La Knesset a tenu ce lundi une séance conjointe de la Commission de l’économie et de la sous-commission pour la promotion de l’industrie high-tech. Une réunion que beaucoup attendaient depuis longtemps : celle où la question explosive du crypto en Israël — sa fiscalité, ses blocages bancaires et sa régulation — serait enfin posée publiquement.
Source : https://www.globes.co.il
À la surprise générale, le moment le plus marquant n’est pas venu des parlementaires, mais d’un entrepreneur connu dans le secteur : Naor Baruch, qui affirme avoir réalisé plus d’un milliard de dollars de profits en crypto-actifs, mais qui déclare être incapable de faire entrer son argent en Israël. Son témoignage a mis en lumière ce que les professionnels dénoncent depuis des années : un système bancaire qui, malgré la croissance du secteur, reste hermétiquement fermé aux revenus issus du numérique décentralisé.
Une industrie en plein essor freinée par ses propres institutions
La séance, présidée par le député Avigdor Liberman, avait initialement pour but d’examiner l’état des investissements high-tech après deux années de baisse mondiale, ainsi que les obstacles qui freinent l’innovation. Mais il est rapidement apparu que le principal point de friction concerne le traitement du crypto par les banques israéliennes.
Le député Liberman n’a pas mâché ses mots :
« Le crypto fait désormais partie de nos vies. Nous devons arrêter de courir après le monde : il faut une régulation claire, rapide et fonctionnelle. »
À ses côtés, le député Avi Maoz, à l’origine de cette réunion spéciale, a rappelé qu’Israël “accuse un retard d’une génération” par rapport aux grandes économies occidentales. Une position qui résonne particulièrement dans un pays présenté comme la “Start-Up Nation”, mais qui peine à s’adapter aux mutations financières contemporaines.
Les banques israéliennes reconnaissent le problème — mais pas leur responsabilité
La représentante du superviseur bancaire a tenu à présenter une version plus mesurée. Elle a insisté sur les efforts fournis par la Banque d’Israël pour préparer un cadre réglementaire :
« Le marché évolue, et nous avons été la première banque centrale au monde à publier une première régulation dans ce domaine. Une nouvelle version, plus large, sera dévoilée d’ici deux mois. »
Selon elle, seulement 4 % des opérations crypto seraient refusées — un chiffre immédiatement contesté par les acteurs du secteur.
Le Forum du Crypto : “La réalité, c’est que l’argent ne passe pas”
Le directeur général du Forum Crypto israélien a présenté une image bien différente :
« La majorité du volume crypto en Israël ne réussit pas à transiter par les banques. Les Israéliens veulent payer leurs impôts, mais le blocage bancaire les en empêche. »
Son message est clair : le système bancaire enlise volontairement le secteur. Et les conséquences seraient considérables :
- 130 milliards de shekels pourraient être ajoutés au PIB en dix ans,
- 70 000 emplois pourraient être créés,
- l’État perdrait chaque année des recettes fiscales substantielles.
Le problème n’est pas l’absence de réglementation mais, selon lui, le refus des banques d’autoriser les dépôts liés au crypto, même lorsqu’ils sont parfaitement légaux et dûment documentés.
Le milliardaire du crypto : “Je peux apporter 15 milliards de dollars, mais Israël me ferme la porte”
L’intervention la plus marquante est venue de l’entrepreneur Naor Baruch. Visiblement frustré, il a dévoilé une réalité qui met Israël dans une position paradoxale :
« J’ai gagné plus d’un milliard de dollars en crypto. Et pourtant, je n’arrive pas à rapatrier l’argent en Israël. »
Il affirme même pouvoir apporter jusqu’à 15 milliards de dollars dans l’économie israélienne, si les banques l’autorisaient à transférer ses fonds.
Puis il a dénoncé un autre obstacle :
- Commission d’achat/vente en Israël : 5 %
- À l’étranger : 90 % moins cher
« Il s’agit d’un monopole total. Cela décourage les petits investisseurs et pousse les grands investisseurs hors du pays. »
Ses propos, lourds de sens, ont créé un malaise dans la salle : comment le pays de la cybersécurité et de la high-tech peut-il être incapable d’accueillir ses propres capitaux ?
High-tech, crise au Nord, fuite des talents : un contexte tendu
Au cours de la même séance, les discussions se sont élargies à la situation dramatique de l’industrie high-tech dans le Nord du pays.
Une représentante du ministère de l’Économie a révélé un chiffre saisissant :
- Sur 83 start-up actives dans le Nord avant les affrontements,
- 3 seulement sont encore opérationnelles aujourd’hui.
La guerre au Sud, les tensions au Nord, et l’incertitude géopolitique alimentent la crainte d’une délocalisation massive de l’innovation israélienne vers l’Europe ou les États-Unis.
Liberman a annoncé qu’il convoquerait une réunion urgente sur la future réglementation du crypto, avant même sa publication officielle par la Banque d’Israël. Il souhaite également une évaluation complète des pertes fiscales, et un rapport comparatif sur les pays leaders du secteur.
Le cœur du problème : Israël risque de perdre une industrie entière
La conclusion de cette séance est aussi simple qu’inquiétante :
Israël est aujourd’hui l’un des seuls pays développés où le système bancaire bloque massivement les opérations crypto, empêchant l’État de percevoir l’impôt, de consolider son PIB et de garder ses entrepreneurs sur le territoire.
Dans un contexte où l’économie traverse une période critique, notamment avec le recul des investissements étrangers et la fermeture d’entreprises dans le Nord, cette inertie pourrait coûter très cher.
Si Israël ne débloque pas rapidement la situation, le risque est clair :
- fuite de capitaux,
- fuite des cerveaux,
- perte de compétitivité internationale,
- glissement de l’innovation israélienne hors de ses frontières.
La balle est désormais dans le camp de la Banque d’Israël et du gouvernement — mais surtout dans celui des banques, qui détiennent encore le pouvoir de décider quels capitaux peuvent ou non entrer dans le pays.
Rédaction francophone Infos Israel News pour l’actualité israélienne
© 2025 – Tous droits réservés
Â





