
Un nouvel affrontement politique sâest ouvert Ă JĂ©rusalem aprĂšs les accusations explosives dâAvigdor Liberman. Le prĂ©sident dâIsraĂ«l Beiteinou affirme que Benyamin Netanyahou aurait promis aux AmĂ©ricains de libĂ©rer des terroristes retranchĂ©s Ă Rafah sans consulter ni le cabinet ni les services de sĂ©curitĂ©. Le bureau du Premier ministre dĂ©ment catĂ©goriquement.
La scĂšne politique israĂ©lienne sâembrase Ă nouveau. Mardi matin, le chef du parti IsraĂ«l Beiteinou, Avigdor Liberman, a affirmĂ© que le Premier ministre Benyamin Netanyahou sâĂ©tait engagĂ© « sans aucune concertation » auprĂšs des AmĂ©ricains Ă autoriser la sortie de terroristes palestiniens piĂ©gĂ©s dans les tunnels de Rafah, au sud de la bande de Gaza.
Selon Liberman, cette promesse aurait Ă©tĂ© formulĂ©e lors dâune conversation entre Netanyahou et Jared Kushner, le gendre du prĂ©sident amĂ©ricain Donald Trump, aujourdâhui en charge du suivi des nĂ©gociations israĂ©lo-palestiniennes sous la nouvelle administration.
Une discussion tendue avec Kushner
DâaprĂšs les informations diffusĂ©es par IsraĂ«l Hayom et confirmĂ©es par des sources proches de Liberman, lâentretien entre Netanyahou et Kushner aurait principalement portĂ© sur lâavenir de Gaza et sur la phase postĂ©rieure Ă la guerre actuelle.
Les Ătats-Unis souhaiteraient relancer un processus politique fondĂ© sur « un redĂ©ploiement coordonnĂ© » de Tsahal et sur une « stabilisation graduelle » de la zone, incluant lâĂ©vacuation des poches de combattants du Hamas et du Jihad islamique toujours retranchĂ©es Ă Rafah.
Le plan amĂ©ricain, relayĂ© par Kushner, comporterait plusieurs pistes, dont la possibilitĂ© dâautoriser les terroristes encerclĂ©s Ă quitter les tunnels sans leurs armes, en direction des zones sous contrĂŽle du Hamas, afin dâĂ©viter un bain de sang et de faciliter lâaccĂšs humanitaire au sud de Gaza.
Une proposition que Liberman qualifie de « capitulation morale et stratégique ».
« Une folie absolue »
Le ton du prĂ©sident dâIsraĂ«l Beiteinou a Ă©tĂ© sans appel :
« Câest une folie absolue. On ne nĂ©gocie pas avec des assassins. Les terroristes assoiffĂ©s de sang nâont que deux options : la reddition et la prison, ou la mort. Toute autre option, câest une trahison pure et simple. »
Selon lui, Netanyahou aurait donné son feu vert de maniÚre unilatérale, sans consulter ni le cabinet de sécurité ni les chefs militaires.
« Nous sommes dans un systĂšme oĂč les dĂ©cisions vitales pour la sĂ©curitĂ© nationale sont prises comme si elles concernaient une question de protocole diplomatique. Câest irresponsable et dangereux. »
Cette sortie fracassante, qui intervient Ă la veille dâune rĂ©union du Conseil national de sĂ©curitĂ©, sâinscrit dans un climat de tensions croissantes entre Liberman et Netanyahou, pourtant anciens alliĂ©s politiques.
Le bureau du Premier ministre : « Une accusation mensongÚre »
Quelques heures aprÚs la déclaration de Liberman, le bureau du Premier ministre a publié un communiqué sec, niant catégoriquement toute promesse américaine :
« Les allĂ©gations selon lesquelles le Premier ministre aurait acceptĂ© la libĂ©ration de terroristes depuis Rafah sont totalement fausses. Il nâexiste aucun accord ni aucune discussion de ce type. Aucune dĂ©cision nâa Ă©tĂ© prise concernant le sort des terroristes retranchĂ©s dans le sud de la bande de Gaza. »
Lâentourage de Netanyahou affirme que la position israĂ©lienne reste inchangĂ©e : aucune clĂ©mence ne sera accordĂ©e aux membres du Hamas ou des autres organisations armĂ©es, et la neutralisation totale des infrastructures terroristes de Rafah demeure un objectif prioritaire de Tsahal.
Le spectre du précédent de 2011
Les accusations de Liberman ravivent un traumatisme politique encore vif : celui de lâĂ©change Gilad Shalit de 2011, au cours duquel IsraĂ«l avait libĂ©rĂ© 1 027 prisonniers palestiniens, dont plusieurs dirigeants du Hamas, en contrepartie de la libĂ©ration du soldat franco-israĂ©lien enlevĂ© en 2006.
Une partie de ces ex-dĂ©tenus est depuis revenue Ă des postes de commandement au sein du Hamas, et certains ont mĂȘme Ă©tĂ© directement impliquĂ©s dans les attaques du 7 octobre.
Ce souvenir douloureux alimente la colĂšre de la droite israĂ©lienne, qui redoute quâune nouvelle concession â mĂȘme limitĂ©e â soit perçue comme une faiblesse.
