LETTRE D’UN JUIF INFIDÈLE À LA SHKHRINA! – Par YĂ©h’ezkel Ben Avraham


(Autobiographie d’un guùr devenu yorùd)

 

Un jour, je suis allĂ© dans Ton moshav (1)et j’y ai dĂ©couvert l’esquisse du bonheur. Tu Ă©tais lĂ , restant gĂ©nĂ©ralement cachĂ©e, mais veillant au bonheur de chacun des membres qui y vivaient. C’est dans cette pĂ©riode que je T’ai entrevue, Toi qui avais créé ce coin de paradis, toute resplendissante de lumiĂšre, de justice mais aussi de bontĂ©. Ton souvenir m’a bientĂŽt hantĂ© et je n’ai eu de cesse que de Te revoir, d’avoir le droit de faire partie intĂ©grante de Ta communautĂ©. Je suis parti Te rejoindre, quittant ma famille, mes amis, mes biens. Trois longues annĂ©es d’attente et d’apprentissage avant d’ĂȘtre pleinement acceptĂ© par Toi!

 

Ah! J’étais heureux, me promettais de suivre tous Tes conseils (2), de m’intĂ©grer parfaitement dans la vie communautaire. Le fait que certains de Tes voisins voulaient voler Tes terres, nous en expulser, ne m’effrayait pas: j’étais prĂȘt, pour l’amour de Toi, Ă  exposer – s’il le fallait – ma vie! Les autres m’acceptaient mais, en tant que «petit nouveau», ne me gardaient aux repas que la portion congrue. Oh! Ils n’étaient pas mĂ©chants, c’était juste le «chacun pour soi»! Moi, je ne demandais pas grand-chose, juste de quoi manger Ă  ma faim. Les autres membres de la communautĂ© avaient beau me dire que la nourriture de l’esprit vaut bien celle du corps, j’étais privĂ© des deux car, pour me sustenter spirituellement, j’aurais dĂ» avoir l’accĂšs Ă  tous ces livres qui – pour moi – n’étaient que grimoires rĂ©digĂ©s dans une langue sacrĂ©e dont je ne possĂ©dais que les rudiments. Eux, ils pouvaient jongler avec elle, en dĂ©couvrir les sens cachĂ©s, en extraire la substantifique moelle
 mais aucun ne venait vers moi pour me proposer de partager leur savoir. (J’aurais dĂ» le leur demander, mais j’étais trop fier pour cela!) Bien sĂ»r, comme toujours dans un groupe de gens vivant en commun, il y avait quelques disputes: certains ne reconnaissaient pas Ton autoritĂ©, d’autres voulaient vendre une partie des terres, d’autres encore s’abouchaient avec les ennemis du moshav; d’un autre cĂŽtĂ©, il y avait ceux qui – sans Te contester – renĂąclaient sur Tes directives, ceux qui – manquant de souplesse – insistaient pour que chacun les suive au-delĂ  de Tes dĂ©sirs. L’un dans l’autre, on s’entendait pourtant parfaitement!

 
Un jour, je me suis aperçu que mon Ă©cuelle Ă©tait vide
 parce que certains Ă©goĂŻstes l’avaient ajoutĂ©e Ă  leur repas. Toi, voulant Ă©prouver mon amour, Tu n’es pas intervenue et moi, encore tout aux souvenirs du fleshpot que j’avais goĂ»tĂ© jadis dans ma famille, j’ai craquĂ©! Te clamer mon amour, amaigri et couvert de guenilles, me paraissait peu seyant au respect qui T’était dĂ»: je voulais paraĂźtre devant Toi en pleine forme, dans de beaux habits de lumiĂšre afin de Te faire honneur. Je suis alors reparti sur les routes de France et de Navarre pour faire fortune, espĂ©rant revenir dĂ©poser mes trĂ©sors Ă  Tes pieds, en faire profiter les autres et ne plus dĂ©pendre de personne. J’avais dans ma besace une photo de Toi (3), me promettais de suivre tous Tes conseils, de ne jamais T’oublier, de T’écrire (4)chaque jour.

 

Las! Loin de Toi, mes lettres se sont espacĂ©es, Tes conseils ont fui mon esprit prĂ©occupĂ© par la soif d’argent. Mes nouveaux amis, auxquels je vantais Tes qualitĂ©s, ne Te connaissaient pas et – en m’écoutant – se disaient «Pauvre vieux! Un amour platonique Ă  des milliers de lieues » Mais, moi, sĂ»r que Tu ne m’avais pas oubliĂ©, que Tu me pardonnerais, je T’écrivais encore de temps en temps (HĂ©las! Pas assez souvent.), trempant ma plume dans les larmes de mon exil. Parmi les gens que je rencontrais, il existait aussi des anciens du moshav et d’autres personnes ayant eu vent de Toi: certains ne voulaient plus vivre lĂ -bas, d’autres – en T’écrivant chaque jour – attendaient patiemment que Tu les appelles ou prĂ©tendaient mĂȘme que Tu ne vivais plus lĂ -bas
 Ils s’étaient forgĂ©s leur petite vie, une vie dont je me sentais aussi Ă©loignĂ© que la distance qui me sĂ©parait de Toi!

