Royaume-Uni : les “petits bateaux” venus de France plongent Keir Starmer dans la tourmente

À peine un an après son arrivée à Downing Street, le Premier ministre travailliste Keir Starmer fait face à une crise politique majeure : l’explosion des traversées de migrants depuis les côtes françaises vers le sud de l’Angleterre. Le chef du Labour avait promis une politique ferme, allant jusqu’à signer un accord inédit avec Emmanuel Macron pour renvoyer les demandeurs d’asile en France. Mais les chiffres s’emballent, les retards s’accumulent et la rue s’embrase.

50 000 traversées en un an

Les dernières statistiques ont fait l’effet d’un électrochoc : 50 000 migrants ont réussi à franchir la Manche sur de petites embarcations au cours de la première année du mandat Starmer – un record. Pire, ce rythme est supérieur à celui observé sous Boris Johnson et Rishi Sunak, malgré les promesses répétées d’éradication du phénomène.

Les images de canots pneumatiques bondés et de familles entières débarquant sur les plages du Kent alimentent la colère populaire. Dans de nombreuses villes, la population proteste contre la transformation d’hôtels en centres d’hébergement pour demandeurs d’asile. À Epping, au nord de Londres, la municipalité a obtenu gain de cause devant la justice pour expulser un hôtel occupé par des réfugiés, après qu’un résident a été accusé d’agression sexuelle. Depuis, d’autres conseils municipaux envisagent des actions similaires.

L’accord franco-britannique en panne

L’accord signé en grande pompe avec Emmanuel Macron devait symboliser un « nouveau départ » dans la coopération entre Paris et Londres. Il prévoyait un mécanisme d’échange : pour chaque migrant renvoyé en France, un autre, déjà enregistré et disposant de liens familiaux avec le Royaume-Uni, serait accepté. Mais l’expérimentation ne porte que sur 2 600 personnes et n’a toujours pas démarré.

Pendant ce temps, les passeurs exploitent les failles. « Les migrants parient que la bureaucratie britannique et ses obligations légales joueront en leur faveur », constate The Times. Ils savent aussi que le marché du travail britannique reste demandeur de main-d’œuvre.

Colère et opportunisme politiques

Selon les sondages, 71 % des Britanniques estiment que Starmer « gère mal » le dossier. Pour 40 % des électeurs, l’immigration illégale est devenue le sujet numéro un, devant l’économie et la santé. Un terrain sur lequel prospère Nigel Farage : sa Reform Party grimpe dans les enquêtes, réclamant des expulsions massives vers l’Afghanistan, l’Érythrée ou même des territoires britanniques isolés de l’Atlantique. « L’accord avec la France est une goutte d’eau dans l’océan », raille Farage, qui se pose en seul garant de la souveraineté retrouvée promise par le Brexit.

Des solutions limitées

Le gouvernement a écarté les scénarios radicaux – suspension de la Convention de Genève, expulsions sommaires aux frontières – préférant réformer la justice administrative pour accélérer le traitement des dossiers d’asile. De nouveaux juges doivent être nommés pour écourter les délais d’appel, aujourd’hui proches d’un an. Mais les experts doutent que cette réforme suffise : en attendant, les contribuables financent la prise en charge de plus de 32 000 migrants logés dans des hôtels.

La ministre de l’Intérieur Yvette Cooper a annoncé une campagne publicitaire dans les journaux français pour dissuader les migrants de tenter la traversée. Une mesure perçue comme dérisoire et déconnectée de la réalité des filières clandestines.

Une crise européenne

La Grande-Bretagne n’est pas seule : l’Allemagne a fermé ses frontières, le Danemark applique une politique d’asile drastique, la Finlande et la Suède ont réduit leurs aides. L’Union européenne, comme le Royaume-Uni post-Brexit, se heurte à la même équation : il est relativement simple d’entrer en sollicitant l’asile, mais presque impossible d’expulser les déboutés.

Pour Starmer, le pari est risqué : il voulait tourner la page du chaos conservateur, mais son gouvernement se retrouve pris dans la tempête migratoire. Un terrain explosif où se joue non seulement sa crédibilité, mais peut-être l’avenir politique du Labour.

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