NOUS VOULONS LA JUSTICE ET NON LA CHARITE par Rony Akrich

Ce Ce qui compte, ce n’est pas combien possĂšderons-nous mais quelle sorte de bĂ©nĂ©diction offrirons-nous avec nos biens. Chaque objectif sanctifie les moyens pour y parvenir, la sagesse juive, c’est aussi de gagner de l’argent, mais le faire Ă©quitablement et ĂȘtre heureux de notre part: si nous ouvrons un peu les yeux et dĂ©passons le rĂȘve stupide que le monde essaie de nous vendre « La richesse est synonyme de bonheur ». Nous trouvons que quiconque agit avec Foi et respecte les lois Divines jouit de beaucoup plus que l’argent gagnĂ©. La Torah, Dieu nous en prĂ©serve, ne prĂȘche pas la pauvretĂ© et respecte mĂȘme la rĂ©ussite matĂ©rielle, le succĂšs physique n’est pas l’essence de tout, mais son rĂŽle est de soutenir et de faciliter la vie de l’esprit, de la pensĂ©e, de l’intellect. Si vous le comprenez vraiment, il est beaucoup plus facile de faire preuve de compassion dans les affaires et de vouloir que tout le monde soit bon.
Les lois sociales sont lĂ©gifĂ©rĂ©es sans faire rĂ©fĂ©rence Ă  la protestation du coĂ»t de la vie qui dĂ©ferle aujourd’hui. La manifestation et la frustration reflĂštent une rĂ©elle difficultĂ© et, mĂȘme s’il existe des Ă©lĂ©ments politisĂ©s ou anarchistes qui prennent un mauvais tournant, la revendication demeure juste, lĂ©gitime, voire autorisĂ©e.
Pour les jeunes couples (et pas seulement eux), la rĂ©alitĂ© Ă©conomique de la vie est presque impossible, les loyers, les jardins d’enfants, les couches, le carburant, les prix des denrĂ©es alimentaires, etc., sont excessivement Ă©levĂ©s et injustifiables. Il est important de le dire: rien n’est ici le fruit d’un pur hasard mais bel et bien le produit d’une politique Ă©conomique capitaliste, compĂ©titive et, uniquement, intĂ©ressĂ©e par ses dividendes.
La finance extrĂȘme s’est emparĂ©e de nous et voit devant elle des chiffres, des graphiques et des cibles, en lieu et place, d’ĂȘtres de chair et de sang avec leurs besoins, leurs Ă©motions, si lourdes Ă  supporter.
À cet Ă©gard, il devrait y avoir un changement, il y a quelque chose de consternant au-devant de tant d’indiffĂ©rence et d’impuissance dans la routine de l’objet humain.

OĂč est la clameur des hommes souffrant la souffrance d’autrui, la douleur partagĂ©e par tous et exigeant l’amĂ©lioration de la vie, sinon la ruine?
Il ne fait aucun doute que beaucoup de gens vivent modestement et subissent encore et toujours le fardeau des dépenses et de la dette nationale. Mais, en tant que société, il est évident que nous vivons bien au-dessus de nos moyens et nous sommes, par voie de conséquence, tout aussi responsables des crises financiÚres à répétition.
Nous nous plaignons de notre situation, mais dans un mĂȘme temps, prĂšs de 2 millions d’IsraĂ©liens voyagent Ă  l’étranger, et nous possĂ©dons deux fois plus de biens que nos parents Ă  notre Ăąge. MalgrĂ© tous ces nouveaux Ă©tats de fait, l’individu demeure un Ă©ternel insatisfait. Nous n’avons aucun moyen de payer pour tout cela. Nous sommes devenus des accros heureux, la superficialitĂ© culturelle et sociale (en particulier chez les jeunes), qui se reflĂšte dans la recherche de diffĂ©rentes marques, nous appauvrie.
Quel Ă©tait le problĂšme avec le ‘kova tembel’, le pantalon trois-quarts et des sandales bibliques?
Est-il vraiment nĂ©cessaire de s’habiller d’un vĂȘtement onĂ©reux car Ă  la mode? Est-ce que le tĂ©lĂ©phone portable et le paquet de cĂąbles dispendieux sont vraiment un besoin si vital?
Toutes ces choses nous ont-elles rendu plus heureux, ou au contraire, malheureux?!
Est-ce que tout est noir?
Est-ce vraiment un endroit insupportable pour vivre?
Non bien sûr !
Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a rien Ă  faire et Ă  changer, cela ne signifie pas que l’on doive accepter une politique de l’autruche. En tant que Juifs, il nous faut reconnaitre, envers et contre tout, le bon, le bien et le beau prĂ©sent parmi nous.
Allons plus loin.
Il me semble que ce qui dĂ©range vraiment les manifestants, ce n’est pas seulement le droit au logement, la baisse du coĂ»t des jardins d’enfants, ni mĂȘme les faibles salaires.
Le fondement intime, des manifestations populaires, est un profond dĂ©sir de vie meilleure et, pas nĂ©cessairement et uniquement d’un point de vue matĂ©riel. Les gens sentent, en leur Ăąme et conscience, qu’il existe une qualitĂ© et une beautĂ© de vie qui leur demeure Ă©trangĂšre. ExtĂ©rieurement, cela se traduit par une protestation et des revendications sur l’emploi, sur une meilleure Ă©conomie sociale, car ainsi va la tradition ouvriĂšre face aux pouvoirs rĂ©gnants.

