UN FOYER SANS CHALEUR ET SANS LUMIERE – Rony Akrich

Au moment de sa naissance, Ă©bloui par la lumiĂšre, le nouveau-nĂ© Ă©met un cri de dĂ©tresse car soudainement conscient de rompre Ă  ce moment lĂ  une complicitĂ© avec sa conjugaison originelle. Il abandonne ainsi  son terroir sous marin, le ventre maternel, oĂč il faisait si bon d’ĂȘtre mĂȘme pour un temps si court. Suffisamment pour faire naitre un amour, vivre une passion et tisser un lien incommensurable entre le bĂ©bĂ© et sa mĂšre. Sans aucun doute, c’est lĂ  que dĂ©buta le vĂ©ritable premier exil de l’ĂȘtre naissant, exil de souffrances qui fraye la voie Ă  l’aliĂ©nation et Ă  la prospection de nouveaux jalons dans un monde Ă©trange, ignorĂ© et tĂ©nĂ©breux. Existe-t-il un Ă©vĂ©nement pire que l’exil? Est-il possible de gommer si aisĂ©ment cette dĂ©portation de notre milieu naturel? En amont des souffrances subies et ressenties en exil se dissimule Ă  jamais une ambition certaine d’identitĂ© et d’appartenance.L’exil est une soustraction de soi, d’aspirations gĂ©nĂ©ralement pleines d’espĂ©rance, un souffle d’inquiĂ©tude qui balaie nos consciences, une Ă©ternelle instabilitĂ©, des sommeils sacrifiĂ©s, des accalmies dĂ©tĂ©riorĂ©es, des ambitions Ă©chouĂ©es, des dĂ©sillusions qui s’enchaĂźnent et foisonnent.

L’exil est cette meurtrissure obscure, muette et inqualifiable, aux souffrances permanentes, une griffure dans la mĂ©moire, coriace Ă  toute guĂ©rison, des peines assoupies qui recĂšlent en leurs seins des aventures sans fins et des chemins ombragĂ©s. Il est pour l’intelligence perspicace, un malheur ourdi, pour les novices une entreprise pĂ©rilleuse et  pour les entre-deux une solution de dernier recours.

Dans ce sauve-qui-peut gĂ©nĂ©ral, les traversĂ©es du dĂ©sert sont souvent variĂ©es et complexes mais toujours vers une seule et mĂȘme issue: l’assimilation et l’auto suffisance religieuse dans l’antre des sociĂ©tĂ©s d’accueils et de recueils qui se transforment indubitablement en sociĂ©tĂ©s  de cercueils Ă  court ou long terme.

L’exil n’est pas seulement «territorial» mais aussi «spirituel» car mĂȘme si l’on vit cet exil physiquement, nos pensĂ©es se suspendent rĂ©solument Ă  ce qui nous est coutumier, Ă  ce qui nous est inhĂ©rent, nourricier et prĂ©venant. Logique ayant peut-ĂȘtre suscitĂ© cette Ă©troite complicitĂ© entre la terre, l’identitĂ© et la mĂšre. Cette derniĂšre est Ă  l’image de la « Matrie », une Ăąme inestimable, tendre et attentionnĂ©e envers ses enfants.

 L’identitĂ© se manifeste lorsqu’elle Ă©volue autour des concepts de la civilisation, de culture, des racines et des biens spirituels de la « Matrie » d’origine. Mais l’esprit d’introduction et d’intĂ©gration nous presse le pas et foule au pied l’identitĂ© d’origine et les traditions de vie. Il nous entraine entre autres choses Ă  cheminer plus loin, rechercher et glaner une connaissance de soi Ă  travers l’autre. Ce spectre, au travers duquel se rĂ©flĂ©chit  notre identitĂ©, cet Ă©tranger Ă  notre conscience, Ă  nos us et coutumes et surtout Ă  nos espoirs Ă  nos aspirations, va nous illustrer notre nouvelle infirmitĂ©.

Ainsi l’identitĂ© serait-elle une recherche perpĂ©tuelle de soi et l’exil une usurpation et un vol Ă  l’arrachĂ© de soi. Nous sommes en prĂ©sence d’une dichotomie absurde entre dĂ©pendre d’autrui  et dĂ©pendre de soi, c’est-Ă -dire que ces  variables  bataillent l’une contre l’autre sans parvenir vraiment à  un rĂ©sultat probant.

La « Matrie » de nos origines demeure Ă  jamais notre seul confident, notre Ăąme conseillĂšre, les plis qui parcourent notre ‘front’ marquent notre histoire et plus que tout autre chose, notre amour insatiable pour une Terre promise.

1 COMMENTAIRE

  1. Terre Promise??? À la lecture de l’article, ce serait plutĂŽt la …Terre Perdue!!!