Réforme électorale : la coalition veut baisser le seuil de représentativité

La coalition gouvernementale israélienne prépare discrètement une réforme majeure du système électoral. Objectif : abaisser le seuil d’éligibilité pour permettre aux petits partis de franchir la barre d’entrée à la Knesset. Un pari politique risqué qui pourrait redessiner la carte du pouvoir à Jérusalem.

Selon plusieurs sources au sein de la coalition, confirmées par le journaliste Amir Segal, un groupe de travail interne planche sur une modification du seuil électoral, actuellement fixé à 3,25 %. Cette réforme viserait à le ramener à environ 2 %, un niveau proche de celui en vigueur avant 2014. L’idée : permettre à de plus petites formations de siéger au Parlement, notamment celles représentant des minorités politiques, religieuses ou régionales.

Mais derrière cette apparente ouverture démocratique se cache un calcul politique précis. En abaissant le seuil, le gouvernement espère renforcer ses partenaires naturels et limiter la fragmentation interne du camp de droite.

Un projet sous haute tension

Le Likoud et ses alliés savent qu’un tel changement pourrait bouleverser les équilibres parlementaires. À première vue, il favoriserait les petites listes de la droite nationaliste ou religieuse, comme Otzma Yehudit, Noam ou les formations des colons. Mais il pourrait également offrir un second souffle à certaines petites formations arabes ou de gauche, souvent pénalisées par la barre actuelle.

Selon un député de la coalition cité par Infos-Israel.News, « l’objectif n’est pas de favoriser un camp, mais de garantir une représentation plus fidèle du peuple israélien ». Une justification démocratique qui peine à convaincre l’opposition.

Du côté du camp centriste, Yair Lapid a immédiatement dénoncé une manœuvre politique :

« Quand un gouvernement faible modifie les règles du jeu, ce n’est jamais pour renforcer la démocratie, mais pour se sauver lui-même. »

Une réforme taillée pour la survie politique

Cette initiative s’inscrit dans un contexte de fragilité gouvernementale. Depuis la fin des hostilités principales à Gaza, les tensions internes entre les composantes de la coalition – Likoud, Shas, Judaïsme unifié de la Torah et les partis sionistes religieux – ne cessent de croître.
L’idée d’abaisser le seuil de représentativité apparaît donc comme une soupape : en multipliant les partenaires potentiels, Netanyahou et ses alliés espèrent réduire leur dépendance à quelques figures charismatiques ou turbulentes.

Certains analystes estiment que cette réforme vise aussi à préparer l’après-Netanyahou, en ouvrant la voie à une recomposition douce du bloc de droite. Une source politique confie : « C’est une manière de consolider le camp national avant que le vide du leadership ne se fasse sentir. »

Mais la réforme pourrait se retourner contre ses promoteurs. Le système israélien, déjà marqué par la fragmentation, risquerait de devenir encore plus instable, avec une Knesset morcelée et des coalitions impossibles à former.

Les leçons du passé

Ce n’est pas la première fois que le débat ressurgit. En 2014, l’ancien ministre des Finances Yair Lapid et Avigdor Lieberman avaient soutenu la hausse du seuil à 3,25 %, pour « stabiliser la gouvernance et réduire le chantage des petits partis ». Depuis, les élections successives ont prouvé que cette logique avait ses limites : les partis moyens se sont effondrés, tandis que les blocs extrêmes se sont renforcés.

Ramener le seuil à 2 % serait donc un retour en arrière politique, voire une tentative de séduire les électeurs déçus des marges. « Ce qui ressemble à un geste démocratique est, en réalité, une stratégie de survie », résume un éditorialiste de Maariv.

Une démocratie sous pression

En Israël, où chaque voix compte et où la fragmentation politique reflète la diversité du pays, toucher au seuil électoral revient à manipuler le cœur du système démocratique.
Les défenseurs du projet affirment qu’il permettra à des communautés aujourd’hui invisibles d’être entendues. Ses opposants redoutent au contraire qu’il affaiblisse la gouvernabilité et paralyse encore davantage la Knesset.

La décision finale reviendra à la commission constitutionnelle dirigée par le député Simcha Rothman. Et dans ce débat, chacun joue sa survie politique.

« Israël a besoin de stabilité, pas de nouvelles combinaisons électorales », prévient un ancien ministre du Likoud.

La réforme pourrait être soumise au vote dès l’hiver prochain. Si elle passe, la carte politique israélienne ne sera plus jamais la même.


Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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