Cependant ce sentiment de rĂ©volte prend source aux abysses de l’ĂȘtre humain, au siĂšge de son Ăąme.
Rabbi Kook Ă©crit dans les 8 kvatzim:« Il faut bien saisir ce qu’est la chose spirituelle, qui contrit le cƓur, l’attriste et prĂ©cipite la vie, sans aucune conscience causale des raisons de cette nervositĂ© et de cette amertume. Pour la plupart, lorsque vous recherchez et trouvez la raison de cet Ă©tat d’esprit, elle n’est qu’une cause superficielle. Et la vĂ©ritĂ© est beaucoup plus profonde que tout ce qui paraĂźt et est impressionnante d’évidence. Cette tristesse spirituelle est la matiĂšre du chant de l’ñme, l’affirmation que l’ñme aspire Ă  la libertĂ©. Elle se bat au milieu de toutes les contraintes qui l’oppressent, elle veut une vie de libertĂ©, une vie noble supĂ©rieure, claire et propice, elle ne les trouve point du fait d’une fragilitĂ© matĂ©rielle qui l’enferme. LĂ  est le secret de sa tristesse. » (7- 220)
Vivre une existence sans sens, ignorante du passĂ©, falsifiant l’idĂ©al, dans un total dĂ©ni du CrĂ©ateur et de la CrĂ©ation, pour qui, pour quoi?
Comment accepter, plus longtemps, de rĂ©duire au silence notre voix intĂ©rieure, la voix de l’ñme, sans ressentir, nĂ©cessairement, un sentiment de suffocation et de platitude.
La quĂȘte de « justice sociale » vient donc des profondeurs de l’ĂȘtre, de sa nĂ©cessaire libertĂ© Ă  pouvoir faire valoir les temps enchantĂ©s.
C’est Ă  proprement parlĂ© une rĂ©elle dĂ©livrance de l’ñme qui requiert la justice au sein de l’ƒuvre crĂ©atrice. Une intĂ©gritĂ© qui cherche Ă  comprendre et Ă  remplir son rĂŽle particulier national et universel dans le monde. Oser dĂ©laisser ces questions fondamentales, pour un confort matĂ©riel, dont le rĂŽle sera de nous empĂȘcher de nous offrir corps et Ăąme Ă  ce qui compte vraiment, provoquera, sans aucun doute, ce sentiment de rĂ©pression et de mal-ĂȘtre.
J’ai passĂ© ma vie d’étudiant Ă  militer, manifester, crier, revendiquer, de manifs en manifs nous devenions cette cĂ©lĂšbre jeunesse française contestataire. Nous vivions, respirions cet atmosphĂšre, emplis de rĂȘves, fourbus d’espoir, rien ni personne n’aurait pu nous dĂ©loger de notre foi en un monde meilleur. Une des choses qui me rĂ©chauffait le cƓur Ă©tait de voir ces gens assis et parlant, juste participer et Ă©changer. Il n’y avait pas Facebook, ni tĂ©lĂ©phones portables ni mĂȘme de SMS. On se retrouvait face Ă  face, on partageait nos Ă©motions, on discutait des idĂ©es. On Ă©prouvait, tout simplement, le sens secondaire de la chaleur humaine.
Aujourd’hui, les mĂ©dias en tout genre perturbent la bonne communication collective, notre gĂ©nĂ©ration post-moderne, distante et morcelĂ©e, n’a plus vraiment foi en le devenir de l’Homme.

