Dans un geste rare, qui rompt avec plus d’une décennie de prudence calibrée, Israël a rejoint cette semaine une déclaration américaine condamnant frontalement la Chine pour des violations massives des droits humains. Quinze pays ont signé le texte présenté à l’ONU — parmi eux les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, le Japon… et désormais Israël.
Un signal diplomatique fort, inattendu, qui reflète autant la fermeté retrouvée de Washington que la volonté de Jérusalem de resserrer son alignement stratégique avec son allié américain au moment où la région traverse des bouleversements majeurs.
La déclaration, publiée officiellement le 21 novembre par la mission américaine à l’ONU, vise sans détour les pratiques répressives chinoises : détentions arbitraires, contrôle numérique massif, travail forcé, démantèlement culturel, persécutions de groupes minoritaires comme les Ouïghours, les Tibétains, les chrétiens ou les pratiquants du Falun Gong. Les États signataires dénoncent un « climat de peur » orchestré par Pékin et appellent à la libération immédiate des personnes détenues pour avoir exercé leurs libertés fondamentales.
Pour la première fois depuis 2021, Israël accepte de s’inscrire dans un texte de cette envergure — une décision d’autant plus lourde que les relations économiques entre Jérusalem et Pékin restent cruciales, notamment dans le high-tech, les infrastructures et l’investissement industriel.
Il faut rappeler que Jérusalem avait jusqu’ici privilégié une approche d’extrême prudence : refus de prendre position, abstentions répétées dans les fora internationaux, et silence diplomatique soigneusement entretenu afin d’éviter toute tension avec la deuxième puissance économique mondiale.
Lorsque, en octobre 2021, une déclaration similaire fut portée à l’ONU, Israël avait refusé de s’y associer — un haut responsable israélien confiant alors au Haaretz que « les intérêts économiques doivent être équilibrés avec les considérations humanitaires ».
Cette doctrine non-dite se fissure aujourd’hui.
Le contexte explique beaucoup. Depuis un an, l’administration Trump réclame un soutien clair de ses alliés sur les dossiers stratégiques : Iran, mer de Chine, chaîne d’approvisionnement en minéraux critiques, cybersécurité et lutte contre l’ingérence chinoise dans les infrastructures sensibles.
Washington ne cachait plus son agacement envers les ambiguïtés israéliennes, notamment dans les projets portuaires, la 5G ou certaines coopérations technologiques.
En rejoignant ce front diplomatique, Israël envoie un message limpide : la priorité est désormais à l’axe Jérusalem–Washington, dans un Moyen-Orient transformé par la guerre contre le Hamas, le recul stratégique de l’Iran et le rapprochement spectaculaire de Riyad avec les États-Unis.
Le texte signé à l’ONU est sans ambiguïté. Il décrit une politique chinoise de persécution systématique :
– séparation d’enfants ouïghours de leurs familles et placement forcé en internats ;
– surveillance numérique omniprésente et illégale ;
– restrictions sévères de la liberté religieuse et de la culture minoritaire ;
– démantèlement des libertés à Hong Kong, notamment via des mandats d’arrêt visant des activistes à l’étranger.
Les signataires exhortent la Chine à « libérer ceux détenus injustement » et invitent les autres nations à « demander des comptes » à Pékin.
Ce basculement israélien est d’autant plus notable qu’il ne répond pas à une urgence bilatérale directe. Pékin reste un grand investisseur dans les infrastructures israéliennes, de la construction au transport maritime en passant par le high-tech. Les échanges commerciaux dépassent largement les 20 milliards de dollars annuels.
Mais Israël comprend qu’un monde fracturé impose des choix clairs — et que la posture d’équilibre n’est plus tenable quand le cœur de sa sécurité dépend entièrement du soutien stratégique américain, notamment face à l’Iran et à ses mandataires.
Les diplomates israéliens, interrogés par Ynet, parlent d’un « ajustement stratégique nécessaire », dans un climat où la Chine a multiplié les gestes hostiles à l’égard d’Israël : déclarations ambigües sur le Hamas, soutien diplomatique à l’Iran, et initiative de paix biaisée lancée par Pékin pendant la guerre de Gaza.
Washington, de son côté, exigeait des alliés un front uni, particulièrement sur les droits humains et le contrôle technologique. La présence d’Israël dans cette coalition diplomatique envoie à la Maison-Blanche un signal de loyauté qui comptera dans les dossiers brûlants des mois à venir : l’aide militaire renforcée, la défense aérienne régionale, la normalisation avec Riyad.
Cette décision pourrait néanmoins générer des tensions avec Pékin. La Chine a déjà réagi dans le passé à des décisions similaires par des avertissements diplomatiques ou des restrictions informelles d’accès au marché. Les experts israéliens s’attendent à une réponse froide, probablement graduelle, mais gérable tant que Jérusalem ne franchit pas de lignes rouges économiques.
Il s’agit moins d’un revirement moral que d’un repositionnement stratégique. Israël doit penser à long terme : une alliance américaine forte reste la seule garantie contre la montée en puissance iranienne, les menaces du Hezbollah et la recomposition régionale.
En choisissant de s’exposer publiquement pour dénoncer les abus chinois, Israël assume son ancrage occidental — et sa volonté de s’inscrire dans une stratégie globale de défense des démocraties face aux régimes autoritaires.
Dans une période où les rapports de force mondiaux s’intensifient, Jérusalem investit dans l’avenir : la sécurité d’Israël passe par une alliance claire avec Washington, et cette signature à l’ONU en est l’expression diplomatique la plus nette depuis des années.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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