Une enquête sensible secoue le système des tribunaux rabbiniques en Israël : trois hauts responsables, dont un ancien grand rabbin et un dayan éminent, sont soupçonnés d’avoir fait pression sur un juge, exercé du chantage, modifié des décisions et manipulé des dossiers liés à des hekdesh, des biens religieux consacrés d’une valeur considérable. L’unité Lahav 433, spécialisée dans les crimes complexes, a annoncé avoir clôturé une enquête approfondie supervisée dès le départ par la division économique du ministère public.
Selon les éléments publiés, l’affaire a débuté lorsqu’un dayan d’un tribunal régional a déposé une plainte affirmant qu’il subissait des pressions directes de la part de responsables du Grand Tribunal rabbinique. Ces pressions auraient visé à le contraindre à modifier des jugements concernant des terres et biens religieux administrés par l’institution. Les enquêteurs soupçonnent un système hiérarchique détourné pour servir des intérêts privés, utilisant à la fois l’autorité rabbinique, la menace sur la carrière du juge et la manipulation de documents internes.
En mars dernier, Lahav 433 a mené une perquisition spectaculaire au sein du Grand Tribunal rabbinique à Jérusalem. Les policiers y ont saisi des documents, des courriels et des correspondances jugés pertinents pour établir la nature exacte des interventions et pour vérifier si certains jugements avaient été modifiés sous contrainte. Cette étape a permis, selon la police, de consolider les soupçons et de boucler le dossier afin qu’il soit transmis au parquet pour décision.
Les faits visés sont parmi les plus graves du droit pénal israélien : chantage (סחיטה באיומים), corruption (שוחד), fraude et abus de confiance (מרמה והפרת אמונים). La police affirme que les suspects auraient profité de leur autorité religieuse et administrative pour tenter de manipuler des décisions liées à des biens fonciers à très forte valeur économique. Pour le système rabbinique, déjà fragilisé depuis plusieurs années par des critiques sur son manque de transparence, il s’agit d’un coup porté à sa crédibilité morale.
Les tribunaux rabbiniques, qui détiennent une compétence exclusive sur le mariage, le divorce, certaines successions et la gestion de biens sacrés, jouent un rôle essentiel dans la vie civile en Israël. Toute atteinte à leur intégrité institutionnelle provoque donc une onde de choc bien au-delà des cercles religieux. L’affaire éclate en outre dans un contexte tendu : surcharge de dossiers, ralentissements liés à la guerre, et affrontements politiques autour des prérogatives religieuses, notamment sur les pensions alimentaires et les limites de la juridiction rabbinique.
Les réactions politiques ont été immédiates. Certains élus du courant religieux y voient une “exagération médiatique” et dénoncent ce qu’ils considèrent comme un traitement judiciaire excessif de litiges internes. D’autres, au contraire, estiment que l’affaire révèle un malaise plus profond, avec des mécanismes internes insuffisamment contrôlés et un manque de garde-fous dans un système où l’autorité des dayanim est rarement remise en question. Des organisations féministes, souvent confrontées aux lenteurs et aux blocages du système rabbinique dans les affaires de divorce, saluent quant à elles l’enquête comme “une nécessité absolue pour assainir un système opaque”.
Du côté institutionnel, la présidence des tribunaux rabbiniques a publié un communiqué minimaliste affirmant qu’elle “coopère pleinement avec les autorités d’enquête” et qu’elle attend la décision du parquet “avec respect pour la procédure judiciaire”. Aucune suspension n’a pour l’instant été annoncée, mais cette décision pourrait intervenir si le ministère public décide d’engager des poursuites.
La question centrale reste désormais la réaction du parquet. Si des mises en accusation sont prononcées, l’onde de choc serait considérable : elle impliquerait potentiellement un ancien grand rabbin et remettrait en lumière la nécessité d’une réforme structurelle du système rabbinique, régulièrement critiqué mais rarement soumis à une supervision externe réelle. Pour de nombreux observateurs du monde religieux, cette affaire marque un point de bascule : le moment où l’autorité morale et juridique des tribunaux rabbiniques se retrouve confrontée aux exigences de transparence de l’État moderne.
Sources réelles :
Arutz Sheva (texte original) : https://www.inn.co.il/news/654228
Ynet – Police d’Israël (communiqué) : https://www.ynet.co.il/news/article/bjmp0tfka
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
© 2025 – Tous droits réservés




