Il y a quelques annĂ©es, en 2007, jâai expliquĂ© pourquoi le sionisme nâĂ©tait pas un colonialisme, comme lâont prĂ©tendu des critiques universitaires dâIsraĂ«l. Le colonialisme repose essentiellement sur une « mĂ©tropole », une mĂ©tropole qui Ă©tend ses mĆurs sur une sociĂ©tĂ© indigĂšne plus faible. Mais le sionisme nâa pas de mĂ©tropole et il nâa jamais comptĂ© sur la Grande-Bretagne (le candidat le plus Ă©vident), la Russie ou un autre pays en tant que mĂšre patrie.
Plus rĂ©cemment, peut-ĂȘtre comme rĂ©futation de cet argument, le domaine universitaire du « colonialisme des colons » a-t-il pour but dâincorporer des lieux tels que les Ătats-Unis et lâAustralie en tant que lieux oĂč les populations autochtones sont remplacĂ©es par une sociĂ©tĂ© de colonisation envahissante qui, avec le temps, dĂ©veloppe une identitĂ© et une souverainetĂ© distinctives. IsraĂ«l est considĂ©rĂ© comme un exemple typique du colonialisme des colons â la revue universitaire « Settler Colonial Studies » a consacrĂ© un certain nombre de questions uniquement Ă lâidĂ©e dâIsraĂ«l comme entitĂ© coloniale des colons.
Peut-ĂȘtre que le pĂšre de tout le domaine du colonialisme est Lorenzo Veracini et il a Ă©crit un article dans « Interventions : Journal international dâĂ©tudes post coloniales » qui dĂ©fendait lâidĂ©e dâIsraĂ«l comme paradigme du colonialisme des colons.
Il apporte deux contre-arguments et y répond.
Le premier est absurde :
Pour contextualiser cet aperçu, je commencerai par deux dĂ©clarations souvent rĂ©pĂ©tĂ©es. Elles sont couramment utilisĂ©es pour nier que le sionisme puisse ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme un exemple de colonialisme, sans parler du colonialisme colonisateur.
La premiĂšre affirme que le sionisme ne peut pas ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un colonialisme de colons, car une telle rubrique masque sa spĂ©cificitĂ© inhĂ©rente. Je ne suis pas convaincu. Câest comme dire que Newton avait tort de penser en termes abstraits et que sa thĂ©orie de la gravitation Ă©tait inappropriĂ©e car elle nĂ©gligeait les caractĂ©ristiques spĂ©cifiques dâune pomme en particulier.
Plus prĂ©cisĂ©ment, lâabstraction nâexclut pas lâobservation spĂ©cifique. Au contraire, il est nĂ©cessairement fondĂ© sur elle. Dans le mĂȘme temps, Ă©valuer le sionisme et le colonialisme dans le mĂȘme cadre interprĂ©tatif ne revient pas Ă dire que le sionisme est semblable aux autres colonialismes coloniaux, ou une imitation des itĂ©rations prĂ©cĂ©den-tes de ce mode de domination.
Cette approche concerne principale-ment la relation du sionisme avec le groupe autochtone quâil rencontre et la façon dont cette relation reproduit les relations Ă©tablies par dâautres projets coloniaux avec dâautres groupes autochtones. Câest une dĂ©claration de gĂ©omĂ©trie politique et non un exercice de moralitĂ©.
En effet, il ne sâagit mĂȘme pas dâune similitude entre les mouvements de colonisation mais dâune similitude relationnelle. Il ne sâagit pas de comparer des pommes mais de comparer leur chute. Câest peut-ĂȘtre une bonne pomme, mais le fait demeure que cette pomme est tombĂ©e en Palestine. Si jâĂ©tais palestinien, je dĂ©velopperais un vif intĂ©rĂȘt pour la physique des pommes, mais mĂȘme si jâĂ©tais personnellement attachĂ© au projet de sâĂ©tablir en Palestine, je toujours ĂȘtre intĂ©ressĂ© par âappledynamics.
