Tandis qu’Eilat bat de nouveaux records de prix pendant les fêtes, une vague silencieuse d’Israéliens traverse la frontière vers Aqaba, la cité balnéaire jordanienne. Plages paisibles, hôtels abordables et ambiance détendue : malgré une alerte de voyage de niveau 4, plus de 6 700 personnes ont franchi le passage de Rabin dès le premier jour de Souccot, selon les chiffres de l’Autorité de la population et de l’immigration.
Le constat est clair : même en période d’incertitude sécuritaire, le portefeuille parle plus fort que la peur. Aqaba est devenue la nouvelle échappatoire des Israéliens qui cherchent un week-end ensoleillé sans exploser leur budget.
Le prix fait la différence
Le cœur du phénomène tient en un mot : les prix. Là où une nuit d’hôtel à Eilat dépasse souvent les 900 à 1 200 shekels, Aqaba propose des séjours à 250–300 shekels par personne et par nuit dans des établissements trois ou quatre étoiles, petits déjeuners compris.
Résultat : un couple peut s’offrir deux nuits et repas matinaux pour 500 à 600 shekels, soit l’équivalent d’un simple dîner à Eilat. Le trajet, lui, est d’une simplicité déconcertante : un court passage au poste frontalier de Rabin, au nord d’Eilat, un tampon sur le passeport, et vous voilà sur les rives jordaniennes de la mer Rouge — sans vol, sans visa et sans formalités lourdes.
Un tourisme pragmatique, malgré les avertissements
Les autorités israéliennes rappellent que le ministère de la Défense maintient une mise en garde sévère (niveau 4) pour les voyages en Jordanie. Mais les voyageurs interrogés par Maariv confient qu’ils se sentent en sécurité à Aqaba : « Les hôtels sont calmes, la police est visible partout, et les Jordaniens sont accueillants », témoigne un couple de Tel-Aviv.
L’Aqaba d’aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec l’image poussiéreuse d’autrefois. Ses longues plages aménagées, ses restaurants de poissons frais, ses marchés colorés et son centre-ville rénové offrent un mélange oriental authentique et bon marché.
Mer Rouge, désert et histoire
Les visiteurs ne viennent pas seulement pour le soleil. À quelques kilomètres de là , les excursions vers Wadi Rum — le désert mythique des Bédouins, décor de Lawrence d’Arabie — attirent les amateurs de paysages lunaires et de randonnées. À 90 minutes de route, Pétra, la cité rose, reste l’incontournable des touristes israéliens comme étrangers.
Les clubs de plongée, eux, affichent complet. Les eaux d’Aqaba, réputées pour leur limpidité, abritent récifs coralliens et épaves accessibles dès quelques mètres de profondeur. Pour beaucoup, la ville incarne une version “zen” d’Eilat, sans musique tonitruante ni taxes exorbitantes.
Une échappée qui interroge
Ce mouvement croissant interroge pourtant. Alors qu’Israël tente de relancer son tourisme interne après deux années de guerre et de tensions économiques, le flux vers la Jordanie traduit un désamour envers les prix et la logistique israélienne. Les professionnels du secteur alertent : « Tant qu’Eilat restera hors de prix, les Israéliens voteront avec leurs pieds », confie un gestionnaire d’hôtel local.
Entre normalisation et pragmatisme
Sur le plan diplomatique, ces séjours illustrent aussi la normalisation silencieuse entre les deux pays. Malgré la froideur politique entre Jérusalem et Amman, le passage quotidien de milliers de voyageurs crée un contact concret, pacifique, souvent loin des caméras.
Mais certains observateurs s’inquiètent : le tourisme israélien en Jordanie nourrit une économie où le Hamas conserve des sympathies locales, et où les services de renseignement restent en alerte. « Les vacanciers doivent comprendre qu’ils ne sont pas à Tel-Aviv », prévient un ancien responsable de la sécurité frontalière.
L’équation du Sud : soleil, sécurité et sobriété
À l’heure où Eilat s’enfonce dans le luxe inaccessible, Aqaba se pose en alternative modeste et efficace — une destination où le shekel garde encore de la valeur. Beaucoup y voient une forme d’évasion économique, d’autres une trahison touristique.
Mais pour la majorité des voyageurs, la réalité est simple : entre 1 200 shekels à Eilat et 500 à Aqaba, le choix est vite fait.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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