Isabel Peralta, une jeune femme au discours pro-nazi, est devenue une star dans une émission de la télévision publique espagnole. « Cela devient normal pour une fille, qui a le cerveau pourri de haine et qui défend une idéologie qui a massacré des millions de personnes, de devenir la star des médias », a déclaré la journaliste espagnole Rahola qui dans cet article explique la gravité de la situation.
Isabel Peralta est une jeune femme de 19 ans qui a participĂ© en fĂ©vrier Ă une manifestation en lâhonneur de la division bleue Ă Madrid et qui a tenu un discours antisĂ©mite en public, dĂ©clarant que « lâennemi est le juif ». Cependant, ce soir, la tĂ©lĂ©vision dâĂtat « La Sexta » diffusera dans lâĂ©mission « Investigation Team », animĂ©e par GlĂČria Serra, une interview avec Peralta.
« Ceux dâentre nous qui ont une voix publique doivent ĂȘtre un observatoire permanent des droits fondamentaux. En Espagne, la question du nazisme a toujours Ă©tĂ© une question en suspens, peut-ĂȘtre que les devoirs nâont pas Ă©tĂ© faits avec les victimes du fascisme espagnol ou du franquisme », a rĂ©flĂ©chi Rahola.
« La premiĂšre alarme est que vous pouvez aller Ă Madrid un dimanche matin et dire âles Juifs sont responsables des maux du monde, vive Hitler, vive le parti naziâ et ne pas avoir de plainte pĂ©nale », a-t-elle ajoutĂ©.
 » Je crois que ceux dâentre nous qui ont une voix publique et, encore plus maintenant que les rĂ©seaux sociaux existent, nous devons ĂȘtre un observatoire permanent des droits fondamentaux. Il est clair quâil y a beaucoup dâinjustices dans le monde et quâon ne peut pas ĂȘtre un porte-parole permanent de ces injustices, mais quand il sâagit de lâHolocauste, je suis inflexible. Parce que je crois que lâHolocauste est la grande mĂ©taphore du mal que les ĂȘtres humains peuvent accomplir, il est incomparable Ă toute autre chose. Parce que ce nâĂ©tait pas seulement un meurtre de millions de personnes, câĂ©tait une industrie dâextermination. Et je pense que lâhumanitĂ© nâavait jamais connu quelque chose comme ça. »
 » Nous ne pouvons pas oublier que le rĂ©gime franquiste a assassinĂ© des dirigeants politiques de 1939 Ă 1958, et puis ce fut encore plus loin, car Franco a tuĂ© cinq opposants lâannĂ©e mĂȘme de sa mort. Mais surtout dans les premiers jours du rĂ©gime franquiste, nous parlons dâenviron 150 000 victimes traquĂ©es, persĂ©cutĂ©es et assassinĂ©es. »
 » Nous parlons donc de quelque chose de trĂšs grave, et pourtant lâEspagne nâa jamais fait ses devoirs avec ces victimes de leur scĂšne la plus sombre. Et aussi le franquisme, qui Ă©tait la forme du fascisme, reste toujours idĂ©ologiquement impuni. JusquâĂ il y a deux jours, Franco Ă©tait dans son mausolĂ©e, mais nous lâavons retirĂ© plusieurs dĂ©cennies aprĂšs sa mort. »
 » De la mĂȘme maniĂšre quâil nây a pas de culture de lutte contre le fascisme, parce quâelle sâest structurĂ©e dans la culture espagnole dâune maniĂšre trĂšs profonde et la preuve en est que beaucoup de franquistes Ă©taient des militants dans des partis qui furent plus tard dĂ©mocratiques, le nazisme nâa jamais existĂ©, jamais intĂ©ressĂ©. Il ne faut pas se rappeler que Franco a protĂ©gĂ© de nombreux dirigeants nazis et que câĂ©tait un vĂ©ritable refuge pour les assassins nazis pendant tout le temps que Franco les a protĂ©gĂ©s, et câest donc quelque chose qui mâinquiĂšte. »
 » Mais jusquâĂ ce moment nous nâavions pas connu une rĂ©surgence du nazisme en tant que tel, il y a toujours eu lâextrĂȘme droite en Espagne et certains types de fascisme, mais un nazisme ouvert et frontal, dĂ©jĂ sans masques et montrant leur amour pour le TroisiĂšme Reich et pour Hitler , quâhonnĂȘtement je ne lâavais pas vĂ©cu. »
Depuis la manifestation qui a eu lieu Ă Madrid il y a quelques mois, cette jeune femme, prĂ©nommĂ©e Isabel Peralta, dont le pĂšre Ă©tait franquiste, nâa pas Ă©tĂ© persĂ©cutĂ©e, câest-Ă -dire quâelle apparaĂźt Ă la tĂ©lĂ©vision, quitte une manifestation pour dĂ©fendre les fascistes espagnols qui sont allĂ©s combattre avec les nazis Ă Stalingrad, dĂ©clare publiquement sa haine des Juifs et les accuse, dans un antisĂ©mitisme manuel, des maux du monde et il le dit ouvertement : « Les Juifs sont la mauvaise chose, les Juifs sont les coupables, les Juifs sont ceux qui doivent ĂȘtre persĂ©cutĂ©s », et ainsi de suite.
