Ce week-end, une rencontre diplomatique de haut niveau a eu lieu à Riyad entre le président des Émirats arabes unis, Mohammed ben Zayed (MBZ), et le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane (MBS). Selon les informations rapportées par le journaliste Roi Kais, les deux dirigeants ont adressé un avertissement clair à Israël : toute annexion de territoires en Judée-Samarie mettrait en péril les Accords d’Abraham, et pourrait même entraîner leur suspension. Un signal fort envoyé à un moment où la pression internationale sur Jérusalem se renforce, entre guerre contre le Hamas et débats sur la reconnaissance d’un État palestinien.
Une rencontre stratégique à Riyad
La réunion, tenue à Riyad, n’a pas seulement une portée bilatérale entre Abou Dhabi et Riyad. Elle vise à coordonner les positions arabes face aux évolutions régionales, en particulier la guerre à Gaza et les tensions autour de la Judée-Samarie. D’après les informations disponibles, MBZ et MBS ont affirmé que « l’annexion fermerait définitivement la porte à la normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite » et pourrait pousser les Émirats à se retirer des Accords d’Abraham.
Ces accords, signés en septembre 2020 à Washington sous l’égide de Donald Trump【source : Accords d’Abraham – Wikipédia】, avaient ouvert une ère nouvelle dans les relations entre Israël et plusieurs États arabes (Émirats arabes unis, Bahreïn, Maroc, Soudan). Ils avaient brisé le dogme arabe du « pas de paix sans solution palestinienne » et permis une coopération économique, technologique et sécuritaire inédite.
Les Accords d’Abraham menacés ?
L’avertissement émirati et saoudien marque un tournant. Jusqu’ici, malgré la guerre avec le Hamas, les Émirats avaient maintenu un certain niveau de coopération avec Israël, notamment dans les domaines économiques et touristiques. Mais l’hypothèse d’une annexion en Judée-Samarie est perçue comme une « ligne rouge ».
Pour MBS, qui envisage de normaliser officiellement les relations avec Israël, une telle annexion serait politiquement impossible à justifier auprès de son opinion publique et du monde arabe. Quant aux Émirats, qui ont joué un rôle moteur dans les Accords d’Abraham, ils voient leur crédibilité régionale menacée si Israël franchit ce pas.
« Annexer des territoires en Cisjordanie serait un coup mortel porté à l’esprit même des Accords », estime un diplomate du Golfe.
Israël entre fermeté et isolement diplomatique
Du côté israélien, les débats internes sur une possible annexion sont anciens. La droite nationaliste, incarnée par une partie de la coalition de Benjamin Netanyahou, plaide pour la souveraineté israélienne sur certaines zones de Judée-Samarie, notamment la vallée du Jourdain et les grands blocs de colonies. Les partisans de cette approche invoquent des arguments sécuritaires et historiques.
Mais pour ses partenaires arabes, cette démarche serait perçue comme un rejet définitif de la solution à deux États. Or, plusieurs capitales européennes envisagent déjà de reconnaître un État palestinien, ce qui accroît la pression sur Jérusalem.
En menaçant de quitter les Accords d’Abraham, les Émirats et l’Arabie saoudite cherchent à peser sur le débat israélien. Leur message est clair : la coopération stratégique et économique avec le monde arabe ne peut survivre à une politique d’annexion.
Une normalisation saoudienne compromise
Depuis 2022, l’hypothèse d’une normalisation officielle entre Israël et l’Arabie saoudite alimente les discussions diplomatiques. Washington y voit une avancée historique susceptible de remodeler le Moyen-Orient. Pour Riyad, cette normalisation est conditionnée à des garanties sécuritaires américaines, mais aussi à des gestes israéliens en direction des Palestiniens.
L’avertissement lancé ce week-end semble refermer cette perspective, au moins temporairement. « L’annexion fermera la porte à la normalisation », ont insisté MBZ et MBS. En d’autres termes, Israël se trouverait isolé, privé du rapprochement avec la puissance arabe la plus influente.
Le poids de l’opinion publique arabe
Les dirigeants arabes savent que leur marge de manœuvre dépend aussi de l’opinion publique. Depuis le 7 octobre, les images de Gaza diffusées dans le monde arabe ont ravivé la colère populaire. Les Accords d’Abraham, déjà critiqués par une partie des sociétés arabes comme une « trahison » de la cause palestinienne, deviennent encore plus fragiles.
Pour MBS et MBZ, maintenir un lien avec Israël est politiquement coûteux. Menacer de le rompre en cas d’annexion est aussi une manière de se protéger face à la rue arabe, tout en exerçant une pression sur Jérusalem.
Une situation paradoxale
Ce paradoxe est au cœur de la diplomatie régionale : Israël, confronté au Hamas et au Hezbollah, a besoin de l’alliance stratégique avec les pays arabes modérés pour stabiliser le Moyen-Orient. Mais ces derniers doivent composer avec une opinion publique qui exige des gestes forts en faveur des Palestiniens.
En réalité, les Accords d’Abraham ne sont pas uniquement des traités bilatéraux : ils représentent une nouvelle architecture régionale. En menaçant de les suspendre, les Émirats et l’Arabie saoudite rappellent que cette architecture est conditionnée à une retenue israélienne sur le front de la Judée-Samarie.
Conclusion
L’avertissement de Riyad ce week-end souligne la fragilité des avancées diplomatiques de ces dernières années. Les Accords d’Abraham, présentés comme une révolution géopolitique, pourraient vaciller si Israël choisissait la voie de l’annexion. Pour l’État hébreu, le dilemme est clair : préserver une alliance stratégique avec ses voisins arabes ou céder aux pressions internes en faveur d’une souveraineté totale sur la Judée-Samarie. Dans ce jeu d’équilibre, chaque décision pèsera lourd sur l’avenir du Moyen-Orient.
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