Les déclarations récentes de l’élu du Likoud, MK Simcha Rothman Boaron, sur la chaîne Aroutz 7, ont relancé les spéculations politiques autour de l’ancien Premier ministre Naftali Bennett. Selon Boaron, si Bennett envisage réellement un retour dans l’arène politique, il devra assumer la responsabilité des dettes laissées par son précédent parti, Yamina. Une remarque qui, au-delà de la pique politique, soulève une question cruciale : Naftali Bennett est-il en train de préparer un retour ? Et si oui, sur quelles bases ?

Un retour sur le devant de la scène ?

Naftali Bennett, après avoir été Premier ministre entre 2021 et 2022 dans une coalition aussi fragile qu’historique, s’est retiré de la vie politique active à la fin de son mandat, se concentrant sur des conférences, des investissements et sa famille. Pourtant, depuis plusieurs semaines, les rumeurs d’un retour se multiplient, alimentées par des sondages internes et des mouvements d’anciens proches collaborateurs.

Boaron n’a pas nié ces rumeurs, bien au contraire : « Si Bennett veut revenir, il est le bienvenu, mais qu’il commence par régler les dettes laissées par Yamina au Trésor public et aux fournisseurs », a-t-il déclaré avec ironie, rappelant les tensions internes au sein de la droite israélienne.

Yamina : bilan et désillusion

Le parti Yamina, co-fondé par Bennett et Ayelet Shaked, avait pour ambition de représenter une droite moderne, religieuse, mais pragmatique. Pourtant, leur choix de rejoindre une coalition avec des partis de gauche, et même une formation arabe (Ra’am), a été perçu par de nombreux électeurs comme une trahison idéologique. Le parti n’a pas survécu politiquement à cette manœuvre : il s’est disloqué, et ses leaders ont quitté la scène ou rejoint d’autres formations.

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Aujourd’hui, Yamina est associé à l’instabilité, à la dette et à l’opportunisme, un héritage dont Bennett devra répondre s’il souhaite reprendre un rôle dans la politique israélienne.

Une dette politique, mais aussi financière

L’une des critiques les plus concrètes adressées à Bennett est l’état financier désastreux laissé par son ancienne formation. Selon les rapports de la commission électorale, Yamina n’a pas soldé ses engagements envers plusieurs prestataires, et des sommes importantes sont encore dues.

Pour Boaron, ces dettes sont le symbole d’une gestion irresponsable : « On ne peut pas prétendre diriger un pays si on n’est même pas capable de gérer un budget de parti », a-t-il lancé, accusant Bennett de vouloir revenir en se présentant sous un nouveau drapeau pour éviter les responsabilités de son passé.

Quel espace politique pour un retour ?

Malgré ces critiques, certains analystes estiment que Naftali Bennett dispose encore d’un capital politique, notamment parmi les électeurs du centre-droit déçus par le bloc Netanyahu mais opposés à une coalition de gauche.

Avec l’échec apparent des tentatives de Benny Gantz pour fédérer un bloc d’unité nationale, et la polarisation croissante entre les partisans du Likoud et ceux du courant protestataire, une troisième voie pragmatique pourrait séduire une partie de l’électorat. Bennett, ancien entrepreneur, religieux modéré, et militaire décoré, incarne un profil que certains trouvent encore rassurant.

Mais son retour dépendra d’un facteur déterminant : sa capacité à se réconcilier avec une base électorale qu’il a profondément blessée en 2021. Beaucoup d’Israéliens n’ont pas oublié son engagement de ne jamais s’allier à Lapid – engagement qu’il a ensuite brisé.

La droite en effervescence

Les propos de Boaron reflètent une tendance plus large dans la droite israélienne : la peur d’une fragmentation électorale, dans un moment où l’unité du camp national est jugée cruciale, notamment en raison des défis sécuritaires et diplomatiques actuels.

Le Likoud ne voit pas d’un bon œil le retour de visages qui, comme Bennett ou Gideon Sa’ar, ont quitté le navire pour créer leur propre mouvement, souvent au détriment du score global de la droite. Pour Boaron, laisser Bennett revenir sans rendre des comptes serait envoyer un message de faiblesse morale et politique.

Une stratégie de communication maîtrisée

Il faut toutefois reconnaître à Bennett un talent certain pour la communication, notamment sur les réseaux sociaux et les scènes internationales. Depuis son retrait, il a multiplié les interventions sur la cybersécurité, l’innovation et la gouvernance. Il a également été reçu dans plusieurs capitales occidentales, où son image d’ex-leader israélien modéré est encore bien perçue.

Si retour il y a, il sera soigneusement orchestré : pas de déclarations tonitruantes, mais des signaux, des rencontres en coulisse, des groupes de réflexion, et une campagne « propre » axée sur l’efficacité, la sécurité et la technologie.

Le pardon est-il possible ?

Dans la société israélienne, les électeurs peuvent être très critiques… mais aussi enclins à pardonner, à condition qu’on parle vrai. Si Bennett revient en reconnaissant ses erreurs, en soldant ses dettes (financières et symboliques), et en proposant une vision forte, il pourrait – peut-être – retrouver une place dans le jeu politique.

Mais s’il tente de contourner les critiques ou de se réinventer sans tirer les leçons du passé, son retour pourrait être plus court que prévu.

Conclusion : un message clair à un prétendant hésitant

La déclaration de Boaron n’est pas simplement une provocation. C’est un rappel politique limpide : en Israël, on ne revient pas sur la scène comme si de rien n’était. Les électeurs, les médias et les rivaux n’oublient pas. La responsabilité, l’intégrité et la mémoire comptent. Naftali Bennett, s’il veut reconstruire un projet politique, devra d’abord réconcilier parole et action, passé et futur.