L’affaire est encore compliquée par le fait qu’elle a été divulguée par la nouvelle agence iranienne Fars, qui a confirmé que Younes était le chef de l’unité de contre-espionnage du Hezbollah, principalement chargée de retrouver les agents israéliens.
Bien que le Hezbollah ait toujours été discret sur toutes les questions relatives à la sécurité, il n’a jamais hésité à produire des preuves claires qui impliquent Israël dans tout coup porté à son agent, ce qu’il n’a pas fait dans le cas présent. Il est étrange que l’agence de presse Fars soit la source de l’annonce, plutôt que le porte-parole officiel du Hezbollah, surtout qu’elle a divulgué la position et les fonctions opérationnelles de Younes, d’autant plus que ces informations exposeraient l’ensemble de son réseau et la rendraient ainsi inefficace.
En déclarant que Younes était un chasseur d’espions, le Hezbollah a déjà affirmé que le coupable ne peut être qu’un agent israélien, excluant ainsi toute chance que son assassinat puisse en effet faire partie de transactions illicites ou simplement d’une purge interne.
La première histoire officieuse à circuler était que le meurtre de Younes faisait partie d’un différend financier et que l’agresseur était quelqu’un que la victime connaissait intimement.
Cette histoire est quelque peu étayée par le fait que le coupable avait poignardé Younes avant de le tuer et qu’il avait tiré sur Younes à bout portant. Quelqu’un avec la sécurité et la formation militaire de Younes ne permettrait certainement pas à un agent israélien qu’il recherchait de l’approcher, et s’il le faisait, il ne permettrait pas à un tel agent de se faire renverser. Au départ, la rumeur disait qu’un suspect avait été appréhendé, mais il a ensuite été annoncé que Younes avait une escorte qui conduisait la camionnette et a été transporté d’urgence à l’hôpital.
Chose choquante, l’enquête n’a pas été menée par l’État libanais, mais par le Hezbollah, et donc toutes les preuves pour contrer son récit ont été commodément réquisitionnées et très certainement éliminées. Deuxièmement, Younes a été rapidement enterré deux jours plus tard dans sa ville natale de Jebchit sans permettre aux autorités de procéder à une autopsie légale approfondie qui accompagne généralement ces crimes.
La région où Younes aurait été tué est une zone que le Hezbollah protège à l’aide d’un large éventail de moyens de surveillance humains et électroniques. Ainsi, si Younes traquait effectivement un espion israélien, il aurait pu utiliser son réseau de renseignement humain qui est réparti dans le sud du Liban. De plus, quelqu’un avec la profession de Younes est souvent accompagné d’un détail de sécurité, ou du moins d’un véhicule d’escorte, surtout lorsqu’il est au travail, et si en effet il tentait de piéger un espion, il aurait certainement apporté une sauvegarde.
Il y avait des rumeurs selon lesquelles Younes avait contribué au meurtre d’Antoine Hayek, le commandant en second du tristement célèbre Amer Fakhoury, l’ancien directeur de la prison de Khiam, armée du Sud-Liban soutenue par Israël. Fakhoury a été libéré et a quitté Beyrouth pour les États-Unis le mois dernier. Hayek a été retrouvé mort dans son magasin dans le village méridional de Mieh w Mieh peu après la libération de Fakhoury, prévenant d’une éventuelle conduite du Hezbollah pour liquider ces anciens collaborateurs israéliens.
Si Younes avait effectivement été tué au combat comme le prétend le Hezbollah, il aurait été préférable de permettre au public libanais de connaître les détails de sa mort. Le Hezbollah, qui subit d’énormes pressions locales et régionales pour son indulgence excessive dans le projet expansionniste régional iranien, bénéficierait grandement de la mort de Younes et devrait saisir l’occasion pour permettre à l’État de prendre l’initiative dans l’enquête et, finalement, de réparer leur image brisée de la résistance, ou ce qu’il en reste.
Le Hezbollah a coopté l’agence d’État et a profité du fait que la crise du coronavirus a permis au groupe de manipuler les retombées de la mort de Younes. Mais le meurtre de son meilleur chasseur d’espions est un mystère de plus que le Hezbollah n’a pas encore réussi à décrire correctement.
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Makram Rabah est maître de conférences à l’Université américaine de Beyrouth, Département d’histoire. Son prochain livre Conflict on Mount Lebanon: The Druze, the Maronites and Collective Memory (Edinburgh University Press) couvre les identités collectives et la guerre civile libanaise.
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