PERMIS DE SAVOIR ET CONNAITRE – Rony Akrich

 

Le « Tronc commun » (programme LIBA) est un plan Ă©laborĂ© par le ministĂšre de l’Éducation nationale.
Il comprend des matiĂšres ayant vocation Ă  ĂȘtre une base commune pour tous les Ă©tablissements d’enseignement Ă©lĂ©mentaire, tout en prĂ©voyant un soutien financier pour la rĂ©alisation de ces Ă©tudes.
Les principaux opposants Ă  ce programme sont les ultra-orthodoxes, qui expriment une opposition catĂ©gorique Ă  l’intervention dans les programmes de leurs Ă©tablissements d’enseignement.
L’État d’IsraĂ«l est caractĂ©risĂ© par de nombreuses divisions, se reflĂ©tant dans la religion, la dĂ©mographie et les classes Ă©conomiques et sociales. La pensĂ©e derriĂšre ce plan de base pour l’éducation provient de ces nombreuses disparitĂ©s prĂ©sentes parmi les enfants des diffĂ©rents secteurs.
Un comitĂ© consultatif propose une redĂ©finition des objectifs dans ce domaine, ainsi qu’un changement du concept Ă©ducatif qui pourrait les fĂ©dĂ©rer tous. Dans leur rapport ils citent le cĂ©lĂšbre ‘Janusz Korczak’ disant:
«RĂ©parer le monde signifie rĂ©parer l’éducation.»
Ils utilisent ce principe comme fondement pour corriger le systĂšme Ă©ducatif en IsraĂ«l au 21e siĂšcle. Selon eux, la rĂ©forme est nĂ©cessaire, puisqu’il est aujourd’hui possible de distinguer des inĂ©galitĂ©s substantielles entre les secteurs, et il est essentiel d’unir les diffĂ©rentes sphĂšres sous un mĂȘme parapluie Ă©ducatif.
Les principes du programme dĂ©taillĂ©s dans le rapport du ‘comitĂ© Dovrat’ portent sur le renforcement de l’éducation publique et, partant, sur la rĂ©duction des lacunes créées dans le systĂšme Ă©ducatif.
Le comitĂ© note que l’éducation publique joue un rĂŽle central dans la crĂ©ation d’une infrastructure culturelle, et de valeurs, commune pour tous les citoyens.
LĂ  oĂč il y aura une amĂ©lioration de l’éducation publique, la cohĂ©sion sociale s’accroĂźtra.
De plus, en raison de la rĂ©alitĂ© sociale et Ă©conomique en IsraĂ«l, le rĂŽle du systĂšme Ă©ducatif est de crĂ©er ce « tronc commun », afin que tous les enfants, quel qu’ils soient, aient les mĂȘmes opportunitĂ©s. Le plan de base symbolise l’ambition du gouvernement israĂ©lien de crĂ©er une Ă©galitĂ© initiale des chances entre les enfants israĂ©liens. Selon les auteurs du programme, il est possible, si l’on comble ces lacunes, d’ouvrir les portes du devenir Ă  tous les enfants sans tenir compte de leur origine ou leur croyance.
En pratique, ce plan a rencontrĂ© de nombreuses objections. L’opposition provient prĂ©cisĂ©ment des secteurs dans lesquels le plan Ă©tait censĂ© apporter des amĂ©liorations, principalement les secteurs arabes et ultra-orthodoxes. Certes, les Ă©carts créés Ă  la suite de l’immigration en provenance de Russie et d’Éthiopie sont Ă©galement notĂ©s, mais l’accent semble ĂȘtre mis sur le grand dĂ©calage creusĂ© au fil des annĂ©es entre l’éducation publique juive et l’éducation ultra-orthodoxe et arabe.
La religion est un facteur de division dans la société israélienne.
Outre la distinction entre les diffĂ©rentes religions, juive, musulmane, chrĂ©tienne et druze, chacun de ces groupes tĂ©moigne Ă©galement d’un fossĂ© entre religieux et laĂŻcs. Dans la population juive, majoritaire dans la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne, il existe nombres de clivages politiques, religieux et de diffĂ©renciation sociale et culturelle. Ces divergences sont particuliĂšrement problĂ©matiques dans la crĂ©ation de valeurs similaires entre tous les citoyens du pays. La lutte acharnĂ©e pour empĂȘcher les Ă©tudiants ultra-orthodoxes d’étudier le « tronc commun » est un crime contre la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne dans son ensemble. Il faut prĂ©server l’état des choses, disent-ils ou selon le propos, erronĂ©, du Hatam Sofer (1762 – 1839) bien avant la Shoa: « Toute nouveautĂ© est interdite par la Torah! »
NĂ©anmoins, de plus en plus de travailleurs de terrain et de dirigeants locaux du secteur ultra-orthodoxe comprennent que le manque d’études de base les oblige Ă  rester pauvres, rĂ©trogrades et les empĂȘche d’entrer sur le marchĂ© du travail.

