Turquie : une effigie de Netanyahou pendue à Trabzon, pendant qu’Ankara propose d’envoyer des forces de paix à Gaza

Une scène choquante s’est déroulée ce week-end dans la ville de Trabzon, au nord-est de la Turquie. Des manifestants turcs ont pendu une poupée représentant le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou à une grue de chantier, accompagnée d’une pancarte portant l’inscription : « L’exécution de Netanyahou ». Cette mise en scène macabre, relayée par plusieurs médias locaux, intervient au moment même où le président Recep Tayyip Erdoğan se dit prêt à « envoyer des forces de paix turques dans la bande de Gaza ».

La juxtaposition de ces deux événements illustre parfaitement le double discours turc sur la question israélienne : une diplomatie d’apparence humanitaire, doublée d’une propagande intérieure virulente. Les images diffusées par la chaîne TRT Haber montrent plusieurs dizaines de jeunes brandissant des drapeaux palestiniens et scandant des slogans anti-israéliens sous les yeux passifs des forces de l’ordre locales.

Le gouvernement israélien a immédiatement dénoncé cet acte comme « un nouvel exemple d’incitation à la haine antisémite » en Turquie. Le ministère des Affaires étrangères à Jérusalem a convoqué l’ambassadeur turc pour lui signifier une protestation officielle. « Qu’un membre de l’OTAN tolère de telles scènes contre un chef de gouvernement démocratiquement élu est inacceptable », a déclaré un porte-parole du ministère.

Pour Ankara, cette « performance » relève d’une initiative isolée. Aucune arrestation n’a été effectuée, mais les autorités locales ont annoncé l’ouverture d’une enquête « pour atteinte à l’ordre public ». Dans le même temps, Erdoğan a multiplié les déclarations conciliantes, réaffirmant sa volonté de « protéger les civils à Gaza » et de « contribuer à une paix durable par l’envoi d’une force internationale ».

Cette proposition, formulée lors d’un discours au Parlement turc, prévoit le déploiement d’un contingent turc sous mandat de l’ONU ou de l’Organisation de la coopération islamique (OCI). Selon Hurriyet Daily News, le président turc chercherait à positionner son pays comme acteur incontournable de la reconstruction post-conflit, dans un rôle comparable à celui de la Turquie au Kosovo dans les années 2000.

Mais pour Israël, cette initiative suscite une méfiance totale. « Aucun soldat turc n’entrera à Gaza », a tranché un haut responsable israélien cité par Ynet. « La Turquie soutient le Hamas politiquement et financièrement. Elle ne peut pas se présenter comme une puissance neutre. »

Depuis le massacre du 7 octobre 2023, les relations entre Jérusalem et Ankara se sont de nouveau détériorées. Erdoğan, qui avait brièvement rétabli des liens diplomatiques avec Israël en 2022, a depuis multiplié les discours incendiaires, qualifiant Tsahal « d’armée d’occupation criminelle ». En parallèle, la Turquie continue d’abriter plusieurs dirigeants du Hamas, dont Saleh al-Arouri avant son élimination à Beyrouth début 2024.

Le politologue turc Soner Cagaptay, cité par The Washington Institute, analyse cette stratégie :

« Erdoğan tente de redorer son image dans le monde musulman en s’érigeant en protecteur des Palestiniens, tout en détournant l’attention de la crise économique qui secoue la Turquie. »

Dans le même temps, Ankara ménage ses liens économiques avec Israël, notamment dans les secteurs de l’énergie et du commerce maritime. Malgré les tensions diplomatiques, les échanges bilatéraux ont atteint plus de 8 milliards de dollars en 2024. Une hypocrisie dénoncée par de nombreux analystes israéliens : la Turquie condamne Israël publiquement tout en profitant de sa coopération économique en coulisses.

À Jérusalem, plusieurs députés de la coalition ont appelé à « geler tout dialogue » avec Ankara tant que le gouvernement turc ne condamnera pas explicitement les actes d’incitation à la haine. Le ministre de la Communication, Shlomo Karhi, a déclaré :

« L’effigie pendue à Trabzon n’est pas seulement une insulte à Israël, c’est une menace à peine voilée. Nous avons connu trop de fois dans l’histoire ce genre de symboles annonçant la violence réelle. »

Le climat politique en Turquie, marqué par la montée d’un islamisme populiste et d’un nationalisme exacerbé, favorise ce type de dérives. Pour de nombreux observateurs, cette effigie n’est pas un incident isolé mais le symptôme d’une société radicalisée où la haine d’Israël sert de soupape politique.

Quant à la proposition turque d’une force de paix à Gaza, elle n’a reçu aucun écho favorable. Ni les États-Unis ni l’Union européenne ne soutiennent cette initiative, jugée irréaliste et politiquement biaisée. Pour Washington, la priorité reste une stabilisation de Gaza sous supervision israélo-palestinienne, non sous l’influence d’Ankara.

L’incident de Trabzon restera sans doute anecdotique sur le plan diplomatique, mais il symbolise le fossé grandissant entre Israël et la Turquie. Entre la corde suspendue d’une effigie et la main tendue d’un pseudo médiateur, Jérusalem a choisi : vigilance, fermeté et mémoire.

Sources :


Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
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