L’Ă©vĂȘque qui est passĂ© d’IsraĂ«l au Liban, avec une valise contenant des centaines de milliers de dollars

Juste Ă  minuit traversant Rosh Hanikra depuis Haifa vers le Liban, l’évĂȘque Musa Al-Haj a Ă©tĂ© appelĂ© par la sĂ©curitĂ©. Il s’est vu prĂ©senter un mandat d’interrogatoire dĂ©livrĂ© par un juge militaire Ă  Beyrouth. Pendant de nombreuses heures, il a Ă©tĂ© interrogĂ© sur les buts de sa visite cette fois et sur la somme considĂ©rable d’argent et de mĂ©dicaments qu’il transportait . Pendant des annĂ©es, al-Hajj a traversĂ© ce passage sans interruption. C’est un citoyen libanais, membre du Patriarcat maronite avec son centre au Liban, qui lui sert de reprĂ©sentant en IsraĂ«l, ou comme il est appelĂ© par eux, le « District de HaĂŻfa et la Terre Sainte ». Toutes les quelques semaines, il quitte HaĂŻfa et retourne au nord de sa patrie. Il rend visite aux membres de sa famille Ă  Beyrouth et participe Ă  la rĂ©union rĂ©gionale des Ă©vĂȘques de l’église.

Cette fois aussi, il partit Ă  ces fins, mais dans sa valise il emportait 460 000 dollars, argent de donation pour les nĂ©cessiteux, collectĂ©s Ă  parts Ă©gales par les Druzes et les Maronites en IsraĂ«l pour leurs frĂšres Ă  travers le Liban. L’évĂȘque a mĂȘme emportĂ© avec lui des mĂ©dicaments d’IsraĂ«l contre le cancer, le diabĂšte et des maladies graves. Ils sont destinĂ©s Ă  certains patients selon une liste.
Pendant au moins huit heures, le haut dignitaire religieux a Ă©tĂ© dĂ©tenu au point de passage frontalier du cĂŽtĂ© libanais. Il a Ă©tĂ© interrogĂ© sur les sources de l’argent, ses plans pour cette visite et ses relations avec des officiers de Tsahal qui sont membres de sa communautĂ© maronite. La grande quantitĂ© d’argent et de mĂ©dicaments a Ă©tĂ© confisquĂ©e et confiĂ©e au tribunal militaire. Il a Ă©galement Ă©tĂ© privĂ© de son tĂ©lĂ©phone et de son passeport libanais.

BientĂŽt, Musa al-Haj voudra retourner Ă  HaĂŻfa, puis le tribunal de Beyrouth et devra dĂ©cider comment traiter pour rĂ©cupĂ©rer l’argent et les mĂ©dicaments confisquĂ©s. Cette affaire a des aspects politiques, sectaires, humanitaires et juridiques, et elle bĂ©nĂ©ficie d’une large couverture dans la presse libanaise. L’Église maronite opĂšre sous les auspices du Vatican et l’évĂȘque est porteur d’un passeport diplomatique au nom du Saint-SiĂšge. Ce fait en soi peut le protĂ©ger des forces de l’ordre Ă  Beyrouth, mais il est douteux que quiconque veuille vraiment le poursuivre. Le but principal de son arrestation Ă©tait de le discrĂ©diter et de dĂ©livrer un message dur Ă  ses expĂ©diteurs.

Cet objectif a Ă©tĂ© reprĂ©sentĂ© dans leurs paroles par deux dirigeants libanais. L’un est le chef du conseil religieux de la communautĂ© druze, le cheikh Sami Abi al-Muna. Il a attaquĂ© la tentative de l’évĂȘque de faire venir de l’argent « de la Palestine occupĂ©e », affirmant qu’il s’agissait de l’expression d’un contact avec un pays ennemi. AprĂšs lui, Hassan Nasrallah a Ă©galement commentĂ© l’affaire. « Le Hezbollah et moi avons entendu parler de l’affaire comme tous les Libanais, nous n’y sommes pour rien », a dĂ©clarĂ© Nasrallah cette semaine dans une interview tĂ©lĂ©visĂ©e, reprenant les propos de son prĂ©dĂ©cesseur – « transfĂ©rer de l’argent de la Palestine occupĂ©e au Liban est un acte contre la loi, quelle qu’en soit la raison. »

Tous deux ensemble et chacun sĂ©parĂ©ment ont tentĂ© de jeter les soupçons sur l’évĂȘque. L’un a laissĂ© entendre qu’il devrait ĂȘtre poursuivi pour utilisation illĂ©gale de sommes d’argent, et l’autre – que sa place dans le banc des accusĂ©s est due Ă  ses contacts avec IsraĂ«l. Pour le Hezbollah, cette affaire est particuliĂšrement opportune. Le capital que l’évĂȘque emportait avec lui et son arrivĂ©e mĂȘme d’IsraĂ«l sont de bons moyens pour le faire passer comme un ennemi de l’État.

La politique sous les auspices de la croix

L’Église maronite n’est pas seulement une institution spirituelle, mais aussi une direction politique au sens plein du terme. ParrainĂ© par la croix. Son chef, le patriarche Bashara al-Ra’i, critique souvent le Hezbollah et son indĂ©pendance militaire, et affirme que l’influence iranienne nuit au Liban. Rai est bien un maronite, mais il sert de bouche et de mur Ă  tous les chrĂ©tiens du Liban, et est en fait considĂ©rĂ© comme la personnalitĂ© chrĂ©tienne la plus ancienne du Moyen-Orient. Il y a huit ans, il a mĂȘme rendu visite Ă  ses partisans en IsraĂ«l. Ce fut une visite trĂšs mĂ©diatisĂ©e et une Ă©tape courageuse et de grande envergure pour une haute personnalitĂ© libanaise.

