Que je me sois nommé Jean ou Janeck ou Janosh ou tout simplement Jan, rien ne nous différenciait à leurs yeux…
Que j’ai vécu en France, en Allemagne, en Russie, en Pologne ou ailleurs cela avait-il une quelconque importance pour eux ?
L’essentiel était de commencer par nous marquer, puis par décréter tout un tas de lois interdictions, puis de nous regrouper, de nous affamer, de nous blâmer… puis…
Les convois ne désemplissaient pas : qui vers Drancy en France, qui vers Mechelen en Belgique, qui vers Theresienstadt en Tchécoslovaquie…surtout bien parquer avant le « Grand Voyage » celui dont nous ne devions surtout pas revenir…
Là, c’étaient peut-être les mêmes trains, les mêmes convois de wagons à bestiaux, en tous cas c’étaient les mêmes bourreaux haineux qui attendaient pour mieux entasser, empiler, précipiter ce travail qui se devait d’être bien fait…
Et puis arrivait la proximité du « travail qui donnait la liberté », les barbelés, les sirènes, les chiens, les coups, le travail vers l’épuisement, la mort au bout de ces bâtiments de Treblinka en Pologne, de Buchenwald en Allemagne, de Natzweiler-Struthof en France, de Rawa-Ruska en Ukraine…Et 18.000 juifs de moins à gauche, et 25.000 de « disparus » à droite, et 56.000 ailleurs…A celui qui battra le record…Regardez Treblinka : presque 1 million de morts…
Effectivement, comment de nos jours, pour nous êtres qui aimons à nous appeler « humains », imaginer, croire, pouvoir assimiler et comprendre ce qu’est un génocide dûment pensé, préparé, concrétisé pour pouvoir compter au moins jusqu’à 6 millions ?
D’aucun diront que rien n’est vrai, que tout cela n’est que pure invention, que de telles horreurs n’ont aucunement pu avoir lieu en ce 20e siècle, que tout n’a été que le fruit de l’imagination de certains, que…
J’ai croisé ce matin grand-mère Esther, vous savez cette dame digne, déjà âgée, qui cache comme elle le peut ce « souvenir » laissé sur son avant-bras par les « bons allemands » qui avaient suivi les « bons voisins français » de l’époque, qui eux-mêmes avaient su s’installer dans l’appartement familial, et qui jamais au grand jamais ne s’attendaient à voir revenir le fantôme de cette petite fille de l’époque, ce fantôme -témoin de ce qui fut, oui, de ce qui fut !!
Esther ne parle de cette époque que par bribes, par anecdotes presque, surtout ne pas se souvenir des détails, de la perte de sa famille, de la faim permanente, des poux, du thyphus, des coups, de la mort permanente, des fumées des chambres….
Voilà qu’après toutes ces années l’horreur est bien palpable, encore, toujours, trop peut-être ? Mais y -a-t-il une échelle de mesures de l’horreur ???
Marc Lev.