On se souvient que les chiffres avaient interpellé toute la sphère politique à l’époque de leurs sorties. 50 % des Français nés après 1980 se disaient prêts à quitter la France pour aller tenter l’expérience de l’étranger. Depuis 2008, le taux d’expatriation chez les 18-25 ans a augmenté de 14 %. Ils sont près de 150 000 de cette tranche d’âge à vivre à l’étranger. En tout, les Français sont 2 millions à travailler en dehors de l’hexagone, et d’après les études menées sur le sujet, ce nombre devrait croître de 50 % dans les prochaines années.

Si cette fuite des cerveaux touche toutes les catégories socio-professionnelles, les ingénieurs sont plus de 15 % à avoir choisi l’étranger pour travailler. Et l’internationalisation des parcours universitaires n’est pas étrangère à ce choix final des jeunes diplômés. Les stages à l’étranger sont désormais monnaie courante et certains étudiants y retournent dès qu’ils ont leur diplôme en poche.

Les destinations privilégiées des jeunes Français sont la Suisse, l’Allemagne et les États-Unis. Mais d’autres pays, peut-être plus exotiques comme les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), commencent à remporter les faveurs des étudiants et ingénieurs. La raison est assez simple à trouver et l’Unesco l’avait annoncé dès 2010 ; il existe une réelle pénurie d’ingénieurs partout dans le monde. Les entreprises américaines disent avoir 30 % de postes vacants et leur marché intérieur ne suffit plus. L’Allemagne manque de 100 000 spécialistes et l’Inde prévoit un besoin de pas moins de 8 millions d’ingénieurs d’ici à 2020. Dans ces conditions, on comprend que la morosité française ambiante n’incite pas les étudiants formés en France à rester au pays.

De plus, même si les entreprises françaises commencent à s’aligner sur les salaires proposés à l’étranger, les postes sont surtout disponibles dans l’industrie, et les ingénieurs préfèrent le bureau à l’usine. Il ne faut pas oublier non plus, outre le salaire, que les entreprises américaines et allemandes savent offrir des avantages en nature à leurs ingénieurs immigrés, pour un coût de la vie moindre. Est-ce que les entreprises françaises ont bien compris que le recrutement des ingénieurs (surtout Français, très apprécié à l’étranger) était une véritable guerre pour l’innovation ?

Néanmoins, on pourra pondérer ces chiffres par le fait qu’un grand nombre des ingénieurs français travaillant à l’étranger le font pour des entreprises françaises installées à l’étranger. Et par le fait que de nombreux étudiants étrangers viennent garnir les bancs des universités françaises, avant d’y rester pour travailler.

Finalement, ce qui est vrai pour la France, est également vrai pour les autres pays.