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Les déclarations contradictoires émises par le président américain et les hauts responsables de son administration concernant les négociations avec l’Iran sur son programme nucléaire renforcent le flou autour des intentions de Washington. À vrai dire, il est même permis de douter que Trump lui-même sache vraiment vers où il se dirige.

Pendant sa campagne présidentielle, Donald Trump avait l’habitude de se déplacer d’un meeting à l’autre à bord de son jet privé, surnommé « Trump Force One ». Avant l’un de ces vols, son équipe a été surprise d’apprendre que Trump ne volerait pas avec eux comme d’habitude, mais emprunterait l’avion privé d’un de ses grands donateurs, Steve Witkoff. La surprise s’est intensifiée lorsque, juste avant l’embarquement, les agents du Secret Service ont multiplié les consignes de sécurité, notamment en montrant comment baisser rapidement la tête en cas de tirs. Il est vite apparu que ce changement était motivé par une crainte réelle : les services de sécurité soupçonnaient des cellules dormantes iraniennes aux États-Unis, capables de tirer des missiles sur l’avion de Trump au décollage ou à l’atterrissage. L’équipe de campagne, elle, continuait de voyager sur l’avion officiel, devenant ainsi, malgré elle, une sorte de leurre pour d’éventuels attentats. Trump, lui, était protégé à bord de l’avion de Witkoff – aujourd’hui son envoyé spécial pour le Moyen-Orient.

C’était l’apogée de la tension entre Trump et l’Iran, qui espérait sans aucun doute sa défaite électorale. À l’annonce de sa victoire, les dirigeants iraniens ont affiché des mines déconfites. Aujourd’hui, trois mois après son retour à la Maison Blanche, le tableau est différent. Les États-Unis et l’Iran sont engagés dans des négociations directes, rendues publiques lors d’une rencontre entre Trump et Netanyahu à la Maison Blanche. La gêne ressentie à Jérusalem était palpable, mais aucune protestation officielle n’a été émise : Israël a tout misé sur Trump et dépend désormais presque totalement de ses décisions.

Les relations américano-iraniennes de ces dernières semaines ressemblent aux marchés financiers américains lors de l’annonce de la guerre des tarifs par Trump : les courbes s’affolent à la moindre rumeur ou déclaration interprétable dans un sens ou dans l’autre. C’est une sorte de cycle maniaque-dépressif.
Le principal point de désaccord entre Israël et les États-Unis concerne l’ampleur du démantèlement du programme nucléaire iranien. Trump affirme qu’il ne permettra jamais à l’Iran d’obtenir l’arme nucléaire. Netanyahu, lui, exige un modèle similaire à celui appliqué à la Libye : un démantèlement total.

Les dons sont la bienvenue en cette situation particulièrement difficile  :

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Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et l’envoyé américain pour le Moyen-Orient Steve Witkoff, lors de leur rencontre à Washington. Photo : Avi Ohayon, GPO

Le signal d’alarme a retenti à Jérusalem il y a environ deux semaines, quand Steve Witkoff – étroitement aligné avec Trump – a déclaré sur Fox News que « l’Iran ne doit pas enrichir l’uranium au-delà de 3,67 % ». A priori, ce seuil semble anodin : pour fabriquer une bombe nucléaire, il faut de l’uranium enrichi à plus de 90 %. Mais en réalité, atteindre 3,67 % est la partie la plus difficile du processus. Passer ensuite à 90 % est relativement rapide. Ainsi, cette déclaration autoriserait en pratique l’Iran à poursuivre son programme nucléaire civil… sous la protection américaine.

Dans l’aile dure du Parti républicain, cette déclaration a suscité une vive colère. Le sénateur Tom Cotton (Arkansas), président de la commission du renseignement du Sénat, a rappelé que « l’Iran est un régime terroriste ayant tenté d’assassiner des responsables américains sur le sol américain, y compris le président Trump ». Il a ajouté : « Comme l’a dit Trump, la seule solution est le démantèlement complet du programme nucléaire iranien, sinon nous devrons le faire nous-mêmes ».