Veracini omet de prĂ©ciser quelle est exactement la nature spĂ©cifique du sionisme qui pourrait le distinguer des « autres » colonisateurs colonisateurs, affirmant que cela nâa pas vraiment dâimportance, car il sâagit en dĂ©finitive dâune discussion sur la relation entre les sionistes et le « collectif autochtone ».  » Mais cette caractĂ©risation est elle-mĂȘme biaisĂ©e, car le sionisme considĂšre les Juifs comme une population autochtone, qui a Ă©tĂ© dĂ©placĂ©e de son territoire au cours des millĂ©naires, en particulier par la destruction du Temple par la conquĂȘte musulmane, Ă lâĂ©poque oĂč les Juifs sont devenus une minoritĂ©.
Pourtant, il nây a pas de papiers sur le colonialisme des colons des Arabes des VIIIe et IXe siĂšcles de notre Ăšre.
Son argument suivant prĂ©tend se passer de celui mentionnĂ© ci-dessus, Ă propos de lâabsence de toute  mĂ©tropole :
La deuxiĂšme dĂ©claration que je voudrais aborder concerne lâabsence apparente dâune mĂ©tropole colonisatrice directe. Le colonialisme doit ĂȘtre pratiquĂ© au profit dâun centre de colonisation, plaide-t-on. Sâil manque cette direction, le sionisme lâest, car il sâappuie sur les institutions dâune diaspora plutĂŽt que sur celles dâun centre de colonisation (mĂȘme sâil sâappuie de maniĂšre cruciale sur le soutien des puissances coloniales / impĂ©riales et nĂ©o-coloniales â les Britanniques pendant le mandat et les Ătats-Unis aprĂšs), alors ce nâest pas le colonialisme.
Dâautres ont contrĂ© cette affirmation en soulignant la capacitĂ© du sionisme Ă sâappuyer sur une mĂ©tropole « intĂ©grĂ©e de maniĂšre diffuse » ou « transnationale diffuse » (Wolfe 2016, 228, 247) mais pour les besoins de cet essai, je voudrais noter que le colonialisme des colons se distingue fondamentalement du colonialisme en tant que mode de domination prĂ©cisĂ©ment en raison de la capacitĂ© collective des colons Ă se soustraire au contrĂŽle dâune mĂ©tropole envahissante tout en suivant un cours autonome.
Les colons triomphants sont toujours Ă©mancipĂ©s dâune mĂ©tropole colonisatrice ; ils dĂ©clarent leur indĂ©pendance. Lâabsence dâune mĂ©tropole nationale colonisatrice ou la prĂ©sence dâune mĂ©tropole transnationale est un trait commun des phĂ©nomĂšnes coloniaux, y compris le sionisme, qui nâest pas un trait distinctif.
Ces dĂ©fenseurs du sionisme prĂ©tendent en rĂ©alitĂ© que le sionisme nâest pas un mouvement colonial, mais bien un groupe colonisateur. Ils peuvent ĂȘtre sur quelque chose, mais veulent-ils ĂȘtre sur de leur indĂ©pendance. Lâabsence dâune mĂ©tropole nationale colonisatrice ou la prĂ©sence dâune mĂ©tropole transnationale est un trait commun des phĂ©nomĂšnes coloniaux, y compris le sionisme, qui nâest pas un trait distinctif.
La rĂ©ponse Ă cela est que la nature mĂȘme du sionisme nâest pas dâĂȘtre un mouvement colonisateur mais un mouvement de libĂ©ration nationale â pour les Juifs.
En considĂ©rant les juifs comme des colonialistes â quâils soient traditionnels ou coloniaux -, le fondement mĂȘme du sionisme et du nationalisme juif est Ă©cartĂ© Ă priori. Etant donnĂ© que les Juifs sont restĂ©s connectĂ©s Ă leur terre, autant sur le plan Ă©motionnel que physique, comme beaucoup sont rentrĂ©s au cours des mille derniĂšres annĂ©es, lâattĂ©nuation du dĂ©sir juif de retourner Ă Sion est au plus charitable un immense angle mort et au pire un antisĂ©mitisme.
Un certain nombre dâautres arguments contre le sionisme en tant que colonisateur ont Ă©tĂ© avancĂ©s. Wikipedia en Ă©numĂšre quelques-uns.
