La crise diplomatique entre Israël et l’Espagne atteint un niveau inédit. Lundi 8 septembre, le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez a annoncé une série de neuf mesures destinées, selon ses mots, à « mettre un terme au génocide à Gaza ». Des déclarations qui marquent un saut qualitatif dans la rhétorique anti-israélienne du gouvernement espagnol, déjà en pointe en Europe dans la dénonciation de la guerre contre le Hamas.
Parmi ces mesures, figure la légalisation d’un embargo complet sur les armes à destination d’Israël, déjà appliqué de facto depuis octobre 2023. L’Espagne interdira désormais aux navires transportant du combustible pour Tsahal d’accoster dans ses ports, ainsi qu’aux avions transportant du matériel militaire israélien de survoler son espace aérien. À cela s’ajoute une interdiction d’entrée sur le territoire espagnol pour toute personne « participant directement au génocide », et le bannissement des produits en provenance des implantations juives de Judée-Samarie et de Gaza.
Cette radicalisation de Madrid n’est pas une surprise. Sanchez fut le premier dirigeant européen à employer le terme de « génocide » pour qualifier les opérations israéliennes. Dès mai 2024, il avait reconnu un État palestinien aux côtés de l’Irlande et de la Norvège, une décision qui avait conduit au rappel définitif de l’ambassadeur israélien à Madrid. L’Espagne apparaît ainsi comme l’épicentre d’une diplomatie européenne hostile à Jérusalem.
À Jérusalem, la riposte n’a pas tardé. Le ministre des Affaires étrangères Gideon Saar a dénoncé une « attaque antisémite et anti-israélienne ». Selon lui, « le gouvernement corrompu de Sanchez cherche à détourner l’attention de ses propres scandales par une surenchère anti-israélienne ». Et d’ajouter, non sans ironie : « Si l’Espagne et la France sont si enthousiastes à créer un État palestinien, qu’elles le fassent sur leurs vastes territoires. Nous, nous ne compromettrons jamais la sécurité d’Israël avec des frontières indéfendables. »
La passe d’armes s’est encore durcie après qu’Israël a interdit l’entrée sur son sol à deux ministres espagnoles issues de la gauche radicale Sumar : Yolanda Díaz (Travail) et Sira Rego (Jeunesse et Enfance), cette dernière étant d’origine palestinienne et connue pour ses positions violemment hostiles à Israël. Madrid a dénoncé « une décision inacceptable », convoqué son ambassadrice à Tel-Aviv et rejeté avec virulence les accusations d’antisémitisme.
Le timing a ajouté à la gravité du climat : quelques heures à peine avant ces annonces, un attentat meurtrier frappait Jérusalem-Est. Six Israéliens ont été tués à l’arme automatique par des terroristes venus des territoires palestiniens. « Chaque territoire que nous quittons devient immédiatement une base terroriste », a martelé Gideon Saar, soulignant que l’attaque était l’illustration concrète du danger.
En Espagne, la ligne de Pedro Sanchez trouve un large écho dans l’opinion, particulièrement à gauche. La cause palestinienne bénéficie depuis des décennies d’un soutien massif, qui s’est encore accentué avec la guerre à Gaza. De grandes manifestations pro-palestiniennes ont accompagné l’été, perturbant même la Vuelta, le Tour cycliste d’Espagne, en ciblant notamment l’équipe Israel-Premier Tech.
Mais ce virage place Madrid en décalage avec d’autres capitales européennes, Berlin et Budapest en tête, qui bloquent toute tentative de sanction commune contre Israël au niveau de l’UE. Reste que la rupture bilatérale semble désormais consommée : jamais depuis l’établissement des relations diplomatiques, en 1986, Israël et l’Espagne n’avaient été si proches d’un affrontement frontal.
La crise Sanchez révèle une évolution profonde : le conflit israélo-palestinien n’est plus seulement un dossier du Moyen-Orient, mais un champ de bataille idéologique et diplomatique au cœur de l’Europe. Et pour Israël, chaque mot employé – « génocide » en particulier – ne relève pas seulement du vocabulaire politique : il prépare le terrain à une délégitimation systématique de son droit à exister et à se défendre.
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