Les Juifs reviennent en Syrie : le régime autorise la création d’une organisation juive officielle

Pour la première fois depuis des décennies, les autorités syriennes ont accordé une autorisation officielle à une organisation juive opérant sur leur territoire. Le gouvernement de Damas a validé cette semaine l’enregistrement de la **« Fondation du patrimoine juif en Syrie »**, une structure destinée à œuvrer à la restitution de biens juifs confisqués par les régimes précédents et à la préservation des sites religieux historiques. Il s’agit de la première reconnaissance formelle d’un organisme juif depuis le changement de pouvoir intervenu en décembre dernier, à la suite de la chute de Bachar el-Assad.

Cette décision s’inscrit dans un contexte politique inédit. Après près de quatorze années de guerre civile, le nouveau pouvoir syrien, issu de forces islamistes, cherche à afficher une politique d’ouverture et de réconciliation avec les minorités du pays. Dans ce cadre, la petite communauté juive syrienne, aujourd’hui réduite à quelques dizaines de personnes, voit progressivement revenir certains de ses membres ayant fui le pays au fil des décennies.

La ministre syrienne du Travail et des Affaires sociales, Hind Kabawat, a présenté cette autorisation comme « un message clair de l’État syrien », affirmant que la nouvelle Syrie « ne fait pas de distinction entre les religions et les confessions » et qu’elle soutient tous ses citoyens désireux de participer à la reconstruction du pays. Un discours symbolique fort, dans un État où la présence juive, pourtant pluriséculaire, avait été marginalisée puis quasiment effacée de l’espace public.

L’un des fondateurs de la fondation, **Henry Hamra**, a précisé que l’organisation aura pour mission de dresser un inventaire précis des biens appartenant historiquement à des Juifs syriens et confisqués au fil des années, notamment sous le régime de Bachar el-Assad. L’objectif affiché est double : obtenir la restitution de ces propriétés lorsque cela est possible, et restaurer les synagogues et sites religieux afin de les rendre accessibles aux Juifs du monde entier.

Henry Hamra est le fils du rabbin Youssef Hamra, dernier grand rabbin à avoir quitté la Syrie dans les années 1990, après que le régime eut finalement autorisé les Juifs à émigrer en 1992. En février dernier, père et fils faisaient partie d’une délégation venue des États-Unis qui s’est rendue à Damas. Ils ont alors participé à une prière historique dans la synagogue Farang’ de la vieille ville, un événement inédit depuis plus de trente ans.

La communauté juive syrienne, présente dans la région depuis des siècles, avait été tolérée sous le règne de Hafez el-Assad, mais soumise à de sévères restrictions, notamment l’interdiction de quitter le pays. À cette époque, elle comptait environ 5 000 membres. Aujourd’hui, ils ne sont plus que quelques dizaines à vivre en Syrie, tandis que des dizaines de milliers de Juifs d’origine syrienne résident en Israël, aux États-Unis et en Europe.

Selon Mouaz Moustafa, directeur de l’organisation syro-américaine **Syrian Emergency Task Force**, son équipe a déjà identifié « des dizaines de maisons appartenant à des familles juives » qui auraient été confisquées par l’ancien régime. Ces révélations renforcent l’importance du travail que la nouvelle fondation entend mener, même si de nombreuses questions subsistent quant aux mécanismes juridiques concrets de restitution et à la sécurité à long terme des Juifs qui envisageraient un retour durable.

Si ce geste du régime syrien est accueilli avec prudence par la communauté internationale, il marque néanmoins un tournant symbolique. Il témoigne d’une tentative de réécriture de l’image de la Syrie post-Assad et d’un effort, au moins affiché, pour renouer avec une histoire plurielle longtemps niée. Reste à savoir si cette ouverture se traduira par des actes durables ou si elle restera un signal politique limité dans un pays encore profondément fragilisé.


Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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