C’était la derniĂšre heure d’école, entre 17h00 et 18h00. Peut-ĂȘtre mĂȘme plus tard. AprĂšs une longue journĂ©e d’école, dĂ©butant par la priĂšre du matin Ă  7 heures du matin et se poursuivant par l’étude du Talmud toute la journĂ©e, la discipline des Ă©lĂšves est particuliĂšrement laxiste me raconte Davidi. Nous utilisons cette derniĂšre heure tous les jours pour organiser une Ă©meute de classe devant des enseignants impuissants.
« Dans l’établissement oĂč j’ai Ă©tudiĂ© pendant quelques annĂ©es, l’une des Yeshivots particuliĂšrement pieuse de Bnei Brak, il n’y avait presque pas de parascolaires. Je ne me souviens que des Ă©tudes de base en calcul, pas mĂȘme des fractions, pas d’anglais, pas d’histoire, pas de science. Seulement des Ă©tudes du «sacré». L’enseignant de la matiĂšre «profane» savait pertinemment, et par avance, qu’il n’obtiendrait aucun soutien de la direction pour obliger les Ă©lĂšves Ă  Ă©tudier le calcul. Je ne me souviens mĂȘme pas d’un examen sur le sujet, personne, par ailleurs, ne se souciait des notes.
Le professeur Stern Ă©tait tellement dĂ©couragĂ© qu’au lieu d’enseigner le calcul, il nous lisait des livres de Charles Dickens.
Je vais te dire Ă  quoi ressemble le parcours scolaire de chaque garçon ultra-orthodoxe appartenant au courant dominant : H’eder (Ă©quivalent de l’école primaire) avec presque pas de matiĂšres profanes en semaine puis la « petite yeshiva » avec seulement des Ă©tudes religieuses puis la « grande yeshiva », le mariage et les enfants. S’extraire d’un tel cycle est extrĂȘmement difficile. Un effort substantiel est nĂ©cessaire pour parvenir aux compĂ©tences d’apprentissage et combler les lacunes accumulĂ©es au fil des annĂ©es. »

La lutte des ultra-orthodoxes pour empĂȘcher les Ă©tudes de base pour leurs enfants est un crime – non seulement contre la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne dans son ensemble, qui ne sera pas en mesure de financer les coĂ»ts sociaux d’un public aussi vaste et pauvre Ă  l’avenir, mais surtout contre cette jeunesse dont certains veulent entrer sur le marchĂ© du travail mais sont bloquĂ©es et contraints de rester pauvres et en arriĂšre-plan.
De plus en plus de personnel de terrain et de dirigeants locaux de ces secteurs le comprennent. C’est la raison pour laquelle il a mĂȘme Ă©tĂ© possible de mettre en avant la proposition, avec le soutien du Admour de Belz, de financer des Ă©tablissements d’enseignement hassidiques en Ă©change de rĂ©sultats en mathĂ©matiques, en anglais et en sciences naturelles – dans des tests qui seront menĂ©s sous la supervision du ministĂšre de l’Éducation.
Pour contrecarrer cela, une vĂ©ritable levĂ©e de boucliers parmi les maitres d’Ɠuvre de l’inertie orthodoxe et crĂ©ant une terrible anarchie chez leurs brebis La conclusion est Ă©vidente: il n’est plus possible de formuler de nouvelles orientations avec les dirigeants politiques ultra-orthodoxes. Ils sont pleinement dĂ©terminĂ©s Ă  prĂ©server le statu quo. Au lieu de cela, l’État devrait initier de plus en plus de processus, les ignorant et offrant une voie d’échappĂ©e, une voix audible, pour ce public.
Une telle dĂ©cision a Ă©tĂ© prise, par exemple, lorsque la filiĂšre orthodoxe d’État fut créée par le ministre de l’Éducation Shai Piron en 2014.
MalgrĂ© une lutte agressive des chefs de file contre elle, elle rĂ©ussit Ă  prendre son Ă©lan et Ă  se dĂ©velopper dans des villes comme JĂ©rusalem et Beit Shemesh ainsi que dans d’autres provinces. Certes, il ne s’agit encore que de 3%, environ, d’étudiants, mais il y a de plus en plus de demandes.
Afin de favoriser l’afflux de travailleurs, l’État doit assouplir les barriĂšres et permettre la crĂ©ation de plus en plus d’institutions de ce type.
Dans certains endroits, les autoritĂ©s locales, en raison de pressions politiques, l’empĂȘchent. L’État doit s’impliquer sur cette question et s’assurer que le taux de croissance de ces Ă©tudiants vers le marchĂ© du travail sera plus Ă©levĂ©, et lorsque l’offre sera lĂ , la demande viendra de la rĂ©gion.
La filiĂšre de l’enseignement public pour les Ă©coles Ă©lĂ©mentaires n’est que la premiĂšre Ă©tape. La prochaine devrait ĂȘtre la « petite yeshiva ». L’accent mis sur un haut niveau d’éducation dans ces Ă©tablissements est moindre, bien qu’il soit peut-ĂȘtre encore plus important que dans les Ă©coles Ă©lĂ©mentaires. Ces derniĂšres annĂ©es, de plus en plus d’institutions secondaires ultra-orthodoxes ont Ă©tĂ© créées qui permettent aux garçons un parcours d’études de yeshiva combinant des Ă©tudes religieuses avec un rĂ©el programme profane, au grand dam des rabbins et des dirigeants ultra-orthodoxes.
L’objectif de l’État devrait ĂȘtre d’augmenter la budgĂ©tisation et l’aide Ă  ces institutions afin qu’elles puissent se dĂ©velopper et offrir une Ă©ducation de meilleure qualitĂ© Ă  un public plus large.
L’État doit cesser de creuser dans le marĂ©cage politique h’aredi. Il y a un Ă©chec dĂ©mocratique aigu dans la politique ultra-orthodoxe qui ne permet pas aux voix sur le terrain de se faire entendre, le souverain, dans ce cas, ne reprĂ©sente pas le peuple. Le moment est venu de bousculer la fourmiliĂšre et de crĂ©er de plus en plus de faits probants sur le terrain mĂȘme, ainsi l’offre de filiĂšres d’enseignement public s’accroĂźtra et cheminera vers l’enseignement primaire et post-primaire.


RĂ©daction francophone Infos Israel News pour l’actualitĂ© israĂ©lienne
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