Le Journal Le Monde a publié recemment la photo suivante, sous-titrée : » En 2001, des cabanes et des tentes appartenant à des bédouins ont été détruites par des bulldozers israéliens dans le village de Fasayel, dans la vallée du Jourdain, placée près d’une zone militaire. »
Bien entendu une telle photo avec ce sous titre insinue que les bédouins sont un peuple indigène qui est expulsé de sa terre ancestrale par le colonialisme sioniste. Est-ce vrai ? Les bédouins, comme d’autres gens du voyage, étant un peuple nomade sont-ils liés à un terrain en particulier ?
Pour répondre à ces questions, je vous invite à lire l’article suivant du Midle East Forum écrit par par Yahel Havatzelet, Ruth Kark et Seth J. Frantzman. Ils décrivent l’histoire des bédouins du Néguev à la lumière des études universitaires disponibles.
Voici l’adaptation de quelques extraits :
Falsification de l’Histoire de la Palestine
Les bédouins du Néguev sont-ils un peuple autochtone ?
L’histoire de la Terre d’Israël est double, marquée à la fois par d’incessantes vagues d’invasion et d’immigration et par une présence juive ininterrompue depuis des temps immémoriaux. Les Juifs ont toujours considéré la Terre d’Israël comme leur foyer national. Dans les temps historiques ils y ont vécu en nation souveraine. Ils y ont maintenu une présence continue, même minime, malgré les persécutions. Ils y sont retournés maintes et maintes fois après avoir été exilés. Cette relation spirituelle s’exprime à la fois dans les prières quotidiennes et dans la Déclaration d’Indépendance d’Israël.
Ces dernières années, les bédouins du Néguev, en Israël, ont commencé à revendiquer le statut de peuple autochtone, faisant valoir que, comme d’autres régimes colonialistes, Israël a annexé leur territoire, qu’il refuse d’admettre qu’il sont depuis longtemps dans leur pays natal, et qu’il les prive de leurs droits. [35 ] Ce type d’argument est celui des dirigeants arabes, exprimé dès les années 1920 : la renaissance nationale juive n’est qu’une intrusion coloniale étrangère dans le patrimoine pan-arabe.
Ces arguments sont à la fois erronés et trompeurs. Pour commencer, les bédouins ne sont nullement l’unique peuple à pouvoir prétendre au titre de « peuple premier » de Palestine : les attaches des Juifs à cette terre précèdent la présence arabe par des millénaires. En effet, des innombrables groupes qui ont vécu en Palestine depuis l’Antiquité, les Juifs sont la seule nation qui puisse se réclamer d’une présence ininterrompue sur le terrain depuis les temps bibliques à nos jours. De plus, ils y ont été souverains pendant une période assez longue alors que les Arabes ne l’ont jamais été.
… Jusqu’au XXe siècle, les bédouins du Moyen-Orient, ceux du Néguev compris, étaient des éleveurs nomades ; leurs déplacements étaient dictés par la recherche constante de pâturages et d’eau. [43] Depuis longtemps il a été observé que ce qui caractérise les bédouins est leur lien tribal, plutôt qu’un quelconque lien territorial. [44]
La plupart des tribus bédouines qui vivent aujourd’hui dans le Néguev se considèrent comme des descendants de tribus nomades de la péninsule arabique. [45] En fait, la plupart d’entre eux sont arrivés des déserts de l’Arabie, de la Transjordanie, du Sinaï et de l’Égypte assez récemment, vers la fin du XVIIIe et pendant le XIXe siècle. [46]
Une partie de cette migration a eu lieu dans le sillage de l’invasion napoléonienne de l’Égypte et de la Palestine en 1798-1799 et suite à la domination égyptienne sous le règne de Muhammad Ali et de son fils Ibrahim Pacha (1831-1841). Pendant cette période, les forces égyptiennes du Sinaï se déplacaient à travers et dans le Néguev par la route côtière qui traverse Rafah. Cette armée était accompagnée par des nombreux auxilaires : paysans et bédouins. Quelques-uns des paysans égyptiens qui ont suivi les traces de l’armée ont fondé en Palestine de nouvelles colonies et quartiers, d’autres ont rejoint dans le Néguev les tribus bédouines . [47]
Les registres de l’impôt ottoman démontrent que les tribus qui vivaient dans le Néguev en 1596-1597 ne sont pas ceux qui y résident aujourd’hui. [48]
Selon les historiens Wolf-Dieter Hütteroth et Kamal Abdulfattah, dans les registres fiscaux sont mentionnés les noms de quarante-trois tribus bédouines qui vivaient dans ce qui est devenu la Palestine mandataire, dont six dans le Néguev. Il n’y a pas beaucoup d’informations sur ce que sont devenues ces tribus. [49] Cependant, aucun des noms des tribus qui vivent actuellement dans le Néguev ne figurent sur les registres fiscaux de 1596. [50] Le gouvernement ottoman n’a pas tenu de registres fiables pour cette région après 1596, de sorte que ces registres sont le meilleur moyen de savoir quelles tribus y existaient dans la première période ottomane.
Clinton Bailey, un érudit de la culture bédouine, n’a pas trouvé non plus dans les documents des XIIIe et XIVe siècles de preuves de la présence continue de ces tribus du Néguev, connues depuis le XVIIIe et XIXe siècles. [51]
Le séjour des bédouins au Néguev a été consolidé par des luttes armées inter-tribales ainsi que par des raids sur les hameaux arabes, hameaux qui ont ainsi disparu. [52] Bien que les nomades dépendaient des populations sédentaires pour leur survie, ils les méprisaient tandis que les Arabes sédentaires considéraient les bédouins comme des opportunistes ou pire, comme des cruels voleurs . [53] De nombreux auteurs ont documenté le rôle des bédouins dans la conquête du Néguev ainsi que le pillage et l’expulsion des Arabes installés dans d’autres parties de la Palestine [54]. Le géomètre et archéologue britannique des années 1880, Claude R. Conder, décrit une situation de guerre sans fin entre les tribus bédouines et les villageois sédentaires. [55] …
Le nomadisme a continué en Palestine jusqu’au début du XXe siècle. Depuis, une transition vers la sédentarisation a pris place.[56] Parallèlement, le lien à la terre est passé d’un lien collectif de la tribu à un lien individuel.[57] Simultanément, il y avait une transition progressive de l’élevage à agriculture.[58] En 2000, l’élevage n’était plus pratiqué que par environ 10% des bédouins, et beaucoup de la jeune génération ont exprimé une réticence à maintenir le mode de vie de leurs parents.[59]
Avant la création d’Israël, au Néguev, il y avait environ 65.000 bédouins. Au cours de la guerre de 1948 et dans les suites immédiates, la plupart d’entre eux est partie vers les États voisins, ce qui a réduit la population à environ 11,000 [60].
Cependant leurs effectifs ont augmenté de façon spectaculaire depuis, à près de 200.000 personnes en 2011.
Les tribunaux israéliens, fondant leur décision sur la loi ottomane et britannique, ont toujours refusé de sanctionner la prétension à la proprieté individuelle de parcelles des bédouins. Les tribunaux ont décrété que les terres revendiquées n’ont jamais été affectées à la proprieté individuelle, puisqu’elles sont de la catégorie de mewat (définie par la loi foncière ottomane en tant que terrain vague domanial dont la limite est définie ainsi : une personne crie de sa maison, le terrain vague domanial commence là où on ne peut plus entendre la voix). Ce sont des terres publiques qui ne peuvent passer dans la catégorie du secteur privé.[62]
Source : Observatoire du Moyen-Orient