par Amir Tsarfati et signée Eliyahu Ben Elisar, les points clés du « 20-point plan » sont rappelés sans détour. Ils disent en substance que la fin du calvaire des captifs a eu un coût stratégique — et que ce coût pourrait transformer durablement le sort de Gaza et la capacité d’Israël à décider de son avenir.
Parmi les concessions figurent des éléments politiquement explosifs : renoncement à toute volonté d’occupation ou d’annexion de la bande de Gaza ; reconnaissance de l’Autorité palestinienne comme organe légitime pour gouverner Gaza « sous réserve de réformes » ; acceptation d’un horizon politique qui renvoie explicitement au cadre d’une solution à deux États ; et, surtout, engagement à transférer la gouvernance de la bande à des États ou mécanismes extérieurs (Qatar, Turquie, Égypte ou autre force multinationale) si le désarmement de facto n’est pas assuré, et ce même si le Hamas traîne les pieds pour remettre les captifs.
Un arbitrage dramatique : otages contre souveraineté
Les conséquences politiques sont immédiates. Si Israël poursuit une politique consistant à imposer la mise hors d’état de nuire du Hamas par la force, le plan prévoit pourtant l’étape suivante : la reconstruction et la remise de la gestion de Gaza à des acteurs extérieurs — certains ouvertement hostiles à Israël. Autrement dit, une victoire militaire pourrait paradoxalement précipiter une perte politique : la gestion du territoire qui aura servi de sanctuaire au terrorisme pourrait être confiée à des instances qui ne partagent ni les intérêts ni la sécurité d’Israël.
Eliyahu Ben Elisar met le doigt sur cette contradiction : Trump a, un jour, offert à Israël une option — prendre Gaza sans ces contraintes — mais Israël a conditionné toute discussion à la récupération des otages. Le deal était clair : pas d’otages, pas de compromis. Le prix a été payé — et il ne s’agit pas seulement d’un prix moral, mais d’un prix stratégique.
Les illusions d’un transfert international
Les promoteurs du plan misent sur la pression internationale comme instrument de désarmement : si des États tiers acceptent de superviser Gaza et d’y garantir la sécurité, alors on pourrait obtenir un découplage durable entre territoire et terrorisme. Mais qui, pour de vrai, fera respecter un désarmement absolu sur un territoire peuplé, profondément radicalisé et où les réseaux du Hamas sont enkystés ? Confier Gaza au doigté de Doha, Ankara ou du Caire est une perspective qui inquiète profondément nombre de stratèges israéliens.
Le scepticisme est nourri d’expériences passées : les tentatives de contrôle externe se heurtent toujours à la réalité locale. La présence de « forces amies » n’a jamais garanti l’élimination des réseaux clandestins. Pire : elle peut légitimer sur la scène mondiale une « nouvelle gouvernance » qui relativise la responsabilité des véritables auteurs du carnage.
Le piège des « pauses » et la permanence du risque
Le corollaire immédiat, observe Ben Elisar, est la cyclicité des affrontements : des rounds successifs, une guerre rythmée par négociations et trêves, qui préserve en pratique les structures du Hamas et retarde la décision stratégique. En attendant une solution durable, Israël se retrouve face à un choix pénible : accepter un statu quo verrouillé par des solutions internationales incertaines, ou reprendre la responsabilité pleine et entière d’un processus qui imposerait des coûts humains et politiques considérables.
Conclusion : le prix réel des otages
Sauver des vies était moralement impératif — et c’est ce qui a été fait. Mais la leçon douloureuse reste que plusieurs vies gagnées aujourd’hui peuvent entraîner des vulnérabilités structurelles demain. Le débat n’est plus seulement tactique : il est constitutionnel et stratégique. Israël doit désormais décider s’il accepte que le salut des otages devienne la matrice d’un avenir politique contraint, ou s’il redessine son approche pour préserver sa sécurité sans abandonner son droit à déterminer le sort de territoires qui conditionnent son existence.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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