Et non seulement il nâa rien de mal, mais la police protĂšge sa manifestation. En fait, comme lâest actuellement le code pĂ©nal espagnol, si jâattaque verbalement, ils peuvent toujours mâaccuser de crime de haine. Ils peuvent dire : « Vous dĂ©fendez le meurtre » et vous pourriez mĂȘme avoir un problĂšme criminel parce que la loi est vraiment honteusement faite, la vĂ©ritĂ© est que la premiĂšre alarme est que vous pouvez sortir dans la premiĂšre rue de Madrid un dimanche matin et dire : « Les Juifs sont responsables des maux du monde, vive Hitler, vive le parti nazi » et il nâa aucune plainte pĂ©nale.
La deuxiĂšme chose qui peut arriver est quâelle devienne la star des mĂ©dias, ou du moins certains dâentre eux, qui se consacrent Ă savoir : « Qui est cette fille ?; Qui est Isabel Peralta ?; La nouvelle rĂ©vĂ©lation du parti nazi » et nous Ă©tions si calmes, comme si une fille dont le cerveau Ă©tait pourri de haine Ă©tait normale et qui dĂ©fend une idĂ©ologie qui a massacrĂ© des millions de personnes, comme si sa vie ou ce quâelle pense Ă©tait trĂšs intĂ©ressant. Je lâai vu Ă la une des journaux, dans des journaux espagnols, dans des interviews Ă la radio, etc.
Face Ă lâalarme gĂ©nĂ©rale et comme nous sommes nombreux Ă avoir dĂ©noncĂ© ce problĂšme, le bruit a commencĂ© Ă bouger un peu et du coup elle nous apparaĂźt sur une bourse dâun groupe de nĂ©onazis allemands qui lâenvoient en Allemagne passer une quelques mois avec eux. Nous avons mĂȘme pu le localiser dans une manifestation qui a eu lieu Ă Hambourg en Allemagne et apparaĂźt maintenant soudainement dans un programme sur une tĂ©lĂ©vision traditionnellement progressiste, bien quâil me semble que progressiste nâa que le nom, et annoncĂ© dâune maniĂšre suggestive et sĂ©duisante façon : « La jeune rĂ©vĂ©lation nazie ».
Du coup on dĂ©couvre non seulement quâils vont lâinterviewer et lui expliquer qui elle est ? Et quâen penses-tu? sinon, on trouvera probablement que dans lâĂ©mission ils vont dire que les juifs sont mauvais, quâils appartiennent Ă lâextrĂȘme droite, mais le fait est quâils en font le protagoniste
â Et lâestablishment politique avant ça ?
-Câest quâils ne disent rien, câest lâhorreur. Certains dirigeants, notamment de gauche, ont fait des tweets, fait des commentaires disant que cette femme Ă©tait imprĂ©sentable, quâelle ne devrait pas ĂȘtre couverte, mais il nây a pas eu de scandale, câest-Ă -dire quâen Espagne la seule chose qui inquiĂšte, ce sont les indĂ©pendantistes catalans.
-Lâambassade dâIsraĂ«l a Ă©tĂ© perçue comme Ă©tant consciente du problĂšme mais pas de la communautĂ© juive en gĂ©nĂ©ral, cela ne va-t-il pas directement contre les autoritĂ©s nationales comme cela arriverait nâimporte oĂč dans le monde ?
