C’est un bouleversement silencieux, mais d’une portée considérable. En Israël, la direction des partis ultra-orthodoxes est traversée par une crise interne qui remet en cause un équilibre politique vieux de plusieurs décennies. Pour la première fois, certains cadres de la mouvance haredi n’hésitent plus à défier publiquement leurs propres dirigeants spirituels. Une rupture inédite dans un monde où la hiérarchie rabbinique n’était, jusqu’ici, jamais contestée.

Le point de friction majeur ? La participation au gouvernement et la gestion des priorités communautaires dans un contexte de guerre. Une partie de la jeunesse haredi, mais aussi certains rabbins influents, estiment que les dirigeants politiques des partis religieux se sont trop éloignés de la réalité sociale, qu’ils défendent davantage leurs privilèges que les valeurs de la Torah.

Ces critiques, longtemps restées confidentielles, ont éclaté au grand jour ces derniers mois. L’alliance traditionnelle entre les partis ultra-orthodoxes et la droite israélienne est aujourd’hui mise à mal par une base plus jeune, plus éduquée, et plus connectée au reste de la société israélienne. On parle désormais d’un “réveil silencieux”, d’un débat interne sur le rôle que doivent jouer les ultra-orthodoxes dans un Israël moderne, démocratique et en guerre.

Plusieurs signes montrent que cette fracture n’est pas passagère. Des manifestations ont eu lieu devant les bureaux de Shas et Yahadout HaTorah, des pétitions circulent en ligne, et certains jeunes haredim appellent même à rejoindre Tsahal, défiant ainsi un tabou historique. Ce bouleversement idéologique, même s’il reste minoritaire, pourrait avoir des conséquences durables sur la structure même du pouvoir religieux.

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Mais cette remise en question ne signifie pas que les ultra-orthodoxes veulent renoncer à leur identité. Au contraire. Beaucoup veulent redonner du sens à leur rôle spirituel dans un État juif confronté à des menaces existentielles. Ils ne rejettent pas la tradition, ils rejettent l’instrumentalisation politique de la tradition.

Pour Israël, ce mouvement est porteur d’enjeux majeurs. Si une nouvelle génération de haredim s’ouvre à la société, au service national, à l’éducation générale et au monde du travail, cela pourrait transformer en profondeur le paysage israélien. Ce ne serait plus un fossé entre religieux et laïcs, mais un dialogue à armes égales, où chacun contribuerait à sa manière au destin collectif.

La direction ultra-orthodoxe peut-elle ignorer ce courant ? Peut-elle continuer à fonctionner comme si l’histoire ne changeait pas ? La réponse se jouera dans les mois à venir, et elle dira beaucoup sur la capacité d’Israël à concilier tradition, sécurité, et modernité.