Witkoff s’est empressé de corriger ses propos, affirmant que les États-Unis exigeaient « l’élimination du programme d’enrichissement de l’uranium et du programme d’armement nucléaire ». Cela ressemble davantage aux exigences de Netanyahu. Mais la méfiance en Israël demeure.

Trump utilise la tactique classique de la carotte et du bâton, envoyant des signaux contradictoires pour affaiblir son adversaire et obtenir un meilleur accord.
Mais l’Iran est célèbre pour son expertise dans l’art de la négociation patiente au Moyen-Orient.

Chaque jour apporte son lot de spéculations. Après un appel avec Netanyahu mardi dernier, Trump a publié un message affirmant que les deux pays « étaient alignés sur tous les sujets ». De quoi rassurer quelque peu Jérusalem. La Maison Blanche a aussi confirmé qu’il n’y avait « aucune divergence entre Israël et les États-Unis ».

Cependant, des rapports indiquent que les négociations – d’abord à Oman, puis à Rome – progressent positivement, ce qui renforce les inquiétudes israéliennes.
Par ailleurs, Trump a récemment ordonné le renforcement du contingent militaire américain au Moyen-Orient et l’envoi de deux avions de commandement aérien E-3. Preuve qu’il garde toutes les options ouvertes : dialogue ou confrontation.

Une opportunité à mille milliards de dollars

Si on prend du recul, la majorité des experts américains, notamment ceux du podcast Today, Explained, estiment que la probabilité d’un accord entre Washington et Téhéran dans les deux mois est supérieure à celle d’une guerre ouverte. Pourquoi ?

  1. Côté iranien : L’économie iranienne est exsangue (officiellement 35 % d’inflation annuelle, probablement plus). Le régime veut lever certaines sanctions pour survivre et mieux encore : se développer.
  2. Côté américain : Trump ne veut pas d’une guerre au Moyen-Orient, un engagement contraire à ses promesses électorales. La faction isolationniste du Parti républicain (menée par son vice-président J.D. Vance) l’encourage à négocier.
  3. L’axe Trump : Contrairement à Netanyahu et aux faucons américains, Trump insiste uniquement sur le fait que l’Iran ne doit pas posséder l’arme nucléaire, sans exiger la destruction complète de son programme nucléaire. Cela montre qu’il est ouvert à un compromis avec Téhéran.

À noter : au sein de l’administration Trump, l’aile isolationniste (Vance, la cheffe du renseignement Tulsi Gabbard, Steve Witkoff, et le secrétaire à la Défense Pete Hegseth) a le dessus.
Cependant, Hegseth est affaibli par des accusations de fuites de documents classifiés. S’il est remplacé par un « faucon », cela pourrait signaler un durcissement de la position américaine.

Le ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi rencontre le vice-premier ministre italien Antonio Tajani, dans le cadre des pourparlers nucléaires à Rome. Photo : EPA

De plus, l’Iran propose des incitations économiques massives : la participation d’entreprises américaines à la construction de 20 réacteurs nucléaires civils.
Avec près de 100 millions d’habitants, l’Iran offre un marché gigantesque, comparable à l’ouverture de l’ex-Union soviétique. Une guerre ruinerait cette « opportunité à mille milliards de dollars », selon les Iraniens.

Étant donné l’approche business de Trump, ce facteur n’est pas négligeable.

Mais attention, Trump reste Trump : imprévisible, impatient, parfois prêt à agir à contre-courant des prévisions.
Les Américains ont tous les moyens pour lancer une attaque. Trump a donné aux Iraniens un ultimatum pour conclure un accord : le 19 mai.
Quelques jours avant cette échéance, il se rendra en Arabie Saoudite, aux Émirats arabes unis et au Qatar.
Ce voyage servira-t-il à coordonner une guerre totale au Moyen-Orient ou à préparer un accord de paix ? Personne ne le sait. Peut-être même pas Trump lui-même.
Israël doit se préparer aux deux options : il n’a pas le luxe de ne choisir qu’un seul scénario.