-Dans la plupart les entitĂ©s juives en Espagne sont toujours trĂšs silencieuses, elles interviennent trĂšs peu, ce nâest pas comme en Argentine oĂč elles ont une solvabilitĂ© et une capacitĂ© de dialogue trĂšs importantes. Nous parlons dâun autre niveau.
En Espagne, en Catalogne ou ailleurs, on ne le voit normalement pas. Vous pouvez voir le scandale de certains dâentre nous, des personnes spĂ©cifiques qui sont scandalisĂ©es, mais lâambassade elle-mĂȘme nâentre pas dans ces questions, et gĂ©nĂ©ralement les entitĂ©s juives parlent rarement. Jâimagine quâils nâont pas non plus assez de force pour se montrer avec plus de virulence et bien sĂ»r dâun point de vue politique, je nâai vu aucun dirigeant important, Ă ce jour, quâils soient scandalisĂ©s par la diffusion de ce programme.
-Et quelle dimension a-t-il dans la société espagnole ?
-Aucun, je crois que le nazisme est trĂšs loin de la sociĂ©tĂ© espagnole et câest Ă©vident, mais nĂ©anmoins la banalisation du nazisme, la normalisation quâil y a des gens qui peuvent le dĂ©fendre, oui, malheureusement il a beaucoup grandi et augmentĂ© comme câest aussi lâextrĂȘme droit a grandi en Espagne et je suis convaincu que ce programme du vendredi va avoir une large audience, mĂȘme si câest par curiositĂ©.
Dans le monde dans lequel nous vivons, qui est un monde dâimages, elle va avoir plus de force, et de normalisation, et comme cela semble normal que quelquâun qui dĂ©fende un gars qui a créé une industrie dâextermination pour tuer tous les Juifs dâEurope, qui a tuĂ© millions de personnes en plus en cours de route, câest normal quâĂ la tĂ©lĂ©vision, en prime time, tu ressortes en expliquant ses raisons et quâil ne se passe rien, que le conseil dâadministration de la tĂ©lĂ©vision ne se brise pas, que lâanimateur ne refuse pas et dise âça je ne pas faireâ. Pour moi, câest la dĂ©monstration que cela nâa pas dâimportance, que câest un problĂšme de plus.
Aujourdâhui quelquâun mâa dit : « Ils interrogent aussi des assassins, des trafiquants de drogue, câest de lâinformation. Ce nâest pas vrai, il est clair quâen journalisme on peut interviewer un meurtrier, un voleur, mĂȘme un narco et ce sont des gens malfaisants, sans aucun doute, mais interviewer un dĂ©fenseur dâune idĂ©ologie qui a fait des millions de morts et une industrie dâextermination , ça ne rentre pas, il doit y avoir des limites, parce quâalors on ne fait plus dâinformation, on fait de la propagande.
Je suis allĂ© Ă Auschwitz avec les gens de Marche pour la vie. CâĂ©tait ma deuxiĂšme fois, jâavais Ă©tĂ© auparavant dans des camps de la mort, jâavais fait le voyage car jâai toujours eu beaucoup de sensibilitĂ© sur ce sujet, mais il est Ă©vident quâune Marche pour la Vie vous secoue intĂ©rieurement, et je conseille Ă tous les citoyens juifs ou des non-juifs qui font leur Marche pour la vie, car câest un choc Ă©motionnel qui vous oblige Ă un engagement moral et Ă©thique trĂšs fort.
Mon inquiĂ©tude permanente face Ă la question du nazisme tient aussi au fait que je suis europĂ©en et que lâEurope Ă©tait un vrai cimetiĂšre. LâEurope a Ă©tĂ© un bĂątisseur de mort et nous nâavons aucune garantie que nous ne retournerons pas Ă nos anciennes habitudes. LâEurope a Ă©tĂ© le berceau du nazisme, alors que la tentation des idĂ©ologies totalitaires, des idĂ©ologies barbares, sont dans nos gĂšnes et maintenant que nous commençons Ă voir de nouveaux populismes, de nouvelles extrĂȘmes droites et du coup il y a un renouveau de la question du nazisme, comme sâil nâĂ©tait pas si important, si grave, tout cela me secoue intĂ©rieurement, non seulement Ă cause de mon amour pour les Juifs, qui est ma premiĂšre raison, mais aussi parce que je suis europĂ©en et je ne veux pas que lâidĂ©ologie du mal revienne un jour.
[sigboff]