Nouvel épisode dans le feuilleton de la guerre et de ses fractures internes : cinquante officiers et réservistes israéliens ont saisi la Cour suprême (Bagatz) pour exiger leur réintégration dans les rangs. Écartés des services de réserve pour avoir signé une pétition réclamant la restitution des otages et la fin de la guerre, ces pilotes et soutiens dénoncent une sanction « illégale » et une atteinte grave à la démocratie.
Le fameux « Michtav Hataïssim » – la lettre des pilotes – n’avait rien d’anodin. Ses signataires y affirmaient que la guerre, lancée dans le cadre de l’opération Épées de fer (חרבות ברזל), « sert aujourd’hui davantage des intérêts politiques et personnels que des objectifs sécuritaires ». Selon eux, prolonger indéfiniment le conflit ne ferait qu’entraîner la mort d’otages, de soldats de Tsahal et de civils innocents, tout en épuisant les réservistes. Une charge directe contre le gouvernement, accusé de transformer une guerre de survie en instrument de survie politique.
En représailles, environ 60 réservistes de l’armée de l’air – sur quelque 950 signataires – avaient été démis de leurs fonctions opérationnelles. Parmi eux, 15 officiers de l’aviation, du grade de commandant (רס »ן) jusqu’à général de brigade (תא »ל), engagés depuis le 7 octobre 2023. Leur exclusion a provoqué une onde de choc : peut-on réduire au silence ceux qui ont risqué leur vie, simplement parce qu’ils contestent la stratégie actuelle ?
Dans la requête déposée par l’association « Académie pour Israël démocratique » et rédigée par les avocats Giora Ardinist et Noam Hefetz (cabinet EBN), le ton est grave : « Punir des citoyens pour leurs opinions constitue une ligne rouge franchie, illégale, et une menace directe contre la liberté d’expression. » Les pétitionnaires soulignent avoir déjà interpellé le ministre de la Défense, le chef d’état-major, le commandant de l’armée de l’air et la procureure militaire, sans jamais obtenir de réponse.
Au-delà de l’aspect juridique, l’affaire cristallise un malaise plus profond. Depuis le début de la guerre, Tsahal s’efforce d’apparaître comme une armée unifiée, concentrée sur sa mission de neutraliser le Hamas. Mais cette unité se fissure lorsque des réservistes de haut rang dénoncent ce qu’ils considèrent comme une instrumentalisation politique du conflit.
Le paradoxe est cruel : ce sont justement ces pilotes, fleuron technologique et moral de l’armée israélienne, qui rappellent que la guerre doit avoir un but clair et mesurable. Or, dans une bataille où les otages restent aux mains de l’ennemi et où la victoire totale sur le Hamas paraît encore lointaine, les critiques gagnent en légitimité.
La réaction internationale, elle, est déjà palpable. Certains voient dans ces exclusions la preuve qu’Israël glisserait vers une logique autoritaire, où l’armée serait utilisée pour museler les opposants. D’autres, au contraire, rappellent que dans tout État en guerre, la discipline et l’unité sont vitales, et que les contestataires mettent en danger la cohésion nationale en offrant un spectacle de division à l’ennemi.
Donald Trump, désormais voix dominante à Washington, n’a pas manqué de souligner que la « victoire contre le Hamas exige discipline et loyauté », tout en appelant Israël à « traiter ses héros avec respect ». Une manière de rappeler que la critique interne est légitime, mais qu’elle ne doit pas affaiblir l’effort de guerre.
Au final, la Cour suprême devra trancher un dilemme qui dépasse la seule armée de l’air : jusqu’où une démocratie peut-elle tolérer la contestation en temps de guerre ? Israël, souvent accusé par ses détracteurs de militarisme, démontre ici l’inverse : même ses pilotes les plus prestigieux choisissent de se battre non seulement pour l’État juif, mais aussi pour le droit de penser autrement.
Une chose est certaine : le Hamas, qui guette la moindre fissure, verra dans cette affaire une opportunité. Mais l’histoire a montré qu’Israël, malgré ses divisions, sait transformer ses débats internes en force de résilience. Les juges du Bagatz, en rendant leur décision, devront trouver l’équilibre entre discipline militaire et démocratie vivante — l’essence même de l’État hébreu.
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