Lâhistoire de Pessaâh, de lâExode dâEgypte, est lâune des plus anciennes et des plus grandes du monde. Il raconte comment, il y a longtemps, un peuple a connu lâoppression et a Ă©tĂ© conduit Ă la libertĂ© Ă travers un voyage long et pĂ©nible Ă travers le dĂ©sert. Câest lâhistoire la plus dramatique de lâesclavage Ă la libertĂ© jamais racontĂ©e, celle qui est devenue le livre de la libertĂ© le plus influent de lâOccident. « Depuis lâExode », a dĂ©clarĂ© Heinrich Heine, le poĂšte allemand du 19Ăšme siĂšcle, « la libertĂ© a toujours parlĂ© avec un accent hĂ©breu ».
Nous lisons dans la section maggide de la Haggadah de Rabbi Gamliel qui disait que celui qui ne parlait pas de lâagneau de Pessah, de la maztah et des herbes amĂšres nâavait pas rempli son obligation envers le Seder. Pourquoi ces trois choses sont claires : Lâagneau de Pessah, un aliment de luxe, symbolise la libertĂ©. Les herbes amĂšres reprĂ©sentent lâesclavage en raison de leur goĂ»t aigu. Le matzah combine les deux. CâĂ©tait le pain que les IsraĂ©lites mangeaient en Egypte en tant quâesclaves. CâĂ©tait aussi le pain quâils ont laissĂ© en quittant lâEgypte en tant que peuple libre.
Ce nâest pas seulement le symbolisme, mais aussi lâordre dans lequel ces objets sont Ă©voquĂ©s dans la Haggadah qui est intĂ©ressant. Nous parlons dâabord de lâagneau Pessaâh, puis de la Matsa et enfin des herbes amĂšres. Mais cela semble Ă©trange. Pourquoi les symboles de la libertĂ© prĂ©cĂšdent-ils ceux de lâesclavage ? AssurĂ©ment, lâesclavage a prĂ©cĂ©dĂ© la libertĂ©, alors il serait plus logique de parler des herbes amĂšres en premier ? La rĂ©ponse, selon les enseignants âhassidiques, est que seul un peuple humain libre a un goĂ»t amer. Si les IsraĂ©lites avaient oubliĂ© la libertĂ©, ils se seraient habituĂ©s Ă lâesclavage. Le pire exil est dâoublier que vous ĂȘtes en exil.
Pour ĂȘtre vraiment libre, nous devons comprendre ce que signifie ne pas ĂȘtre libre. Pourtant, la «liberté» elle-mĂȘme a des dimensions diffĂ©rentes, un point reflĂ©tĂ© dans les deux mots hĂ©breux utilisĂ©s pour le dĂ©crire, chofesh et cherut. Chofesh est «libertĂ© de», cherut est «libertĂ© de». Chofesh est ce quâun esclave acquiert lorsquâil est libĂ©rĂ© de lâesclavage. Il est libre dâĂȘtre soumis Ă la volontĂ© de quelquâun dâautre. Mais ce genre de libertĂ© ne suffit pas Ă crĂ©er une sociĂ©tĂ© libre. Un monde dans lequel tout le monde est libre de faire ce quâil veut commence dans lâanarchie et finit dans la tyrannie. Câest pourquoi Chofesh nâest que le dĂ©but de la libertĂ©, pas sa destination finale.
Cherut est la libertĂ© collective, une sociĂ©tĂ© dans laquelle ma libertĂ© respecte la vĂŽtre. Une sociĂ©tĂ© libre est toujours une rĂ©alisation morale. Il repose sur la retenue et le respect des autres. Le but ultime de la Torah est de façonner une sociĂ©tĂ© sur les bases de la justice et de la compassion, qui dĂ©pendent toutes deux de la reconnaissance de la souverainetĂ© de Dieu et de lâintĂ©gritĂ© de la crĂ©ation. Ainsi nous disons : «LâannĂ©e prochaine, puissions-nous tous ĂȘtre bnei chorin», en invoquant le cherut et non le chofesh. Cela signifie : «Puissions-nous ĂȘtre libres dâune maniĂšre qui honore la libertĂ© de tous».
Lâhistoire de Pessaâh, plus que toute autre, reste la source inĂ©puisable dâinspiration pour tous ceux qui aspirent Ă la libertĂ©. Il a enseignĂ© que le droit Ă©tait souverain sur la force ; cette libertĂ© et cette justice doivent appartenir Ă tous, pas Ă certains ; que, sous Dieu, tous les ĂȘtres humains sont Ă©gaux ; et cela sur toute la puissance terrestre, le Roi des Rois, qui entend le cri des opprimĂ©s et qui intervient dans lâhistoire pour libĂ©rer les esclaves. Il a fallu plusieurs siĂšcles pour que cette vision devienne la propriĂ©tĂ© partagĂ©e des dĂ©mocraties libĂ©rales de lâOccident et au-delĂ ; et il nây a aucune garantie quâil le restera. La libertĂ© est une rĂ©alisation morale, et sans un effort constant dâĂ©ducation, elle sâatrophie et doit ĂȘtre combattue Ă nouveau. Nulle part ailleurs que sur Pessaâh, voyons-nous comment lâhistoire dâun peuple peut devenir lâinspiration de beaucoup ; comment, fidĂšle Ă sa foi Ă travers les siĂšcles.
Je vous souhaite, ainsi quâĂ toute votre famille, un Chag Kasher vâSameach.
Texte magnifique et juste de lâancien grand rabbin britannique Lord Jonathan Sacks.
RĂ©daction francophone Infos Israel News pour lâactualitĂ© israĂ©lienne
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