OĂč est donc la vĂ©ritĂ©, l’authenticitĂ©?
A mon humble avis, dans le rassemblement contingent des forces humaines, aussi plurielles soient-elles!
Nul substitut, et pas de meilleur remĂšde, que cette ‘chaleur humaine’ dont je vous parle plus haut. Il me semble que ce qui manque vraiment aux manifestants contemporains est une mĂȘme communication simple et agrĂ©able, capable de rassembler, en tous lieux, autour d’un programme d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, bien plus que le loyer bon marchĂ© ou le prix du carburant. Bien que notre monde Ă©volue, la reconnaissance de la condition humaine n’est toujours pas au programme des pouvoirs, quels qu’ils soient. Les besoins humains fondamentaux n’ont guĂšre changĂ©, nous aspirons Ă©ternellement aux relations humaines et avons toujours eu besoin d’amitiĂ© et d’amour. Si nous nous donnions plus, et devenions moins Ă©goĂŻstes, moins alambiquĂ©s et moins expĂ©ditifs, nous pourrions ainsi Ă©prouver aussi moins de colĂšre et de frustration dans une sociĂ©tĂ© et un Ă©tat mal dans leur peau.
La Torah nous enseigne, trĂšs clairement et trĂšs explicitement, ce qu’est la justice sociale. Selon elle, cette derniĂšre ne pourra ĂȘtre atteinte que lĂ  oĂč il y aura un Amour social spontanĂ© et dĂ©clarĂ©. Dans le monde moderne, la charitĂ© est perçue comme exploitante et humiliante, et lĂ  rĂ©side la raison essentielle pour laquelle les hommes se rassemblent et crient Ă  tue-tĂȘte cette proclamation:
« Nous voulons la justice et non la charité ». (Tsedek et non Tsédaka)
L’exigence de transcender le « moi » privĂ©, prĂ©occupĂ© par les affaires du monde, avec ses difficultĂ©s et ses exigences, pour le bĂ©nĂ©fice des autres, est ce qui nous rapproche vraiment du CrĂ©ateur. Selon la foi d’IsraĂ«l, Il donne et octroie continuellement, et selon Sa lĂ©gislation altruiste. L’homme doit se confronter Ă  la mesure de Ses traits.
Donner de l’Amour est un acte de transcendance par rapport à la nature physique de l’homme.

Les lois matĂ©rielles Ă©noncent: ce qui t’appartient et ce qui lui appartient. Les lois spirituelles sont certes importantes, pour les premiers besoins matĂ©riels Ă  fournir, mais elles ne se prĂ©occupent guĂšre d’accumuler au-delĂ  de ce dont le besoin est. Pour atteindre ce sublime sommet, nous devons transcender la nature animale-physique et dĂ©terminĂ©e avec laquelle nous sommes nĂ©s, travailler et pratiquer la donation et le raffinement des caractĂšres. Dans la nature, nul animal n’offrirait sa nourriture Ă  un autre animal (qui n’est pas membre de sa famille immĂ©diate), les soi-disant « émotions-autres » qui tĂ©moignent d’une incapacitĂ© relative Ă  ressentir le chagrin, les besoins ou la dĂ©tresse des autres animaux. Seul l’humain, relativement libre de ses mouvements et de sa pensĂ©e, est Ă  mĂȘme de souffrir la souffrance d’autrui ou de se rĂ©jouir de sa joie. Ce que je nomme – Amour.
Bien sĂ»r tout commence par soi, sinon comment pourrait-on octroyer et offrir Ă  autrui ce que nous ne possĂ©dons pas pour nous-mĂȘmes!
Si le texte biblique nous montre la finalitĂ© de la CrĂ©ation, le chemin n’en reste pas moins ardu, mais jamais impossible, pour l’individu, cet HĂ©breu en marche vers une « Justice Sociale ».
Elle sera la source de sa rĂ©demption et Ă  travers elle, la possibilitĂ© de s’épancher enfin, sur l’ensemble de l’HumanitĂ©


RĂ©daction francophone Infos Israel News pour l’actualitĂ© israĂ©lienne
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