Rencontre secrète à Bakou : Israël et la Syrie discutent d’une zone tampon et d’un retour à l’accord de 1974

C’est un tournant géopolitique qui aurait été impensable il y a encore quelques années : des représentants israéliens et syriens se sont rencontrés ce samedi à Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, selon des révélations du journal saoudien Al-Hadath. Bien que le président syrien actuel, Al-Joulani, se soit également rendu à Bakou, il ne participe pas directement aux négociations, qui se déroulent en marge de sa visite officielle dans le pays. L’objet de la réunion ? La présence militaire israélienne en territoire syrien et la création d’une nouvelle zone de sécurité.

L’information a été confirmée par plusieurs sources diplomatiques dans la région, citées notamment par Al-Sharq Al-Awsat, qui rapportent l’existence de pourparlers indirects entre Jérusalem et Damas, menés avec la médiation de puissances arabes et internationales. Les négociations, bien que qualifiées de « précoces », viseraient à rétablir un accord de sécurité similaire à celui de 1974, signé après la guerre du Kippour, qui définissait une ligne de désengagement entre les deux pays sur le plateau du Golan.

Le contexte régional pousse à ces discussions inédites. Le président syrien Al-Joulani, récemment interviewé par le Jewish Journal, a déclaré de manière inattendue : « Le temps des frappes incessantes doit cesser. Nous avons des ennemis communs et une opportunité historique à saisir. » Cette déclaration audacieuse, faite à un média juif, illustre un changement de ton surprenant du régime syrien. Al-Joulani a même évoqué la possibilité d’un « partenariat sécuritaire futur » avec Israël, en insistant sur la protection des populations druzes de Syrie et du Golan comme un impératif non négociable.

Dans les coulisses, l’activiste syrien Shadi Martini, invité récemment à la Knesset dans le cadre d’une conférence sur la sécurité régionale, a révélé avoir rencontré Al-Joulani aux côtés d’un rabbin et d’un prêtre. Il a rapporté les propos du président syrien : « Une telle opportunité ne se présente qu’une fois par siècle. Ce moment ne durera pas éternellement. » Des extraits de son intervention sont accessibles ici.

Sur le terrain, Tsahal continue ses opérations de sécurité en territoire syrien, notamment dans la zone tampon qui s’est développée à la suite de l’effondrement du régime d’Assad. Des frappes ciblées et des incursions discrètes ont permis de contenir les ambitions iraniennes et les milices pro-iraniennes déployées à proximité du Golan. Mais ce statu quo militaire a un prix : une tension constante, des frappes régulières, et une instabilité chronique dans cette région déjà éprouvée.

Dans ce contexte, le discours du président syrien tranche avec celui de ses prédécesseurs. Il appelle au « respect mutuel » et à « un dialogue basé sur la clarté et la coexistence », et non sur la peur. Un changement de paradigme ? Peut-être. Une manœuvre tactique ? Probablement aussi.

Les analystes israéliens restent prudents. Un responsable de la sécurité a déclaré à Infos-Israel.News que le régime syrien reste dépendant de ses alliés russes et iraniens, mais pourrait chercher à jouer une carte différente, face à une Russie affaiblie et une présence iranienne de plus en plus problématique. En effet, la guerre du 7 octobre et ses répercussions ont redéfini les alliances régionales. Selon le journaliste saoudien Abdel Aziz Al-Khamis, « le Moyen-Orient est en pleine mutation tectonique. La seule question est : allons-nous changer avec lui, ou malgré lui ? »

Du côté de Damas, on confirme qu’un cadre de négociation existe bel et bien, mais sans viser à court terme un traité de paix formel. Il s’agirait plutôt d’un accord intérimaire de sécurité, posant les bases d’un processus de normalisation – voire, à terme, une intégration dans les Accords d’Abraham. Mais à condition, insiste Damas, que les frappes israéliennes cessent et que l’intégrité territoriale syrienne soit respectée.

Israël, de son côté, ne cède pas sur ses exigences sécuritaires. La création d’une zone tampon reste une condition impérative, tout comme le démantèlement des infrastructures militaires pro-iraniennes à la frontière. Les précédents accords ont montré que sans garanties solides, la moindre brèche peut devenir une base de lancement pour le Hezbollah ou les Gardiens de la Révolution.

Enfin, la base de dialogue existe, mais l’équation reste fragile. Israël veut une Syrie stable mais non hostile. La Syrie veut retrouver sa souveraineté tout en sortant de l’isolement diplomatique. Le timing géopolitique, entre un Iran sous pression, une Russie distraite par l’Ukraine et un Trump de retour en force, crée une fenêtre unique pour faire avancer les lignes.

Mais cette fenêtre pourrait vite se refermer. Comme l’a dit Al-Joulani : « Ce moment n’arrive qu’une fois en cent ans. » Reste à voir si les dirigeants auront le courage – ou l’intérêt – de le saisir.

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