Selon un article paru le 18 mai 2017 dans le quotidien libanais Al-Mustaqbal, organe du dirigeant de la faction portant le même nom, Saad Al-Hariri, ces dernières semaines, le Hezbollah a réorganisé ses forces en Syrie et au Liban. Le Hezbollah a retiré ses unités d’élite – y compris la division Al-Radwan[1] de Syrie et les a transférées au Sud-Liban, au sud du Litani, sur le front avec Israël. Il rapporte également que la division Al-Radwan, « équipée de matériel logistique spécial », est stationnée dans la région des fermes de Chebaa et se trouve en « état d’alerte maximale ».

L’article aborde également une annonce inattendue émise la semaine dernière par le secrétaire-général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, selon laquelle le Hezbollah devrait retirer ses forces des positions qu’il occupe ces dernières années à la frontière libano-syrienne. Selon l’article, en réalité, l’organisation n’a pas retiré ses forces de cette région, mais les maintient, ainsi que des postes militaires stratégiques et des tunnels qui mènent en Syrie. Des affirmations similaires ont été publiées dans le quotidien libanais Al-Nahar. Extraits : 

Al-Mustaqbal : Le Hezbollah a retiré ses unités d’élite de Syrie et les a redéployées au Sud-Liban ; l’unité Al-Radwan est stationnée, en état d’alerte maximale, dans la zone des fermes de Chebaa

Selon l’article paru le 18 mai 2017 dans Al-Mustaqbal : « Le Hezbollah a redéployé et renforcé ses unités [militaires en Syrie]. Des sources bien informées ont déclaré au quotidien qu’il y a plusieurs semaines, les dirigeants du Hezbollah, en coordination avec les dirigeants militaires iraniens, ont commencé à retirer les unités d’élite de l’organisation de [diverses] régions et villes en Syrie, où les activités militaires ont été interrompues… L’organisation a déplacé ces unités vers des régions militairement sensibles au Liban, et les a remplacées par des unités de commandos d’infanterie moins entraînées. »

Le quotidien a ajouté les détails suivants concernant les changements intervenus dans le déploiement du Hezbollah :

« 1. L’unité Al-Radwan, principale force spéciale du Hezbollah, ainsi que d’autres unités spéciales, ont toutes été retirées de Syrie et remplacées par une unité Badr, déployée au nord et à l’est d’Alep.

  1. L’unité Aziz a été retirée de la région de Palmyre et remplacée par l’unité Al-Qaim, jusqu’à nouvel ordre.
  2. L’unité Al-Radwan a été déployée au Sud-Liban, vers la région des fermes de Chebaa. Elle est en état d’alerte élevée et est équipée de matériel logistique spécial.
  3. L’unité Al-Jalil reste en état d’alerte maximal, avec ses commandos et leurs armes.
  4. L’unité Nassir reste en état d’alerte maximal, en tant que force de réserve du Hezbollah. Elle reçoit directement ses ordres du secrétaire-général du Hezbollah [Hassan Nasrallah] par le biais du haut-commandant militaire de l’organisation, Al-Hajj Dhu Al-Fiqar [2]»

Le quotidien a également rapporté : « Selon les informations [reçues], les dirigeants du CGRI [Corps des gardiens de la révolution islamique] ont approuvé un retrait partiel du Hezbollah de Syrie ainsi que les changements [dans le déploiement] de ses forces militaires, après une réunion à Damas entre les Iraniens et les haut-commandants de l’armée russe. Ces changements ont été approuvés pour plusieurs raisons :

  1. Les combats dans la plupart des zones et des villes sous contrôle de l’armée du régime [syrien] se sont apaisés et le régime a réussi à renforcer son contrôle sécuritaire ; en outre, l’armée russe est présente dans ces zones, aussi la présence militaire du Hezbollah n’est plus nécessaire.
  2. Le Hezbollah cherche à renforcer sa présence militaire au Sud-Liban, ainsi que dans la région frontalière qui s’étend de la Beqaa occidentale à Hasbaya et Chebaa [au sud-est du Liban], par crainte d’attaques militaires israéliennes en direction de Deraa et du Golan [syrien] ou d’une attaque surprise israélienne [contre le Liban].
  3. Le Hezbollah cherche à apaiser la pression logistique [sur ses forces] en déployant des unités d’infanterie dans certaines des zones et positions en Syrie, desquelles ses unités d’élite se sont retirées.
  4. [Le Hezbollah cherche] à permettre à sa branche militaire de concentrer ses forces et de les redéployer [afin] de se focaliser sur une [éventuelle] confrontation avec Israël. [3]»

Des quotidiens libanais : Malgré l’annonce du Hezbollah qu’il retirait ses forces de la région frontalière entre le Liban et la Syrie, il continue d’y maintenir des positions et des forces, ainsi que des tunnels atteignant la Syrie