Pour Liberman, lâidĂ©e mĂȘme dâun « couloir de sortie » pour des terroristes constitue un retour au schĂ©ma des Ă©changes qui ont affaibli la dissuasion israĂ©lienne :
« On a vu ce que ces compromis ont produit : du sang et des massacres. Aucun Ătat au monde ne se maintient en relĂąchant ses ennemis. »
Entre diplomatie américaine et politique intérieure
Du cĂŽtĂ© de Washington, la Maison-Blanche se garde bien de commenter directement. Un porte-parole du dĂ©partement dâĂtat a simplement rappelĂ© que les discussions avec IsraĂ«l portent sur la stabilisation humanitaire et la prĂ©vention dâun effondrement total de Gaza, mais sans Ă©voquer de mesures spĂ©cifiques concernant les prisonniers.
En Israël, cette controverse survient alors que Netanyahou tente de consolider sa coalition aprÚs plusieurs semaines de critiques internes sur sa gestion de la guerre et sur ses relations tendues avec le ministre de la Défense Yoav Katz et les chefs militaires.
Lâancien ministre des Finances Liberman, dĂ©sormais figure de lâopposition, en profite pour se repositionner comme la voix dâune droite « patriote et pragmatique », opposĂ©e selon lui aux « manĆuvres politiciennes dâun Premier ministre accrochĂ© Ă son siĂšge ».
Une fracture entre sécurité et communication
Au-delĂ du duel personnel, cette affaire illustre une crise de confiance structurelle entre la classe politique et lâappareil sĂ©curitaire.
Selon des sources proches de Tsahal citĂ©es par Channel 14, aucune instruction opĂ©rationnelle nâa Ă©tĂ© transmise sur une Ă©vacuation Ă©ventuelle des tunnels de Rafah. Les commandants sur le terrain confirment que les opĂ©rations de neutralisation se poursuivent, notamment autour des quartiers de Tel Sultan et Al-Shaboura.
Un officier de réserve, interrogé anonymement, confie :
« Nous avons perdu trop dâhommes pour que ces terroristes puissent simplement sortir et retourner dans les zones du Hamas. Ce serait incomprĂ©hensible pour nos soldats et pour les familles des otages. »
Ce tĂ©moignage reflĂšte lâĂ©tat dâesprit gĂ©nĂ©ral dans lâarmĂ©e : une dĂ©termination absolue Ă achever la mission et une mĂ©fiance croissante envers les signaux politiques envoyĂ©s depuis JĂ©rusalem.
Le poids de Washington et la ligne rouge israélienne
Depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche en janvier, la coordination stratégique entre Washington et Jérusalem a repris un rythme intense.
Trump souhaite, selon ses proches, « stabiliser le front sud » et prĂ©parer un cadre rĂ©gional de sĂ©curitĂ© incluant lâĂgypte, IsraĂ«l et les Ătats du Golfe.
Mais dans ce cadre, certains diplomates américains envisagent des gestes humanitaires envers les « combattants non dangereux », une approche jugée inacceptable à Jérusalem.
Israël a déjà opposé une fin de non-recevoir à toute demande de cessez-le-feu unilatéral ou de passage sécurisé pour les miliciens retranchés.
Une source du cabinet de sécurité confie :
« Le Premier ministre sait que ce genre de dĂ©cision, sâil la prenait, serait politiquement suicidaire. Et militairement, câest tout simplement impossible. »
Un climat politique empoisonné
Cette polĂ©mique survient alors que le gouvernement affronte des vents contraires : la montĂ©e des tensions avec le Hezbollah au nord, le dĂ©bat sur la peine de mort pour les terroristes (voir notre article ici), et la pression internationale pour relancer des pourparlers post-guerre avec le Qatar et les Ătats-Unis.
Pour beaucoup dâobservateurs, les dĂ©clarations de Liberman participent dâune stratĂ©gie de harcĂšlement politique visant Ă affaiblir Netanyahou de lâintĂ©rieur tout en le forçant Ă adopter une ligne plus dure pour ne pas perdre sa base Ă©lectorale.
Mais cette bataille de mots rĂ©vĂšle aussi une inquiĂ©tude plus profonde : la peur dâun relĂąchement face Ă un ennemi qui ne dĂ©sarme pas.
La ligne rouge israélienne
Ă JĂ©rusalem comme Ă Rafah, le message semble clair : IsraĂ«l nâentend pas reproduire les erreurs du passĂ©.
Si les propos de Liberman restent Ă ce stade non confirmĂ©s, ils ont suffi Ă rappeler que la sĂ©curitĂ© nationale ne se nĂ©gocie pas dans lâombre des tunnels.
Lâopinion publique, encore marquĂ©e par la tragĂ©die du 7 octobre, ne tolĂ©rera plus la moindre ambiguĂŻtĂ© entre diplomatie et faiblesse.
Et mĂȘme si la vĂ©ritĂ© de cette conversation reste confinĂ©e aux bureaux du pouvoir, une chose est sĂ»re : dans le sud de Gaza, la guerre ne se terminera pas autour dâune table, mais dans les profondeurs oĂč IsraĂ«l a jurĂ© de ne plus jamais cĂ©der.
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RĂ©daction francophone Infos Israel News pour lâactualitĂ© israĂ©lienne
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