C’est une petite boîte noire, enroulée de lanières de cuir, que des millions de Juifs portent chaque matin depuis des générations. Les téfilines, symbole de fidélité à la Torah, ont longtemps été considérées comme une évidence dans la sphère religieuse. Mais leur présence dans les écoles publiques israéliennes est devenue, ces derniers mois, un terrain de friction idéologique.

Entre accusations de coercition religieuse, campagnes laïques virulentes et volonté de maintenir une tradition millénaire, le ministère de l’Éducation a décidé d’intervenir pour la première fois : un règlement officiel encadrera désormais la pratique des téfilines dans les établissements scolaires.

Cette décision marque un tournant dans l’équilibre délicat entre judaïsme et éducation publique — et envoie un message clair : Israël ne reniera pas son identité pour complaire à une minorité bruyante.

Une polémique qui couvait depuis longtemps

Le déclencheur ? Une séquence diffusée sur la chaîne 13, dans laquelle un chroniqueur, lors d’un débat houleux, avait osé dire :

Les dons sont la bienvenue en cette situation particulièrement difficile  :

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« S’ils me forçaient à mettre les téfilines à l’école, je les aurais étranglés avec. »

Une déclaration choquante, immédiatement condamnée par une majorité d’élus, y compris des partis centristes et de gauche. Mais cet incident n’était que la partie émergée d’un iceberg : depuis des mois, des militants laïques dénoncent la présence de jeunes religieux dans les cours d’école, aidant des élèves à poser les téfilines.

Des ONG comme « Israël libre de la religion » (Haaretz Hofshit) ont porté plainte contre plusieurs directeurs d’établissements, accusant une « infiltration théocratique » et appelant à une séparation stricte entre religion et enseignement.

La réponse du ministère : encadrer, mais ne pas céder

Sous pression, le ministère de l’Éducation dirigé par Yoav Kisch a tranché avec sagesse. Non, les téfilines ne sont pas une atteinte à la laïcité — mais leur usage à l’école doit s’inscrire dans un cadre respectueux, volontaire et éducatif.

La circulaire qui sera publiée cette semaine contient plusieurs points-clés :

  • Les élèves peuvent mettre les téfilines à l’école, s’ils le souhaitent, à condition qu’aucune pression ne soit exercée sur ceux qui refusent.
  • Les interventions de volontaires religieux (par exemple Chabad) devront être autorisées par la direction et les parents.
  • Aucun élève ne pourra être contraint ni sanctionné pour sa participation — ou non — à la mise des téfilines.
  • Les heures et lieux de la pratique seront fixés avec discernement, pour ne pas perturber les cours.

« Il ne s’agit pas d’imposer, mais de permettre. Le judaïsme fait partie intégrante de notre identité. Exclure les téfilines des écoles reviendrait à nier notre histoire », a déclaré le ministre Kisch.

Une réaction vive mais attendue des militants laïques

Sans surprise, les militants antireligieux ont dénoncé une “capitulation face à la pression des religieux”. Pour eux, même encadrée, la présence des téfilines dans l’espace scolaire est une offense à la neutralité de l’État.

Mais cette critique oublie une réalité de terrain : une majorité d’élèves israéliens, y compris dans les écoles dites “laïques”, se montrent curieux, voire enthousiastes, à l’idée de poser les téfilines pour la première fois. Pour certains, c’est un moment marquant, un lien personnel avec leur judaïsme.

Comme le raconte un enseignant d’une école à Petah Tikva :

« Chaque semaine, deux ou trois garçons me demandent timidement s’ils peuvent mettre les téfilines avec le volontaire qui vient. Il ne les force pas. Il explique. Il sourit. Il transmet. C’est magnifique. »

L’enjeu : éduquer sans diviser

Le vrai défi n’est pas la religion, mais la manière dont elle est transmise. Le ministère l’a compris : il ne s’agit pas de transformer les écoles en synagogues, mais de permettre à ceux qui le souhaitent de se connecter à leur tradition, sans heurter les autres.

Et ce modèle — souple, respectueux, encadré — pourrait devenir un modèle d’intégration culturelle apaisée.

Car les téfilines ne sont pas une “arme idéologique” : ce sont des objets sacrés, portés chaque jour par des millions de Juifs dans le monde, dans l’intimité et la foi.

Une victoire pour le judaïsme traditionnel

La nouvelle réglementation est perçue par de nombreuses familles israéliennes comme une victoire. Une preuve que l’État ne cèdera pas à une vision déconnectée de ses racines.

Pour Rav Yehouda Deri, membre du conseil rabbinique,

« Il ne s’agit pas de forcer, mais de rappeler. Un enfant qui met les téfilines une fois dans sa vie s’en souviendra toujours. C’est un acte d’unité, pas de division. »

Même dans le camp laïc modéré, certains saluent la manière équilibrée dont le ministère a agi. Pas de provocation. Pas de recul. Juste une ligne claire : Israël est un État juif, et ce judaïsme peut s’exprimer dans ses écoles, sans fanatisme ni censure.

Téfilines : symbole de continuité dans une époque troublée

Dans un Israël encore meurtri par les événements du 7 octobre, où les débats idéologiques s’enflamment au moindre mot, les téfilines apparaissent comme un rappel silencieux mais puissant : malgré nos différences, nous partageons une mémoire, une foi, un lien.

Ce n’est pas un hasard si des soldats, au front, demandent des téfilines. Si des rescapés, dans les hôpitaux, les réclament. Si des adolescents, même non pratiquants, les posent lors d’un voyage en Pologne ou à Jérusalem.

Ce geste simple transcende les divisions. Il rappelle l’essentiel.

Conclusion : la liberté d’être juif dans une école juive

Avec cette nouvelle réglementation, le ministère de l’Éducation n’impose pas une pratique. Il garantit la liberté de pratiquer. Il protège le droit d’un élève juif à se sentir juif, dans son école, sans devoir le cacher, sans honte, sans hostilité.

Israël est et restera un État démocratique. Mais c’est aussi, profondément, un État juif — et il n’y a aucune contradiction entre les deux.

Les téfilines ne sont pas le problème. Elles sont peut-être, aujourd’hui, une partie de la solution.