Rai a visitĂ© toutes les Ă©glises maronites ici et est retournĂ© au Liban satisfait et respectĂ©, alors qu’il mĂ©prisait la protestation de Nasrallah et de ses fonctionnaires. Il y a trois mois, son haut reprĂ©sentant, Mgr Salim Mazloum, participait Ă  une confĂ©rence sur l’avenir du Liban, initiĂ©e par des personnalitĂ©s de toutes confessions, animĂ©es par des militants politiques de la communautĂ© chrĂ©tienne. Lors de la confĂ©rence, des voix voyaient d’un bon Ɠil le renouveau des relations avec IsraĂ«l.

On ne sait pas si Nasrallah Ă©tait au courant Ă  l’avance de l’enquĂȘte du reprĂ©sentant du patriarche, l’évĂȘque Haifai Al-Haj. Il est possible qu’il ait non seulement su, mais qu’il ait Ă©galement exigĂ© de l’exĂ©cuter, mĂȘme s’il a affirmĂ© en avoir entendu parler pour la premiĂšre fois dans les mĂ©dias. AprĂšs tout, le mandat d’arrĂȘt a Ă©tĂ© Ă©mis par un juge militaire Ă  Beyrouth. Nasrallah, contrairement Ă  l’image qu’on lui crĂ©e dans les pays de la rĂ©gion, sait mentir mĂȘme sans sourciller et trompe souvent ses auditeurs sans mĂȘme qu’ils s’en aperçoivent.

Son public n’est pas seulement ses ennemis de l’extĂ©rieur ou ses rivaux Ă  la maison, mais parfois mĂȘme ses partisans. Ce n’est pas un mensonge pathologique, mais un moyen de survie. Il ne pratique pas de cette maniĂšre parce que les rĂšgles de la Halacha permettent au croyant chiite de faire semblant ou de cacher la vĂ©ritĂ© afin d’éloigner le danger de lui (la permission bien connue de « taqiyya »). Il ment parce qu’il est politicien, pour rĂ©aliser quelque chose, ou pour prĂ©server l’existant.

Les anciens du Mont Liban
Au Liban, un discours nouveau-ancien sur la politique Ă  adopter vis-Ă -vis d’IsraĂ«l a rĂ©cemment Ă©tĂ© renouvelĂ©. Il a Ă©tĂ© rĂ©veillĂ© par la faillite que traverse le pays, ce qui a forcĂ© beaucoup de gens Ă  sortir des sentiers battus et Ă  enquĂȘter sur la façon dont ils en sont arrivĂ©s lĂ . Rares sont ceux qui appellent l’enfant par son nom, ses contacts avec IsraĂ«l, et prĂ©fĂšrent l’ancien mot de code « Hiyad », qui signifie neutralitĂ© en arabe. Cette idĂ©e Ă©tait trĂšs populaire au Liban au dĂ©but de la guerre froide. En hĂ©breu, il Ă©tait d’usage d’appeler les pays qui adoptaient cette ligne « non identifiants ».

Les anciens du Mont-Liban se souviennent encore que dans ses premiĂšres annĂ©es, aprĂšs la fin du mandat français, Beyrouth fut le premier des États arabes Ă  prĂȘcher la neutralitĂ© dans la lutte acharnĂ©e entre l’Union soviĂ©tique et l’Occident. Cette neutralitĂ©, Ă  ses dĂ©buts, n’appelait pas une position passive. Ils espĂ©raient avec son aide agir comme mĂ©diateurs et conciliateurs entre les autres.

L’expression prend alors un sens nouveau, plus rĂ©cent. La place de l’Occident est occupĂ©e par IsraĂ«l et ses amis, et le camp adverse est TĂ©hĂ©ran. L’ours russe a Ă©tĂ© remplacĂ© par l’influence iranienne. Les partisans de la neutralitĂ© se demandent, n’est-il pas temps pour le Liban de cesser de faire partie de l’axe irano-syrien et d’adopter une position plus neutre. Ou en d’autres termes, moins anti-IsraĂ«l et plus occidental. L’objectif n’est pas de se rapprocher d’IsraĂ«l. Ce n’est qu’un des moyens.

Le but ultime est de sortir le Liban de la boue, et cela fait partie du discours sur les solutions possibles Ă  la disgrĂące Ă©conomique. « La neutralité », a expliquĂ© Mgr Mazloum lors de la mĂȘme confĂ©rence, « est le dĂ©but d’une vaste et complĂšte opĂ©ration de sauvetage du Liban ». Il a laissĂ© entendre que si le Liban continue de se ranger du cĂŽtĂ© de l’Iran, il ne recevra pas d’aide internationale dans sa crise aiguĂ«. « Chaque fois que les Libanais s’éloignent de l’idĂ©e de neutralitĂ©, ils mettent leur patrie en danger. »

Nasrallah sait que ces idĂ©es doivent ĂȘtre tuĂ©es mĂȘme si elles sont petites. Sous les auspices de la situation Ă©conomique prĂ©caire, des opposants peuvent surgir qui proposeront des idĂ©es diffĂ©rentes, comme adopter une ligne neutre dans la lutte rĂ©gionale. L’un d’eux, Nasrallah le sait bien, est le patriarche maronite Ă  part entiĂšre.

L’écrivain est le commentateur des affaires arabes de Gali Tsahal


RĂ©daction francophone Infos Israel News pour l’actualitĂ© israĂ©lienne
© 2025 – Tous droits rĂ©servĂ©s