Au moment de sa naissance, Ă©bloui par la lumiĂšre, le nouveau-nĂ© Ă©met un cri de dĂ©tresse car soudainement conscient de rompre Ă ce moment lĂ une complicitĂ© avec sa conjugaison originelle. Il abandonne ainsi son terroir sous marin, le ventre maternel, oĂč il faisait si bon dâĂȘtre mĂȘme pour un temps si court. Suffisamment pour faire naitre un amour, vivre une passion et tisser un lien incommensurable entre le bĂ©bĂ© et sa mĂšre. Sans aucun doute, câest lĂ que dĂ©buta le vĂ©ritable premier exil de lâĂȘtre naissant, exil de souffrances qui fraye la voie Ă lâaliĂ©nation et Ă la prospection de nouveaux jalons dans un monde Ă©trange, ignorĂ© et tĂ©nĂ©breux. Existe-t-il un Ă©vĂ©nement pire que lâexil? Est-il possible de gommer si aisĂ©ment cette dĂ©portation de notre milieu naturel? En amont des souffrances subies et ressenties en exil se dissimule Ă jamais une ambition certaine dâidentitĂ© et dâappartenance.Lâexil est une soustraction de soi, dâaspirations gĂ©nĂ©ralement pleines dâespĂ©rance, un souffle dâinquiĂ©tude qui balaie nos consciences, une Ă©ternelle instabilitĂ©, des sommeils sacrifiĂ©s, des accalmies dĂ©tĂ©riorĂ©es, des ambitions Ă©chouĂ©es, des dĂ©sillusions qui sâenchaĂźnent et foisonnent.
Lâexil est cette meurtrissure obscure, muette et inqualifiable, aux souffrances permanentes, une griffure dans la mĂ©moire, coriace Ă toute guĂ©rison, des peines assoupies qui recĂšlent en leurs seins des aventures sans fins et des chemins ombragĂ©s. Il est pour lâintelligence perspicace, un malheur ourdi, pour les novices une entreprise pĂ©rilleuse et pour les entre-deux une solution de dernier recours.
Dans ce sauve-qui-peut gĂ©nĂ©ral, les traversĂ©es du dĂ©sert sont souvent variĂ©es et complexes mais toujours vers une seule et mĂȘme issue: lâassimilation et lâauto suffisance religieuse dans lâantre des sociĂ©tĂ©s dâaccueils et de recueils qui se transforment indubitablement en sociĂ©tĂ©s de cercueils Ă court ou long terme.
Lâexil nâest pas seulement «territorial» mais aussi «spirituel» car mĂȘme si lâon vit cet exil physiquement, nos pensĂ©es se suspendent rĂ©solument Ă ce qui nous est coutumier, Ă ce qui nous est inhĂ©rent, nourricier et prĂ©venant. Logique ayant peut-ĂȘtre suscitĂ© cette Ă©troite complicitĂ© entre la terre, lâidentitĂ© et la mĂšre. Cette derniĂšre est Ă lâimage de la « Matrie », une Ăąme inestimable, tendre et attentionnĂ©e envers ses enfants.
 LâidentitĂ© se manifeste lorsquâelle Ă©volue autour des concepts de la civilisation, de culture, des racines et des biens spirituels de la « Matrie » dâorigine. Mais lâesprit dâintroduction et dâintĂ©gration nous presse le pas et foule au pied lâidentitĂ© dâorigine et les traditions de vie. Il nous entraine entre autres choses Ă cheminer plus loin, rechercher et glaner une connaissance de soi Ă travers lâautre. Ce spectre, au travers duquel se rĂ©flĂ©chit notre identitĂ©, cet Ă©tranger Ă notre conscience, Ă nos us et coutumes et surtout Ă nos espoirs Ă nos aspirations, va nous illustrer notre nouvelle infirmitĂ©.
Ainsi lâidentitĂ© serait-elle une recherche perpĂ©tuelle de soi et lâexil une usurpation et un vol Ă lâarrachĂ© de soi. Nous sommes en prĂ©sence dâune dichotomie absurde entre dĂ©pendre dâautrui et dĂ©pendre de soi, câest-Ă -dire que ces variables  bataillent lâune contre lâautre sans parvenir vraiment Ă Â un rĂ©sultat probant.
La « Matrie » de nos origines demeure Ă jamais notre seul confident, notre Ăąme conseillĂšre, les plis qui parcourent notre âfrontâ marquent notre histoire et plus que tout autre chose, notre amour insatiable pour une Terre promise.
Terre Promise??? Ă la lecture de l’article, ce serait plutĂŽt la …Terre Perdue!!!