L’article d’Al-Mustaqbal abordait également la déclaration de Hassan Nasrallah, dans son dernier discours du 11 mai 2017, selon laquelle le Hezbollah aurait décidé de retirer ses forces déployées le long du côté libanais de la frontière Liban-Syrie.[4] Les forces du Hezbollah ont été déployées dans cette région depuis plusieurs années, dans le but affirmé d’empêcher les organisations terroristes – l’EI et Jabhat Fath Al-Sham, présentes en Syrie et dans certains secteurs de la région frontalière Syrie-Liban – de s’infiltrer plus profondément au Liban. La presse libanaise a souvent fait état des préparatifs du Hezbollah en vue d’une confrontation militaire avec ces organisations, dont les combattants sont présents dans les montagnes de l’Arsal et dans la région de Ras Baalbek à l’intérieur du Liban. L’annonce faite par Nasrallah la semaine dernière du retrait des forces de son organisation de la région était par conséquent inattendue. Les quotidiens Al-Nahar et Al-Mustaqbal ont expliqué que cette annonce était la conséquence des pressions américaines sur le Liban. Au cours des récentes semaines, l’armée libanaise a intensifié son combat contre l’EI dans la région, pour l’empêcher de pénétrer au Liban. Selon les informations parues dans la presse libanaise, cela s’est réalisé en étroite collaboration avec les Etats-Unis, qui ont également envoyé au Liban deux avions chargés de munitions et d’équipements militaires pour participer à cette campagne. Les avions ont atterri sur la base aérienne de Rayak, dans la région de la Beqaa, au lieu d’utiliser l’aéroport international de Beyrouth, sans doute pour empêcher que la cargaison soit saisie par le Hezbollah, qui contrôle l’aéroport de Beyrouth.[5] Selon une information publiée le 17 mai 2017 dans Al-Nahar, les Etats-Unis ont accepté de fournir cette assistance militaire à l’armée libanaise, à condition qu’elle empêche toute présence militaire du Hezbollah dans la région frontalière – et ceci était la raison de l’annonce faite par Nasrallah du retrait de ses forces de la région. Al-Nahar a ajouté, cependant, que cette annonce « ne signifie pas que le Hezbollah n’est plus présent dans la région », et que des agents du Hezbollah en civil y demeurent, « comme au Sud-[Liban] depuis la guerre de 2006 ».[6]

L’article paru dans Al-Mustaqbal [publié le lendemain, le 18 mai] contenait des affirmations similaires. Selon lui, l’annonce de Nasrallah concernant le retrait de ses forces de la frontière syrienne « confirme les informations concernant les contacts internationaux avec le Liban destinés à obtenir le retrait de ses forces légitimes [l’armée libanaise] le long de sa frontière orientale avec la Syrie, dans le cadre d’un plan stratégique américano-russe visant à diminuer la présence de l’EI et à le couper de la partie syrienne de la frontière ».

A l’instar d’Al-Nahar, Al-Mustaqbal a également rapporté que le Hezbollah maintenait néanmoins une présence dans la région. Il a cité des sources sécuritaires affirmant que « le retrait du Hezbollah de la région montagneuse orientale n’a pas été total… [Le Hezbollah] continue de maintenir des positions et des postes dans la région montagneuse de Brital, jusqu’à Baalbek et la région de la montagne de Nahle, [positions] que les dirigeants militaires du Hezbollah considèrent comme sensibles et stratégiques pour ses besoins militaires. » Et d’ajouter qu’il s’agit de « positions fortifiées équipées de matériel de pointe et situées au-dessus de tunnels, qui s’étendraient jusqu’en Syrie et ont été construits sous la supervision d’ingénieurs militaires iraniens ».[7]

Lien vers le rapport en anglais

Notes :

[1] La division Al-Radwan, portant le nom de l’ancien chef militaire du Hezbollah Imad Mughniyeh, tué en 2008, comporte quelque 10 000 combattants des « Forces d’intervention » et des « Forces spéciales »  du Hezbollah qui sont le fer de lance de l’action militaire du Hezbollah en Syrie. Cette division a pris part à la parade militaire du Hezbollah dans le village syrien d’Al-Qusayr en novembre 2016. A ce sujet, voir Enquête et analyse de MEMRI n° 1295, The Significance, Ramifications, And Messages Of Hizbullah’s Show Of Military Force In Al-Qusayr, Syria,  3 janvier 2017 ; Dépêche spéciale de MEMRI n° 6677, Hizbullah Military Parade In Syrian Town Of Al-Qusayr: Tanks, Cannon, And Machine Guns, 14 novembre 2016.

[2] Manifestement une référence à Al-Hajj Dhu Al-Fiqar Al-Amili, commandant de la Garde nationale arabe, milice combattant en Syrie aux côtés de l’armée d’Assad.

[3] Al-Mustaqbal (Liban), 18 mai 2017.

[4] Pour le discours, voir Moqawama.org, 11 mai 2017.

[5] Alarabiya.net, 18 avril 2017; Al-Gomhouriyya (Egypte), 19 mai 2017; almayadeen.net, 25 avril 2017; Al-Arab (Londres), 26 avril 2017; Al-Quds Al-Arabi (Londres), 26 avril 2017.

[6] Al-Nahar (Liban), 17 mai, 2017.

[7] Al-Mustaqbal (Liban), 18 mai 2017.

SOURCE – MEMRI