 

Un jour, j’ai appris que certains membres de la communautĂ© – ceux en qui j’avais le plus confiance (6)  – avaient vendus une partie du moshav en Ă©change de quelques fruits illusoires et, toujours aussi pauvre, je suis accouru dĂ©fendre Ton bien que les voisins grignotaient. J’ai pris un fusil, courant de-ci, courant de-lĂ , pour surveiller le terrain. Agissant sous Ta houlette, j’étais Ă  nouveau heureux mais les gens qui m’entouraient avaient changĂ©s, encore plus Ă©goĂŻstes et – pour la plupart – contestant mĂȘme Tes dĂ©cisions
 et, quand j’ai trouvĂ© mon assiette une fois de plus vide, je suis reparti!

 

Me revoilĂ , veaux, vaches, cochons, couvĂ©es! Et qu’importe si le suidĂ© n’est pas kosher, si Tu le dĂ©conseilles! Je suis sĂ»r que, fortune faite et revenant comme l’enfant prodigue de l’histoire, Tu me comprendras, Tu me pardonneras cette petite entorse et mes infidĂ©litĂ©s.

 

Et puis
 Et puis voilĂ  que j’apprends que certains ont promis les trois-quarts de Tes terres (7), ont permis Ă  des nomades (8) de s’installer dessus. Je reviens en catastrophe mais on me signifie qu’il s’agit de la dĂ©cision de la majoritĂ© et que Tu n’as plus qu’à T’incliner. Je tempĂȘte, je crie, les traite de voleurs
 mais celui qui T’avait trahie se meurt et tous accusent mon amour pour Toi d’ĂȘtre le responsable de son trĂ©pas! On me dit que j’ai dĂ©formĂ© Ta pensĂ©e, que Tu es «pacifiste», que je T’ai mal comprise, que l’amour que je Te porte n’est que perversion. Je veux puiser ma force dans les grimoires, y trouver les preuves que cet amour est la VĂ©rité  et je m’aperçois que, Ă  force de courir aprĂšs les trĂ©sors illusoires, j’ai oubliĂ© d’apprendre la langue qui me permettrait de comprendre Tes volontĂ©s.

 
Adieu donc, Toi que j’aime toujours, Toi que je sens si proche mais qu’on m’affirme si Ă©loignĂ©e! RejetĂ© dans l’exil, je referai ma vie, je T’oublierai
ou, tout au moins, oublierai Tes serviteurs. A certaines dates, comme pour commĂ©morer un yahrzeit, je cĂ©lĂ©brerai de temps Ă  autres les fĂȘtes que Tu avais instaurĂ©es pour Ta communautĂ©. Quand le blues sera trop fort, je T’écrirai ou je me replongerai dans ces livres savants qui analysent – en français – la façon dont Tu diriges encore la communautĂ©.

 


Mais non! Je sais que Tu m’aimes toujours, que c’est moi qui avais raison, que Tu as Ă©tĂ© trahie, que Ton moshav mĂ©rite d’ĂȘtre dĂ©fendu, que Tu attends que j’y revienne, que d’autres membres qui ont confiance en Toi y ont besoin de renfort! J’y reviens, en effet
 juste un passage Ă©clair pour rĂ©sister passivement Ă  un nouveau dĂ©membrement de Ton lopin de terre, effectuĂ© cette fois par l’un de Tes administrateurs que l’on disait des plus fidĂšles Ă  l’intĂ©gritĂ© de Ton bien (9). Des frĂšres, sous l’uniforme de tes armĂ©es, nous en ont arrachĂ© et des bulldozers y ont ensuite Ă©crasĂ© des milliers de mezouzoth
 J’en pleure encore aujourd’hui! Retour, dĂ©sespĂ©rĂ©, aux bords des fleuves de Babylone oĂč, fatiguĂ©, je me suis assis.A presque 60 ans, je n’ai plus le courage. Et pourtant


 

Pourtant, je T’aime Hachem, je T’aime et mon cƓur saigne d’ĂȘtre si Ă©loignĂ© de Toi, de la terre oĂč Ta prĂ©sence demeure. Permets-moi, donne-moi la force – Oh, oui! «Donne moi la force»! – de me dĂ©tacher de mes liens galouthiques et de revenir contempler Ta prĂ©sence, Te servir, sur la terre d’IsraĂ«l!

 

Par YĂ©h’ezkel Ben Avraham pour Alyaexpress-News.

 

(1)     Allusion à Eretz Israël.

(2)     Métaphore pour les Mitzvoth.

(3)     Métaphore pour une certaine connaissance de la Torah.

(4)     Métaphore pour «Prier».

(5)     MĂ©nah’em Begin et le Likoud.

(6)     Les «Accords de Camp David» qui ont consacrĂ© l’abandon de Yamit et du SinaĂŻ.

(7)     Les «Accords d’Oslo».

(8)     Les dits «Palestiniens», un non-peuple (textuellement en hĂ©breu lo-am – Dvarim XXXII,21).

(9)     DémantÚlement du Goush Katif par Sharon.


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