Le plus convaincant est peut-ĂȘtre celui-ci :
S. Ilan Troen, dans  » De-judaĂŻsation de la patrie : la politique universitaire pour réécrire lâhistoire de la Palestine  », affirme que le sionisme Ă©tait le rapatriement dâune population autochtone longtemps dĂ©placĂ©e dans sa patrie historique, et que « les sionistes ne se considĂ©raient pas comme des Ă©trangers ou conquĂ©rants, pendant des siĂšcles, ils Ă©taient Ă©trangers Ă la diaspora « .
Troen ajoute quâil existe plusieurs diffĂ©rences entre le colonialisme europĂ©en et le mouvement sioniste, notamment le fait quâ « il nây a pas de nouvelle Vilna, de New Bialystock, de New Varsovie, de Nouvelle-Angleterre, de New York, etc. » en IsraĂ«l. Il a Ă©crit que « les mandats avaient pour but de favoriser la formation de nouveaux Ătats jusquâĂ lâindĂ©pendance et que cet instrument devait ĂȘtre appliquĂ© aux Juifs, comme câĂ©tait le cas pour les peuples arabes de Syrie et dâIrak.
Les Juifs Ă©taient non seulement un peuple ayant droit Ă un Ătat, mais ce rĂ©gime Ă©tait naturellement situĂ© dans une partie du monde dans laquelle il Ă©tait originaire, rĂ©sidait depuis lâancien monde et constituait toujours une prĂ©sence vitale dans de nombreuses rĂ©gions de la rĂ©gion, notamment : La Palestine  » et cette » preuve peut-ĂȘtre la plus manifeste ou la plus visible â pour ceux qui voudraient bien reconnaĂźtre â se trouvaient dans la renaissance de lâhĂ©breu en une langue vivante ; le marquage du paysage avec une identitĂ© juive ; et le dĂ©veloppement dâune culture autochtone ayant des racines dans le passĂ© ancien « .
Il conclut que  » le fait de dĂ©signer des sionistes comme des colonisateurs sert Ă les prĂ©senter comme des occupants dâun pays auquel, par dĂ©finition, ils nâappartiennent pas « .
Exactement. Et au-delĂ de son excellente argumentation selon laquelle il nây aurait pas de « Nouveau Nialystock » en IsraĂ«l â les commu-nautĂ©s construites par les Juifs Ă©taient, dans lâensemble, Ă la place des noms mĂȘmes quâils avaient Ă lâĂ©poque biblique, noms qui avaient souvent Ă©tĂ© remplacĂ©s par des mots arabes Ă©quivalents par des colonisateurs arabes.
Veracini a un point. Les Juifs qui sont retournĂ©s en IsraĂ«l se sont souvent vus comme Ă©tant supĂ©rieurs Ă la population arabe de Palestine et, dans ce sens Ă©troit, il y a peut-ĂȘtre quelque chose Ă apprendre des cas de colonisation aux Ătats-Unis ou au Canada.
Une des rĂ©ponses est que les premiers sionistes ont toujours imaginĂ© une sociĂ©tĂ© dans laquelle la supĂ©rioritĂ© indĂ©niable des Juifs dans les domaines de la technologie, de la politique et de lâindustrie affecterait de maniĂšre positive les Arabes locaux, une marĂ©e montante qui soulĂšverait tout le monde. On aurait du mal Ă trouver les premiers Ă©crits sionistes qui encourageaient le nettoyage ethnique des Arabes du type pratiquĂ© aux Ătats-Unis par les AmĂ©rindiens.
Les garçons juifs ne jouent pas une version israĂ©lo-arabe de « Cowboys and Indians ». Le plus grand exode des Arabes est nĂ© dâune guerre destinĂ©e Ă anĂ©antir les Juifs. En 1948, il nây a jamais eu lâintention de chasser la plupart des Arabes â bien que dans une minoritĂ© des cas, la plupart sont partis Ă cause de la panique et des mensonges que les Arabes gagneraient pour leur permettre de revenir.
En tout Ă©tat de cause, positionner IsraĂ«l en tant quâĂtat colonialiste colonisateur est en effet une position morale â une position qui prĂ©tend que les Juifs nâappartiennent pas Ă leurs terres ancestrales. Et câest une position bigote Ă prendre, peu importe lâintention.
RĂ©daction francophone Infos Israel News pour lâactualitĂ© israĂ©lienne
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