Scène de chaos au cœur du pouvoir judiciaire israélien : lors du débat sur la conscription des étudiants des yeshivot, deux jeunes haredim ont interrompu l’audience en criant “נמות ולא נתגייס” – “Nous mourrons plutôt que de nous enrôler !”. L’incident, rarissime, reflète la fracture profonde qui déchire Israël entre devoir civique et fidélité religieuse.
L’atmosphère était électrique ce matin dans la grande salle du Bagatz, la Cour suprême d’Israël à Jérusalem.
Le sujet du jour : la légalité de l’exemption militaire accordée aux étudiants ultraorthodoxes depuis la création de l’État.
Mais alors que les juges débattent d’une réforme censée “rétablir l’égalité du fardeau”, deux jeunes hommes à kippa noire bondissent des gradins et crient, dans un mélange de colère et de ferveur :
“אנחנו גאים להשתמט, תעצרו אותי – נמות ולא נתגייס !”
(“Nous sommes fiers d’être insoumis, arrêtez-nous – nous mourrons plutôt que de nous enrôler !”).
Ils sont aussitôt maîtrisés et expulsés par la sécurité du tribunal, sous les regards médusés du public et des journalistes.
Un débat qui réveille les plaies d’Israël
Cette scène spectaculaire intervient dans un contexte politique explosif.
Le gouvernement Netanyahou, soutenu par les partis religieux, tente depuis des mois d’adopter une nouvelle loi de conscription “progressive”, censée ménager les sensibilités haredies tout en satisfaisant les exigences de la Cour suprême, qui a déjà invalidé plusieurs versions jugées discriminatoires.
Mais pour les juges, la patience a atteint ses limites.
Le juge Noam Solberg a interpellé la représentante de l’État :
“L’armée a besoin de 12 000 soldats hier, pas demain. Quand comptez-vous agir ?”
Sa collègue, la juge Daphne Barak-Erez, a renchéri :
“Il semble que vous ne sachiez même pas quel est l’état réel du recrutement. Il existe des moyens d’application immédiats, sans nouvelle loi.”
Le ton a rapidement viré à la confrontation. Les magistrats dénoncent une inégalité criante entre les jeunes laïcs soumis à des sanctions s’ils évitent le service, et les haredim, largement exemptés depuis des décennies au nom de la “préservation du monde de la Torah”.
Un consensus impossible
La question du service militaire universel empoisonne la politique israélienne depuis plus de 70 ans.
Chaque tentative de réforme a échoué, prisonnière d’un équilibre électoral fragile entre partis laïcs, sionistes religieux et ultraorthodoxes.
Les gouvernements successifs ont promis de “trouver une formule consensuelle”, mais celle-ci n’a jamais vu le jour.
“Ce n’est pas une question technique, c’est une question identitaire”, analyse le politologue Ariel Kedar sur Channel 12.
“Les haredim considèrent que leur étude protège spirituellement Israël, tandis que les laïcs voient dans la conscription le socle de la citoyenneté.”
Un Israël à deux vitesses
Sur le terrain, les chiffres parlent d’eux-mêmes : seuls 12 % des jeunes haredim effectuent un service militaire ou civil.
La majorité bénéficie encore de dérogations automatiques.
Cette situation, jugée intenable par une large partie de l’opinion publique, alimente un ressentiment croissant.
Dans un pays en guerre, où Tsahal réclame chaque recrue disponible, la perspective d’une “armée à deux vitesses” est devenue explosive.
Le juge Ofer Grosskopf a d’ailleurs souligné l’hypocrisie du système :
“Il est absurde que les insoumis laïcs soient sanctionnés, tandis que des milliers d’étudiants ultraorthodoxes échappent totalement à l’obligation.”
Lapid promet de renverser la loi
Du côté de l’opposition, Yair Lapid, chef du parti Yesh Atid, a déclaré à la Knesset :
“La loi sur le service des haredim ne passera pas. Et si elle passe, la prochaine coalition la fera tomber. Il n’y a pas d’État sans égalité devant la défense.”
Son message fait écho à une opinion publique exaspérée par ce qu’elle perçoit comme un privilège injuste.
Les familles endeuillées des guerres récentes ont elles aussi élevé la voix :
“Nos enfants donnent leur vie. Pourquoi les leurs n’auraient-ils pas à le faire ?”, a témoigné une mère de soldat tombé à Khan Younès, citée par Israel Hayom.
Une fracture qui dépasse la politique
Au fond, le débat dépasse la simple question de la conscription.
Il incarne le choc entre deux Israëls : celui de la foi absolue et celui du devoir collectif.
Une fracture que la Cour suprême tente de combler, mais que la société peine à assumer.
Le gouvernement devra présenter avant mars 2026 une version définitive de la loi, sous peine d’une annulation automatique des exemptions.
Un scénario qui pourrait provoquer une tempête politique majeure — voire une crise de coalition.
“Ce jour-là, Israël devra choisir entre être un État juif ou un État de justice”, a résumé un éditorial du site Infos-Israel.News.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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