Une affaire judiciaire inhabituelle provoque une vive polémique au sein de Tsahal et soulève de sérieuses interrogations sur la conduite de la justice militaire en temps de guerre. Un réserviste israélien, père d’une fillette de deux ans et mobilisé environ 500 jours depuis le début du conflit, est poursuivi pénalement pour avoir tiré accidentellement une balle lors de la manipulation de son arme dans un parking public totalement vide. Malgré l’absence totale de blessés et contrairement aux directives internes de la procureure militaire elle-même, l’armée a choisi de le traduire devant un tribunal militaire et de requérir une peine pouvant aller jusqu’à deux mois de prison assortis d’un casier judiciaire.
Les faits remontent à environ un an. Le réserviste explique qu’il procédait à une modification de la poignée de son arme, pratique courante parmi les combattants de son unité. Interrompu par une mission de conduite de courte durée avec son commandant de compagnie et son adjoint, il a ensuite repris la manipulation de son arme. En s’éloignant du véhicule militaire et en dirigeant le canon vers le sol du parking, il a tenté de décharger son arme, oubliant qu’un chargeur était encore engagé. Une balle est alors partie accidentellement et a frappé le sol, sans faire de victime ni causer de dégâts.
Le soldat a immédiatement signalé l’incident à sa hiérarchie. Il reconnaît sans détour son erreur et affirme avoir assumé pleinement sa responsabilité dès le premier instant. « C’est une faute, elle ne devait pas arriver », explique-t-il, « mais de là à vouloir me traiter comme un criminel, me demander deux mois de prison et me coller un casier judiciaire pour des années, c’est totalement disproportionné ». Il souligne que l’incident ne s’est pas produit dans une base militaire mais dans un parking civil désert, et qu’aucun civil n’a été exposé à un danger réel.
Ce qui choque particulièrement ses soutiens, c’est que la décision de poursuite pénale va à l’encontre des directives officielles de la justice militaire. Selon les instructions de la procureure militaire, lorsqu’un tir accidentel survient lors du déchargement d’une arme, sans blessé, la procédure doit rester disciplinaire et être traitée au niveau de l’unité, généralement par une sanction interne comme une période de consigne ou un changement de fonction. Or, dans ce cas précis, la procureure militaire a choisi de retirer le dossier aux commandants de terrain et d’engager une procédure pénale complète.
Depuis l’ouverture du dossier, le réserviste a été suspendu de son service. Pourtant, paradoxalement, il a récemment reçu un nouvel ordre de mobilisation pour des combats à Gaza. « Je veux retourner servir », affirme-t-il. « Même si on me dit de ne pas venir, je demanderai à revenir. Protéger le pays est plus important que tout ». Son témoignage illustre le malaise croissant parmi de nombreux réservistes, qui redoutent une application rigide et déconnectée des réalités du terrain.
Son avocat, le colonel de réserve Ran Cohen Rochberger, ancien chef de la défense militaire, a déposé une requête officielle demandant l’annulation de l’acte d’accusation. Après un refus initial, il s’est adressé directement au nouveau procureur militaire en chef, le général Itay Ofir. Dans sa requête, il estime que la poursuite pénale est « déconnectée du contexte opérationnel » et qu’elle détourne l’objectif même du droit pénal militaire, lequel devrait rester une mesure de dernier recours, en particulier envers des combattants engagés dans une guerre prolongée.
Selon l’avocat, il ne s’agit en aucun cas d’une négligence grave justifiant une peine de prison, mais d’un incident disciplinaire classique, comparable à de nombreux autres cas survenus pendant la guerre et traités au niveau des unités. Il rappelle que des tirs accidentels se produisent régulièrement en période de combat intense et que Tsahal a elle-même reconnu publiquement que la majorité de ces incidents se concluent par des sanctions internes.
Dans une réponse officielle, le porte-parole de Tsahal a indiqué que l’acte d’accusation avait été déposé conformément à la politique en vigueur, tout en précisant que la justice militaire examine des voies alternatives pour parvenir à un accord avec le réserviste. Cette déclaration n’a toutefois pas apaisé les critiques, certains y voyant un symbole d’un système juridique devenu excessivement sévère envers ceux qui portent le poids principal de l’effort de guerre.
L’affaire met en lumière une tension croissante entre la nécessité absolue de maintenir une discipline stricte dans l’armée et l’obligation morale de protéger les soldats qui servent de bonne foi, parfois au prix de lourds sacrifices personnels. Pour de nombreux observateurs, ce dossier pourrait devenir un cas emblématique de la nécessité de réévaluer l’équilibre entre rigueur juridique et justice humaine au sein de Tsahal, en particulier en temps de guerre.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
© 2025 – Tous droits réservés





