C’est une scène surréaliste, indigne d’un parlement démocratique, qui s’est déroulée le 30 juin 2025 à la Knesset. Entre invectives, hurlements, expulsions, et chants nationalistes entonnés pour couvrir les voix arabes, la commission parlementaire israélienne a décidé de soumettre au vote plénier une procédure d’expulsion du député arabe Ayman Odeh, président du parti Hadash. Le prétexte ? Un tweet controversé. Le véritable enjeu ? Un bras de fer identitaire et explosif sur la place des Arabes israéliens dans la démocratie juive.
Un « procès politique » maquillé en procédure judiciaire
Le député Ayman Odeh, absent lors du débat, est accusé d’avoir exprimé une « sympathie envers des terroristes » dans un tweet saluant la libération de prisonniers palestiniens en janvier. Bien que les terroristes mentionnés par ses opposants aient été libérés plusieurs jours après le tweet – et qu’aucun nom n’ait été mentionné – les membres de la coalition, épaulés par deux députés de l’opposition centriste « Yesh Atid », ont jugé cela suffisant pour déclencher une procédure d’expulsion.
Le problème ? Cette procédure, introduite par une loi récente, exige une majorité de 90 députés – un seuil jamais atteint auparavant. Pire : selon l’avis même des juristes parlementaires, la base légale de l’expulsion est fragile, voire invalide.
L’avocate Shagit Apik, conseillère juridique de la Knesset, a clairement averti les députés : « Il est difficile de qualifier cette expression comme un soutien clair et actif à un groupe terroriste ». Mais ses recommandations ont été littéralement hurlées hors de la salle.
Quand le débat se transforme en cabale haineuse
Ce qui aurait pu être un débat juridique et éthique s’est mué en tribunal idéologique, dominé par les cris de députés de droite et la présence remarquée de Baruch Marzel, activiste kahaniste et ex-détenu, interdit d’élection pour incitation raciste. Installé aux côtés des députés de la coalition, il a observé la scène en silence, un sourire en coin – image glaçante.
La tension est montée d’un cran lorsque des parents endeuillés ont pris la parole pour dénoncer Odeh. Si certains ont parlé avec dignité, d’autres se sont livrés à de violentes accusations. L’un d’eux a traité les députés arabes de « collaborateurs du Hamas », lançant un « Barra, Barra ! » (sors !) hystérique, pendant que le député Ofer Cassif (allié d’Odeh) était traîné hors de la salle par la sécurité après s’être insurgé contre les insultes.
Une atmosphère délétère : entre chants et violences verbales
Le summum de l’absurde a été atteint quand, à la tentative de Walid Taha (Ra’am) de s’exprimer en arabe, les membres de la coalition ont entamé une interprétation cacophonique de « Am Israël Haï » pour le couvrir. À ce moment, tout a basculé : plus de droit, plus de débat, seulement des postures, des cris, et l’instrumentalisation politique d’une douleur nationale.
Le député Itamar Ben Gvir n’était pas là. Mais ses idées, elles, flottaient dans l’hémicycle. La Knesset ressemblait soudainement moins à un parlement qu’à une scène de lynchage verbal.
Derrière Odeh, deux millions d’Arabes israéliens
Le député Gilad Kariv a mis les mots sur ce que beaucoup pensaient : « Ce n’est pas un débat sur Ayman Odeh. C’est une stratégie politique pour délégitimer l’ensemble de la représentation arabe en Israël. »
Et il a raison. Derrière Odeh, ce sont 2 millions de citoyens arabes israéliens qui entendent ce message : vous n’avez pas votre place ici. Vos votes sont inutiles. Vos voix seront systématiquement étouffées.
Depuis la fameuse déclaration de Trump en 2020 selon laquelle la paix ne vient que par la force, un certain courant israélien s’est enhardi. La droite dure, renforcée par l’échec du processus d’Oslo et les horreurs du 7 octobre, voit désormais dans toute expression politique arabe un cheval de Troie du terrorisme.
Et pourtant : qui a réellement financé le Hamas ?
Le témoignage de Dani Elgart, frère d’un otage assassiné à Gaza, a marqué les esprits. Venu dénoncer la guerre éternelle menée par Netanyahou, il a rappelé que le véritable financement du Hamas ne vient pas d’Odeh… mais bien de Bibi lui-même. Une accusation forte, que peu osent formuler, mais qui touche juste : le Hamas a prospéré à l’ombre des calculs cyniques, que ce soit en laissant entrer des valises de cash du Qatar, ou en favorisant la division Fatah-Hamas.
Des kahanistes à la manœuvre
La présence de Baruch Marzel dans la salle n’est pas une anecdote. C’est une alerte. Il représente un courant ultra-nationaliste, héritier de Meir Kahane, dont le parti « Kach » est classé comme organisation terroriste aux États-Unis et en Israël même. Que fait un tel homme aux côtés de députés de la coalition ? Pourquoi est-il encore autorisé à siéger dans l’enceinte de la démocratie israélienne ?
Les paroles de députés comme Oshri Shkalim (Likoud), déclarant n’avoir jamais adressé un seul « bonjour » aux députés arabes, laissent entrevoir un projet dangereux : celui d’un apartheid politique assumé, où l’arabe est toléré dans les hôpitaux, mais rejeté dans les institutions.
Et la démocratie dans tout cela ?
Il reste une chance à Odeh : la Cour suprême, ultime rempart contre les dérives d’un parlement devenu, ce jour-là, un théâtre de vengeance.
Mais même si l’expulsion est bloquée, le mal est fait. Le précédent est là. Une majorité politique tente de museler un élu au nom d’une interprétation subjective et fluctuante du patriotisme. Aujourd’hui c’est Odeh. Demain, qui ?
Conclusion : l’honneur de la démocratie israélienne est en jeu
Israël se veut la seule démocratie du Moyen-Orient. Mais ce titre ne tient pas seulement à la tenue d’élections. Il repose aussi sur la capacité à protéger les minorités, même quand elles dérangent.
Ce qui s’est passé à la Knesset est plus qu’un débat politique. C’est une lutte pour l’âme du pays, entre ceux qui croient encore en un Israël inclusif, et ceux qui rêvent d’un État ethno-national pur, débarrassé de toute dissonance.
L’histoire jugera. Mais le monde regarde déjà.
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