Une scène surréaliste s’est déroulée ce mardi dans le principal aéroport d’Israël. Lors d’un tour d’inspection parlementaire dans le centre de rétention des personnes refoulées à l’aéroport Ben-Gourion, un individu souffrant du syndrome de Jérusalem a littéralement explosé de violence. Le personnel sur place a immédiatement exprimé sa crainte : « Je crains pour votre sécurité », a lancé un agent de l’Autorité de la population aux députés présents. Résultat : évacuation immédiate des membres de la Knesset.
L’incident, qui aurait pu dégénérer dangereusement, met en lumière un sujet bien plus vaste et préoccupant : la gestion chaotique de l’entrée des travailleurs étrangers en Israël. La visite, conduite par la députée du Likoud Etti Atia, présidente de la commission spéciale sur les travailleurs étrangers, avait pour but d’examiner les conditions d’accueil, mais elle a tourné à la démonstration involontaire de tout ce qui ne fonctionne pas dans ce système à bout de souffle.
Le centre où a eu lieu la scène, situé à l’intérieur de Ben-Gourion, accueille en permanence des dizaines de personnes, certaines en attente d’expulsion, d’autres en détention temporaire. Parmi elles : des individus au comportement incohérent, comme cet homme qui affirmait être venu « faire la paix à Gaza », ou un autre assurant que « le Premier ministre l’attendait pour une réunion privée ».
Mais derrière ces anecdotes se cache un mal bien plus profond. Depuis le 7 octobre, Israël fait face à une vague de recrutements de main-d’œuvre étrangère, notamment dans les secteurs du bâtiment, de l’agriculture et du soin aux personnes âgées. Selon les chiffres de l’Autorité de la population, environ 30 000 travailleurs étrangers sont entrés dans le pays depuis janvier 2025. Et pourtant, les délais de traitement explosent : des employeurs rapportent jusqu’à 5 heures d’attente par groupe d’arrivée.
Le PDG de la société de construction Li-El, Golan Elbogen, rapporte que « cinq ouvriers chinois ont atterri et il a fallu plus de cinq heures entre la sortie du premier et celle du dernier. C’est inadmissible. » Même constat du côté d’Ayal Most de la société Elo Express : « L’accueil est pitoyable. Et il arrive même que des agences concurrentes viennent voler des employés à la descente de l’avion. »
Le principal obstacle ? Le manque criant de personnel à la frontière, reconnu sans détour par Moshe Nakash, chef de l’administration des travailleurs étrangers : « Tant que l’accord salarial ne sera pas résolu, la situation ne changera pas. »
Les employeurs demandent des mesures simples : une salle d’accueil dédiée dans le terminal. Refus catégorique des autorités aéroportuaires. Shmoulik Amsalem, directeur du service passagers, tranche : « Le terminal est fait pour les voyageurs, pas pour la distribution de cartes SIM ou de chaussures de sécurité. L’aéroport n’est pas une base militaire de conscription. » Quant à Udi Bar Oz, directeur de Ben-Gourion, il refuse de céder un espace critique : « Ce sont des zones de sécurité. Inenvisageable. »
La proposition de transférer les procédures dans la zone F44 adjacente a aussi été rejetée : elle appartient à l’Unité de l’immigration et ne peut être libérée. Résultat : blocage complet.
Une idée avancée : louer des espaces à Airport City, dans la zone industrielle voisine. C’est ce qu’a proposé Amsalem aux entreprises, « pour ne pas surcharger l’aéroport lui-même. »
Mais pourquoi ce processus prend-il autant de temps ? Roni, représentante du contrôle des frontières, explique : « Contrairement aux touristes, les travailleurs étrangers doivent passer par un processus biométrique complet, ce qui allonge considérablement le temps de traitement. »
La solution pourrait venir de la technologie. Shirley Raissin, de l’Autorité de la population, propose l’introduction de signatures numériques à distance pour raccourcir la procédure, à commencer depuis les pays d’origine.
Malgré les tensions, la députée Atia reste déterminée : « Israël a besoin de ces travailleurs dans des secteurs vitaux. Mais la bureaucratie nous étouffe. Il faut réduire les délais, signer les contrats avant leur arrivée. Ceux qui ne doivent pas être ici seront expulsés. Mais ceux dont nous avons besoin doivent être accueillis avec respect et efficacité. »
Ce mélange de chaos logistique, de surcharges administratives, de refus institutionnels et de crises sécuritaires sporadiques reflète une gestion encore artisanale d’un flux pourtant stratégique pour l’économie israélienne. Et tant que l’État ne décidera pas de traiter l’accueil de ces travailleurs comme un vrai sujet de souveraineté, la prochaine crise n’attendra pas longtemps dans la salle des refusés.
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