Dans les pays arabes, le Ramadan est l’occasion de faire mieux que le Coran, au point de tuer des innocents sur une plage tunisienne comme ce fut le cas, cette semaine pour le simple fait de porter un maillot qui selon, les islamistes ne respecte pas le Coran et surtout le Ramadan…mais tous ne sont pas aussi affamés par ce jeune du ramadan et savent passer cette journée pacifiquement en regardant une série TV juive qui se nomme : « Le Quartier juif ».

Cette série est diffusée non loin d’Israël, en Égypte, pendant le mois du jeûne, et elle surprend et fait beaucoup parler selon le New York Times, l’histoire se déroule en 1948, dans une famille de juifs égyptiens du Caire.

C’est un scoop en Égypte, car cela fait plus de 60 ans qu’une série égyptienne qui représente de façon correcte et respectueuse les juifs dans les synagogues et pour les dîners de shabbat (avec tout de même un hébreu qui veut rien dire) et moins antisémite comme cela est connu dans le milieu de l’audiovisuel égyptien depuis des décennies.

L’ambassade israélienne au Caire le dit elle-même sur sa page Facebook :

« La série montre les juifs dans leur vraie nature humaine, comme des êtres humains avant toute chose, et nous nous en réjouissons. »

Selon Rue 89, l’histoire est celle-ci : Laila, juive et personnage principal, apprend que son frère part s’installer en Israël. C’est un choc, elle le traite de traître. Car dans le contexte de la série, le sionisme est un acte de trahison envers l’Égypte. Dans « le quartier juif », les juifs égyptiens sont avant tout présentés comme des Égyptiens, et non comme des sionistes voulant s’installer en Israël. Ils sont même anti-sionistes.

Les méchants ne sont donc ici pas les juifs, mais les Frères musulmans. La série préfère valoriser l’armée et, plaçant l’histoire en 1948, elle occulte le véritable rôle qu’a joué l’institution militaire dans l’expulsion des juifs d’Égypte après l’arrivée de Nasser en 1953. L’héroïne, Laila, a même une histoire d’amour avec un militaire musulman considéré comme un héros par la communauté juive.

« Le Quartier Juif » impute la responsabilité du mauvais traitement des juifs exclusivement aux islamistes et Frères musulmans qui sont dépeints comme des extrémistes fous. Or comme l’expliquent les historiens, les nationalistes arabes et notamment l’armée menée par Nasser ont eux aussi, dans leur lutte contre Israël, pris les juifs égyptiens pour des boucs émissaires et les ont contraints à quitter le pays.

Mais, dans la série, seuls les fondamentalistes sont critiqués. Le fondateur des Frères musulmans est moqué, on lui fait par exemple voir comme une conspiration, la présence du Coca-cola dans son pays. La série montre les premières violences à l’égard des juifs avec les attentats perpétrés par les Frères musulmans. Les scénaristes les accusent même d’avoir préféré s’attaquer aux juifs locaux plutôt qu’à Israël.

Car, il y a une chose importante à retenir, la série traite des juifs avec un certain respect mais ne soutient en aucun cas l’État hébreu. Bien au contraire, comme l’exprime le réalisateur de la série, Mohamed el-Adl, « la série ne soutient pas les Israéliens, elle est contre eux », et il rajoute : « Israël est le premier ennemi de l’Égypte. » Une des scènes de la série vient rappeler la conception égyptienne d’Israël. L’amoureux de Laila, le héros militaire musulman égyptien, est à un moment, torturé par les Israéliens.

C’est pourquoi les propos favorables de l’ambassade d’Israël ont laissé bien perplexe le réalisateur de la série. Pour ce qui est du rôle de Nasser dans l’expulsion des juifs, il explique, prévenant au préalable ne pas être très au courant de la question, ne pas penser que Nasser en soit responsable. Dans tous les cas, la série se termine avant l’arrivée au pouvoir de Nasser, ce qui préserve de fait les militaires. Et Mohamed el-Adle affirme : « Le Quartier juif » est conforme à l’Histoire. »

La série est devenue source de nombreux débats sur les Juifs et sur l’identité mouvante de l’Égypte après quatre ans de grande instabilité politique. Parmi les téléspectateurs, certains louent la série pour l’image cosmopolite qu’elle renvoie de l’Égypte à l’époque de la monarchie et voient les juifs comme l’incarnation de la société plus libérale de l’avant Nasser.

D’autres versent au contraire dans l’antisémitisme et estiment que la série « donne une meilleur image des Juifs que des Égyptiens ». On s’insurge également de la possibilité qu’un militaire musulman puisse épouser une juive (l’avenir de leur romance fait partie de l’intrigue).

Des islamistes ainsi que la chaîne d’information Al-Jazeera affirment que la série illustre le rapprochement israélo-égyptien dans la lutte contre les mouvements politiques islamistes depuis le coup d’État du général Al- Sissi. Dans le reportage d’Al-Jazeera, une femme s’interroge : « Comment (cette série) peut-elle être diffusée dans le monde musulman et dans un pays musulman alors qu’ils (les juifs) sont considérés comme les ennemis de l’islam et des musulmans ? »

Néanmoins la série continue de véhiculer des clichés qui persistent et qui dérangent la douzaine de juifs vivant toujours au Caire. Celle-ci exprime son mécontentement sur Facebook. Magda Haroun, leader de cette petite communauté, se plaint notamment d’une exagération de la richesse des juifs des années 1940 ainsi que de la tenue des femmes qu’elle juge peu fidèle à la réalité historique.

Dans un post Facebook, M. Haroun s’insurge : « Peut être que les robes et jupes étaient plus courtes à l’époque, mais une robe fendue jusqu’au milieu de la cuisse, je ne crois pas. »

Stéréotypes antisémites

Parmi les milieux de gauche, on se plaint du fait que les communistes soient assimilés à des sionistes cachés. C’est une accusation récurrente chez les islamistes et nationalistes qui voient dans le sionisme l’alliance avec leur ennemi. Mme Haroun, fille d’une grande figure de gauche, dénonce sur Facebook le fait que la série suggèrerait que les communistes juifs auraient « manipulé les esprits pour les rendre sionistes ».

D’autres stéréotypes ont toujours la peau dure, notamment celui du juif avare. Un personnage de la série, un bijoutier juif, essaye d’arnaquer un honnête marchant musulman et n’hésite pas à continuer sa tromperie lors d’un enterrement.

Néanmoins, la série semble prôner une certaine tolérance religieuse, tout en faisant d’Israël l’un des grands méchants de l’histoire. « Le Quartier Juif » tire son nom du quartier où les trois religions monothéistes ont cohabité. La série s’ouvre d’ailleurs sur une scène où les trois communautés se réfugient dans une synagogue pendant un raid israélien et, lorsqu’un personnage musulman de la série se moque d’une chrétienne, Laila la défend.

Selon Joel Beinin, historien à Stanford qui a écrit sur les juifs égyptiens de l’époque, « la série est plus proche des faits que n’importe quelle autre production des médias de masse égyptiens des dernières décennies ». En effet, selon lui la majorité des juifs dans l’Égypte des années 1940 se sentaient avant tout égyptiens et ne se seraient pas considérés sionistes. Il note que, même après la montée du nationalisme arabe des années 1950, très peu des juifs qui ont fui le pays ont migré en Israël.(rue 89)