Les déclarations de Mansour Abbas, chef du parti Ra’am, ont créé une onde de choc dans l’arène politique israélienne. Interrogé lors d’un entretien diffusé sur Channel 12 News, le député arabe israélien a expliqué pourquoi il refuse de s’exprimer clairement en faveur de l’élimination du Hamas, organisation responsable du massacre du 7 octobre : « Peut-être que je ne veux pas qu’on m’assassine ? Depuis le 7 octobre, j’ai donné de nombreuses interviews. J’ai condamné, j’ai exprimé ma douleur. Je donne les réponses que je peux donner, selon mes limites. »
Ses propos, qui laissent entendre une peur réelle de représailles de la part d’extrémistes islamistes, illustrent à quel point la pression intérieure sur les politiciens arabes est intense, notamment lorsqu’ils se démarquent du discours dominant dans certaines communautés.
Cet aveu inhabituel révèle une vérité souvent ignorée dans le débat public israélien : une partie des dirigeants arabes, même lorsqu’ils siègent à la Knesset, sont soumis à des menaces et intimidations provenant de cercles radicaux liés aux Frères musulmans ou à des groupes sympathisants du Hamas. Abbas, qui a déjà été critiqué violemment dans les réseaux islamistes pour sa participation à une coalition gouvernementale israélienne en 2021, rappelle implicitement que son espace de parole est contraint par un réel risque physique.
Contexte sur le mouvement Ra’am – Wikipédia :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_islamique_unifi%C3%A9_(Isra%C3%ABl)
Abbas ne s’est pas contenté d’évoquer ses craintes personnelles. Il a également accusé les responsables politiques israéliens d’alimenter une campagne visant à délégitimer son parti : « Depuis notre participation à la précédente coalition, il y a une poursuite politique contre nous. On nous accuse de soutenir le terrorisme, on prétend que nous appartenons aux Frères musulmans. L’objectif est clair : nous sortir du jeu politique. »
Ces accusations interviennent après que le Premier ministre Benjamin Netanyahu a laissé entendre que Ra’am pourrait être interdite si les États-Unis inscrivaient officiellement les Frères musulmans sur leur liste des organisations terroristes. Abbas a mis en garde contre une telle initiative, qu’il considère comme une manœuvre destinée à affaiblir la représentation politique arabe modérée en Israël.
Le chef de Ra’am a également attaqué les dirigeants de l’opposition, qu’il accuse d’hypocrisie : selon lui, ils n’ont jamais réellement considéré son parti comme un partenaire légitime, même lorsqu’ils l’ont intégré à la coalition de changement en 2021. C’est seulement après qu’il eut reçu le feu vert implicite de Netanyahu – un paradoxe historique – que Yair Lapid et Naftali Bennett avaient accepté d’inclure Ra’am dans leur gouvernement. Cette version des faits, bien connue dans les cercles politiques israéliens, révèle une autre facette du système : la difficulté des partis arabes à obtenir une véritable reconnaissance institutionnelle, même lorsqu’ils adoptent une ligne pragmatique et coopérative.
Analyse politique – Times of Israel :
https://www.timesofisrael.com
Les propos d’Abbas surviennent également dans un contexte particulièrement tendu pour la société arabe israélienne. Depuis le 7 octobre, des dizaines d’arabes israéliens ont été interrogés ou arrêtés pour apologie du terrorisme sur les réseaux sociaux. Beaucoup d’autres ont exprimé leur crainte de s’exprimer publiquement, dans un climat où la méfiance mutuelle s’est renforcée. Pour Abbas, cette situation met en lumière le malaise d’une communauté prise entre la loyauté citoyenne à l’État d’Israël et la pression des organisations islamistes régionales, en particulier du Hamas, qui cherche constamment à s’immiscer dans l’espace identitaire arabe israélien.
Contexte sur les relations entre Hamas et Arabes israéliens – BBC :
https://www.bbc.com/news
Le député a également évoqué une stratégie qu’il attribue au gouvernement : « Après que les États-Unis classeront les Frères musulmans comme organisation terroriste, ils diront que nous sommes liés à eux, puis interdiront le mouvement islamique en Israël. Ensuite, ils interdiront Ra’am pour qu’elle ne participe pas aux prochaines élections. »
Cette déclaration illustre la crainte, réelle ou instrumentalisée, que le climat politique actuel se durcisse davantage. La proximité idéologique de certains membres de la branche sud du mouvement islamique avec des réseaux islamistes étrangers a souvent été pointée du doigt, même si Ra’am, sous la direction d’Abbas, se présente comme un parti pragmatique, social, et centré sur le bien-être des citoyens arabes.
Malgré la tonalité alarmante de ses propos, Abbas a rappelé qu’il souhaitait éviter toute montée des tensions et qu’il préférait recentrer l’agenda sur les problèmes réels de la société arabe israélienne : criminalité galopante, violences internes, pauvreté, infrastructures insuffisantes. « Je ne veux pas qu’on parle de Ra’am », a-t-il insisté. « Je veux qu’on parle des problèmes de la société arabe. Le sang coule dans nos rues chaque jour. Que les responsables forment un gouvernement, même sans Ra’am, mais qu’ils s’occupent enfin de nos citoyens. »
Pour Israël, ces déclarations ne sont pas anodines. Elles soulignent que même les factions arabes modérées restent vulnérables aux pressions des extrémistes et aux campagnes de désinformation visant à les pousser vers les marges politiques. La peur exprimée par Abbas montre aussi la puissance d’intimidation du Hamas et des réseaux islamistes au-delà de Gaza et de la Judée-Samarie : leur influence menace directement la possibilité d’un partenariat politique plus stable entre Juifs et Arabes israéliens. Dans une période où Israël lutte contre un terrorisme brutal, où son armée combat pour la sécurité de ses citoyens et où le pays s’efforce de préserver son caractère démocratique, la capacité des dirigeants arabes modérés à s’exprimer librement est un enjeu stratégique.
Au-delà de ses contradictions et de son calcul politique, Mansour Abbas renvoie l’image d’un homme placé au centre d’un champ de forces contradictoires. Son refus de condamner explicitement le Hamas, même après le massacre du 7 octobre, n’envoie évidemment pas le signal souhaité par les familles des victimes et par une grande partie de la société israélienne. Mais l’aveu de peur qu’il formule — rare dans la bouche d’un responsable politique — révèle une réalité que beaucoup préfèrent ignorer : l’ombre du Hamas dépasse largement les frontières de Gaza et continue d’intimider, de menacer et d’influencer des responsables en plein cœur du système politique israélien.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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